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L’ogre Amazon : comment le géant américain peut rafler Carrefour ou Casino et devenir champion du monde de la grande distribution
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Atlantico Business

Un cours de l’action à près de 1120 dollars en début de semaine : Amazon a encore franchi des caps historiques.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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«Et si la valeur (d’Amazon) n'avait rien à voir avec les profits courants ou futurs, et qu'elle découlait plutôt de la capacité de l'entreprise à perturber son secteur, à amener des transformations sociales, ou à créer des nouvelles technologies bénéfiques, même si cela se traduisait par des pertes économiques courantes et futures? » David Einhorn, gérant de fonds américain passe à New-York pour un gourou spécialisé dans la grande distribution. L’homme avait du flair, en pariant à l’époque contre Lehman Brothers, un an avant sa chute. Depuis, Amazon est dans son viseur. Le financier fait partie des sceptiques.

Et pourtant, les résultats actuels ne lui donnent pas raison. Les chiffres publies par Amazon sont incroyables, une fois encore, au dessus des attentes des professionnels du secteur. Le titre poursuit sa trajectoire spectaculaire. le Chiffre d’affaires est en hausse de 34%, après l’intégration de Whole Foods Market en juin dernier. Et même le résultat net sorti vendredi dernier est au dessus des attentes. Pour une firme qui ne cesse de vouloir grandir, ces résultats lui donnent toute liberté et tous les moyens de ses ambitions.

La force de frappe d’Amazon c’est  son cash disponible. Amazon est devenu le numéro deux de la distribution depuis qu’Amazon a racheté Whole Foods, enseigne américaine de magasins bio. Alors depuis l’été, les rumeurs de rachat potentiel d’une autre entreprise de l’alimentaire vont donc bon train. Ce qu’on sait désormais, c’est qu’Amazon, non content d’être un géant du numérique, veut investir le terrain du supermarché physique. Il veut, mais surtout il peut. En juin, Amazon avait annoncé payer cash les 14 millions de dollars nécessaires à l’acquisition de Whole Foods. En fait, en août, la société est revenue sur cette décision et a emprunté ce montant auprès des marchés obligataires. Avant une prochaine hausse des taux, la mesure est compréhensible. Ce que ça veut dire,  c’est que le cash est toujours disponible. Pour une nouvelle acquisition. Amazon  n’a que l’embarras du choix.

En toute lucidité et toute liberté, la société américaine a construit sa stratégie sur trois axes de développement.

Le premier axe de développement, c’est l’intelligence artificielle. Cette course de recherche/développement vers toujours plus d’objets connectés. Le système d’intelligence d’Amazon  s’appelle Alexa, c’est un assistant vocal qui s’occupe déjà de la domotique, gère les agendas, les playlists... On compte  plus de 10 000 compétences à son actif. Le système progresse à vitesse grand V et sera bientôt en mesure de réceptionner les colis quand personne n’est à la maison. Un service utile pour une entreprise qui est née via le e-commerce.

Mais la stratégie d’Amazon ne s’arrête pas à faciliter son commerce en ligne, elle cherche surtout à s’implanter partout dans la maison. Sur le marché des assistants domestiques, Amazon est déjà leader avec 75% des parts de marché. la part d’objets connectés ne cesse d’augmenter (lunettes connectées, voiture, réfrigérateur, téléviseur…), objets qu’Amazon ne fabrique pas.

La stratégie du géant consiste aujourd’hui à se coupler à ces nouvelles technologies, en distribuant sa technologie à d’autres appareils de façon créer des appareils Amazon-compatibles et à se rendre l’élément indispensable de la maison.

Le deuxième axe, c’est la diversification du catalogue d’Amazon. Et la nouveauté cette semaine, c’est l’autorisation qu’a reçue Amazon de vendre des médicaments sur le territoire américain. Pour l’instant encore en phase de test sur une quinzaine d’Etats dans des points de distribution physique, sorte d’officines qui seraient estampillées Amazon, l’entreprise décidera en novembre de la suite à donner à cet essai, alors qu’il se dit aussi que la vente en ligne pourrait être proposée pour les médicaments prescrits sur ordonnance

Une première entrée sur un secteur pharmaceutique, pourtant fortement réglementé, Amazon n’a pas peur d’aller chercher son concurrent direct, Walmart, le premier grand groupe généraliste de distribution, sur le terrain des médicaments. Selon un analyste du secteur, Amazon pourrait « avoir une part de marché de 5 à 10% assez rapidement s’il y met les moyens ». Ce qui représenterait entre 25 et 50 milliards de dollars de chiffre d’affaires supplémentaire.

Enfin, troisième et dernier axe de développement, c’est la conquête du vieux monde. L’implantation physique en Europe, et notamment en France. Pour poursuivre son développement dans la vente de produits alimentaires, le géant américain se verrait bien poser les pieds dans une enseigne française. Pour l’instant, Amazon flâne encore dans les rayons, regardant ce que vaut telle ou telle marque de la grande distribution. On parle d’abord d’un « partenariat – test », pour ne pas griller ses ailes.

A qui pourrait s’intéresser Amazon ? Système U ou Casino ont ainsi été approchés. Le groupe Carrefour ne dévoile aucune information. Pour l’instant, toutes auraient décliné un rapprochement avec l’américain. Mais un rachat n’est pas à écarter. Il serait alors vraisemblable qu’Amazon se tourne vers un groupe côté en bourse, un Carrefour, un Casino. Car l’opération serait beaucoup plus complexe pour un acteur indépendant (Système U ou Leclerc).

Ce que cherche Amazon, c’est « un peu une sorte de back office en France », note Serge Papin, PDG de Système U. Un réseau de distribution, particulièrement bien implanté en ville, pour avoir une présence suffisante. Mais il pourrait voir plus grand, en venant directement convoiter le numéro deux mondial de la distribution, et leader en France.

Carrefour, Monoprix ou Système U, toutes ces firmes ont la particularité de se retrouver dans le champ concurrentiel d’Amazon : un champ de bataille particulièrement dangereux tant les deux rivaux ne sont pas de même taille. Il est difficile comment un groupe français, même Carrefour valorisé à 14 milliards d’euros, puisse résister face au géant américain qui lui, vaut plus de 530 milliards…

La grande distribution est coincée entre les fournisseurs chinois qui se réveillent et des consommateurs de plus en plus versatiles et exigeants. Dans la grande distribution, tout est finalement à vendre. Amazon a les moyens financiers de racheter la grande distribution mondiale. Elle n’a pas forcement intérêt à racheter tout et n’importe quoi. Elle peut choisir. Et sur ce marché, Carrefour est une excellente cible.

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