L’épargne surabondante peut très bien servir de carburant à la reprise, à condition que l’Etat ne soit pas trop gourmand <!-- --> | Atlantico.fr
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livret A épargne économie crise covid-19 coronavirus
livret A épargne économie crise covid-19 coronavirus
©DENIS CHARLET / AFP

Atlantico Business

130 milliards d’euros non dépensés en 2020 par les ménages, le pactole devrait atteindre 200 milliards l’année prochaine. Un record sur lequel l’économie française peut s’appuyer pour repartir, et de manière non éhontée.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tout le monde lorgne sur l’épargne des Français. Les banquiers, les assurances, les entreprises et l’Etat. Et de tous ces acteurs gourmands, le plus dangereux est sans doute l’Etat.

L’année 2020 restera une année de record en matière d’épargne. En France, c’est plus de 20% de leur revenu brut que les Français ont épargné, en les plaçant sur des livrets d’épargne ou directement sur leurs comptes courants. Le Livret A s’en est d’ailleurs beaucoup mieux sorti que les fonds euros de l’assurance-vie, qui ont vécu pour la première fois une année de décollecte « historique ». C’est à dire que pour la première fois, les Français ont retiré de l’argent de l’assurance vie en fonds euro pour la transférer sur des comptes liquides et disponibles rapidement.

Certes, les taux d’intérêt sont bas, l’épargne ne rapporte rien ou peu. Mais tant qu’il n’y a pas d’inflation (0,3% de hausse des prix au 3ème trimestre 2020 contre 1,2% en comparable en 2019), l’épargnant ne fait pas une mauvaise opération, puisque le taux d’intérêt réel reste positif. L’épargnant s‘achète ainsi une protection. Tout se passe comme si le virus avait encouragé la nationalisation de l‘épargne.

Les Français ont épargné aussi massivement à cause de la situation créée par la pandémie. Le stress et le confinement ont gonflé les bas de laine et bourré les matelas d’argent liquide.

D’abord, les Français épargnent donc par « précaution ». Quoiqu’on en pense, nous sommes encore au cœur d’une crise économique et sanitaire, et on le restera tant que l’épidémie ne sera pas maitrisée. Avec, à venir des faillites de petites entreprises et des plans sociaux dans des plus grandes entreprises. Dès que les Urssaf lèveront les moratoires et que les banques commenceront à exiger de se faire rembourser des PGE, c’est çà dire dans le courant de l’année 2021, la tuerie sociale et financière risque de faire beaucoup de dégâts.

D’un autre côté, les indépendants sont touchés par une baisse de revenus sans perspective de reprise. Et dans les secteurs sinistrés, on ne sait pas si on retravaillera un jour. Dès lors, mettre de l’argent de côté relève d’un comportement rationnel.

Ensuite , cette épargne est une épargne contrainte par l’arrêt de la consommation. Une partie de la population, en majorité les salariés, ont malgré le confinement et grâce au télétravail pour les uns et chômage partiel pour d’autres, reçu un salaire dans des proportions quasi-normales. Le revenu des ménages a été globalement protégé, il ne va baisser que d’1% cette année, c’est royal, comparé au revenu national (PIB) qui va, lui, connaitre une chute de -10%.

Mécaniquement , les occasions de dépenser ont été nettement moins nombreuses cette année. Moins de transports, moins de possibilité de partir en vacances et de partir loin, moins de loisirs. Alors certains secteurs en ont profité. Le digital notamment mais l’essentiel des revenus distribués a été stocké sur les livrets d’épargne.

Dans ces conditions, que les Français se rattrapent de la fermeture des commerces au moment leurs achats de Noël en dépensant plus que d’habitude ou au contraire, qu’ils épargnent plus que la normale, ça ne peut pas être mauvais pour l’économie française. Ça veut dire qu’il y a du carburant pour faire marcher les rouages de l’économie, qu’on peut utiliser plus tard ou qu’on peut utiliser autrement.

L’épargne peut donc être le bon carburant pour financer la reprise de l’économie française, et cela pour au moins 3 raisons.

La première, c’est que l’épargne est plus facile à flécher que la consommation. Même si on a largement incité les Français en consommer en rouvrant les magasins pour la période des achats de Noël, que l’Etat va verser des primes de Noël aux plus défavorisés, certaines entreprises à leurs salariés, la consommation seule ne peut pas faire repartir l’économie française. Tout simplement parce que nous ne sommes pas en circuit fermé et qu’un bon nombre de ces achats sont des importations, sans impact sur le taux d’activité en France. Les importations ont d’ailleurs beaucoup moins reculé que nos exportations, en d’autres termes, le déficit commercial se creusera en 2020.

La deuxième raison est la garantie qu’apporte cette épargne au fonctionnement du système économique. Le gouvernement a choisi de protéger le système et de le relancer par la dette, donc avec de l’argent qu’on n’a pas. Or, c’est justement par cette épargne, déposée sur des livrets A, ou sur des fonds euros, que l’Etat français peut crédibiliser sa solidité et emprunté à taux très bas, aujourd’hui négatifs.

C’est parce que cette épargne se retrouve dans le haut des bilans de nos banques, que le système peut ensuite accorder des crédits et des financements à d’autres acteurs de l’économie, sans dépasser les contraintes réglementaires que leur impose le régulateur. C’est avec cet argent que les banques ont pu accorder des prêts d’urgence aux entreprises, les PGE. Car s’ils sont garantis par l’Etat en cas de faillite de l’entreprise, il faut quand même que l’argent vienne à l’origine de la banque. La banque centrale qui assure la liquidité en rachetant massivement des créances veille principalement à la façon dont les ratios bancaires sont respectés. Pas question de se retrouver dans 6 mois ou dans un an avec des établissements financiers écrasés par des mauvais crédits et des ratios de solvabilité dépassés. Les subprimes, c’était en 2008 et tout le monde s’en souvient encore.

Enfin, cette épargne abondante nous place en tant que pays sûr dans lequel il est sain d’investir. Un pays dont le système fiscal ne peut pas s’effondrer du jour au lendemain, et qui pourra continuer de financer ses infrastructures, ses écoles, son système de santé… 

Surtout, cela va permettre de trouver des appuis pour de futurs investissements, mais cela nécessite d’avoir des idées. Des idées et de l’argent, voilà ce qu’il faut pour faire venir les investisseurs. Nous avons au moins une partie de la solution.

Si l’épargne est un bon carburant, l’investissement va être la clef de la reprise. Parce que c’est de l’investissement dont dépend la reprise de croissance et la création d’emplois.

Le grand risque serait que cette épargne soit préemptée par l’Etat pour financer des dépenses courantes et compenser d’éventuelles difficultés d’emprunt.

Sans beaucoup d’efforts particuliers, certains responsables politiques voudraient flécher l’épargne non pas vers l’économie des entreprises mais vers les caisses de l’Etat. L’imagination de l’administration est sans limite. Impôts sur l’épargne, taxe sur les transactions bancaires, impôt sur le revenu ou sur le capital augmentés, impôt exceptionnel sur la Covid 19…. Tout est possible.

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