L’immense perversité de l'accolade de la mort donnée aux homosexuels massacrés par l’Etat islamique juste avant leur exécution<!-- --> | Atlantico.fr
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Lorsque les combattants de l'Etat islamique procèdent à la mise à mort d'homosexuels, ils leur accordent une accolade.
Lorsque les combattants de l'Etat islamique procèdent à la mise à mort d'homosexuels, ils leur accordent une accolade.
©Reuters

SOS Miséricorde

Lorsque les combattants de l'Etat islamique procèdent à la mise à mort d'homosexuels, ils leur accordent une accolade. Par ce geste, ils leur signifient qu'ils agissent pas "compassion", pour les aider à expier leur "péché". Ce qui ne les empêche pas de les tuer juste après.

Atlantico : Dans les vidéos mettant en scène l’exécution d’homosexuels par l’Etat islamique (EI), le bourreau fait systématiquement une accolade à sa victime. Il s’agirait d‘un geste de compassion de la part du premier, qui signifie au second qu’il l’aide à expier ses péchés. Sur quoi les islamistes s’appuient-ils pour justifier ce rite ?

Ghaleb Bencheikh :Il n’existe à ma connaissance pas de texte comportant des indications aussi précises et claires. La valeur cardinale, fondamentale et caractéristique de la tradition religieuse islamique est celle de la miséricorde et de la bonté. Toutes les sourates font référence au caractère miséricordieux de Dieu. Ce sens a été dévoyé par une prétendue et usurpée compassion, compassion pervertie par le geste qui suit l’accolade symbolique, à savoir l’assassinat. Nous nous trouvons dans le délire le plus total. Ceci heurte encore plus la conscience humaine d’une part il s’agit d’un assassinat justifié par l’orientation sexuelle, qui de surcroît est théâtralisé par un pseudo acte de compassion.

Qu’est-ce que cette interprétation de la notion de compassion nous apprend sur les membres de l’EI ?

On peut se cantonner à une lecture psychologisante de leurs actes, tout comme on peut adopter leur vision millénariste consistant à dire qu’il faut purifier le monde de tous les suppôts se Satan et de toutes les perversités, parmi lesquelles se trouve l’homosexualité selon eux. Ils s’inscrivent dans un « cocon » au sein duquel ils sévissent selon des règles propres au groupe. Parmi eux se trouvent des personnes manipulées qui agissent « de bonne foi »  – selon la leur, en tout cas – et des idéologues à la manœuvre. Au degré d’endoctrinement et d’enfermement qui est le leur, tout devient possible.

La notion de « miséricorde » détournée ainsi sert-elle aux islamistes à se déresponsabiliser de l’acte, et à se présenter comme le simple bras armé d’une justice prétendument divine ?

Assurément oui. Nous nous trouvons face à une lecture archaïque d’un dieu vengeur dont ils seraient l’instrument. Ils n’arrivent pas à comprendre que les textes les plus violents pouvaient correspondre à un moment donné à un entendement humain déterminé, mais que s’y conformer aujourd’hui relève de l’archaïsme le plus total. Personne ne les a délégués, ils sont autoproclamés seuls procurateurs de Dieu et défenseurs exclusifs de ses droits. Ils veulent faire régner l’ordre et la vertu dans une logique de police des mœurs.

Quel effet l’attitude compatissante du bourreau a-t-elle sur les différents publics amenés à regarder les vidéos diffusées sur internet ?

Ils ont sans doute été amenés à lire un quelconque illuminé des temps passé selon lequel la méthode d’exécution la plus douce serait celle de l’égorgement avec un couteau bien affuté. La question consistant à savoir quelle est la meilleure manière d’exécuter les gens s’est toujours posée dans quasiment toutes les sociétés. Des traces écrites décrivant cette méthode existent très certainement, mais elle n’est mentionnée ni dans le Coran ni dans les hadiths du Prophète.

Auprès de leurs cibles, le message est le suivant : nous sommes tellement compatissants que même ceux qui sont susceptibles de provoquer le désordre dans notre société idéale, nous nous en débarrassons dans un geste de « tendresse ». Cette approche est autant perverse que fanatique. C’est aussi une manière pour eux de se vautrer dans des certitudes consistant à dire que tout le monde non musulman – dont font partie beaucoup de musulmans, rappelons-le – ainsi que les « mécréants » se liguent contre eux, détenteurs de la vérité. Ils entendent ainsi démontrer que même lorsqu’ils accomplissent le châtiment divin au motif que l’homosexualité serait une abomination – c’est écrit dans le Coran –  ils le font « en douceur ».

Avec ces mises en scène et le message qu'elles induisent, peut-on parler d'un "raffinement" dans la perversion ?

Qu’elle soit voulue comme telle ou qu’elle participe d’une cohérence globale, on peut effectivement parler d’une intelligence à l’œuvre. C’est la logique du « eux » contre « nous »,  ces derniers n’étant prétendument pas aussi barbares que ce que ceux d’en face cherchent à faire croire. Pour preuve : même pour débarrasser la terre d’une « abomination », ils le font en « câlinant » le futur supplicié.

Entre les criminels nazis qui se cachaient derrière la hiérarchie, et les criminels de l’EI qui justifient leurs actes par le respect d’une "règle", la dynamique est-elle la même ?

Je le crois, car de tels actes sont si insupportables pour un être humain normalement constitué, que celui-ci doit bien trouver un moyen de se dédouaner. Les nazis se sont défaussés sur l’ordre et la hiérarchie, et les islamistes, eux, se disent qu’ils sont obligés de la faire parce qu’ils se considèrent comme de bons croyants. Ils se disent que Dieu sera satisfait, qu’ils mériteront le paradis : dans ces conditions ils se disent que les personnes exécutées n’avaient qu’à suivre le modèle qu’ils représentent. Les plus fanatisés ne vont pas aussi loin, ils se disent juste que l’acte de tuer un infidèle est bon en soi. 

Propos recueillis par Gilles Boutin

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