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L'affaire Adama Traoré ou le spectre d'une guerre civile ?
©Thomas SAMSON / AFP

Manifestation

Près de 20 000 manifestants, selon la préfecture de police, s'étaient regroupés mardi soir, malgré l'interdiction, devant le tribunal de Paris à l'appel du comité de soutien à la famille d'Adama Traoré. Eric Verhaeghe évoque l'affaire Adama Traoré et revient sur les choix de la Préfecture de police de Paris.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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L’affaire Adama Traoré est celle de ce jeune de Beaumont-sur-Oise qui est mort après une interpellation mouvementée par la gendarmerie, en 2016. Connu de la police pour de petits délits, l’intéressé s’était enfui pour échapper à un contrôle d’identité. Rattrapé par les forces de l’ordre, les causes exactes de son décès sont contestées par la famille. Celle-ci maintient une manifestation interdite devant le palais de justice ce mardi à 19 heures…

Entre l’affaire Adama Traoré et le décès de Georges Floyd aux États-Unis, les agitateurs qui victimisent les minorités ethniques en France cherchent évidemment à établir un parallèle commode. Récupérer la mort de George Floyd et créer un grand mouvement de contestation contre l’ordre blanc en France… Il n’est pas sûre que cette manoeuvre grossière fonctionne, mais il est vrai qu’une fois de plus le gouvernement et la technostructure mettent toutes les chances du côté des manifestations pour affaiblir l’ordre et pousser à l’émeute.

La contre-expertise sur Adama Traoré qui tombe mal

Alors que l’agitation autour de l’affaire Adama Traoré était globalement contenue depuis plusieurs mois en France, la publication vendredi dernier d’une contre-expertise innocentant les gendarmes ayant procédé à l’interpellation du délinquant a remis le feu aux poudres. Cette expertise affirme que le jeune Traoré souffrait d’un problème cardiaque dont la manifestation a commencé avant l’interpellation. 

On peut tout de même s’interroger, compte tenu de la sensibilité du dossier, sur le circuit de décision qui a conduit à cette publication en pleine vague de contestation raciale aux États-Unis. Il était évident que le contexte, le bon sens, l’intérêt public, recommandaient de différer cette publication de quelques jours, voire quelques semaines, le temps que les esprits se calment un peu.

Celui ou celle qui a validé la publication de cette contre-expertise forcément ne pouvait ignorer qu’il craquait une allumette au-dessus d’un baril de poudre. 

Le préfet Lallement pose décidément problème

La contre-expertise à peine connue, la famille Traoré et ses soutiens ont évidemment décidé d’une manifestation dans Paris, en l’espèce devant le palais de Justice. Comme à son habitude, le Préfet Lallement l’a annulée à la dernière minute, rendant tout référé impossible. 

Cette technique systématiquement utilisée contre les Gilets Jaunes n’est pas nouvelle, et on ne se souvient d’ailleurs pas que les soutiens de Traoré s’en soient offusqués lorsqu’il s’agissait d’être solidaire avec des Français. En revanche, s’agissant des minorités victimes de la colonisation, la technique Lallement jette de l’huile sur le feu et échauffe les esprits, comme le montre la vidéo ci-dessus. 

Cette stratégie est au demeurant absurde, puisque les rassemblements sont interdits durant l’urgence sanitaire. Le tribunal administratif aurait en urgence validé la décision du Préfet. 

Pourquoi, dans ces conditions, faire de la provocation ?

Réactions virulentes et appels au soulèvement

Dans ces conditions, sans surprise, ce qui devait arriver arriva : la famille Traoré et ses proches se sont répandus contre le racisme prétendu de cette contre-expertise, et sur l’incompétence des médecins qui y ont procédé. On comprend bien l’objectif téléguidé de cette affaire : saisir l’émotion du déconfinement et de la mort de George Floyd, profiter de la précarisation des banlieues du fait de la crise économique foudroyante pour pousser une revendication identitaire racialisée. 

C’est précisément le scénario que les services de renseignement craignaient, sur lequel ils avaient alerté l’exécutif. Mais dans l’incompétence ambiante, personne n’a jugé utile de gérer le dossier Traoré préventivement… Quand les lignes de commandement sont déficientes, hein, on ne peut plus faire grand chose pour le pays. 

Un deux poids deux mesures de plus en plus urticant

L’ironie du sort veut que, ce week-end, une bien fâcheuse affaire ait éclaté dans l’Isère. Un commerçant de village a légèrement blessé un cambrioleur qui s’attaquait de nuit à son commerce. Ce petit commerçant s’est retrouvé menotté, accusé de meurtre, mis en garde à vue pendant 48 heures. D’un côté des voyous qui commettent des délits de fuite et qui se présentent en victimes parce qu’ils sont issus de l’immigration. De l’autre, des travailleurs indépendants épuisés par la crise traités comme des moins que rien lorsqu’ils défendent leur outil de travail. 

Ce rapprochement entre deux faits divers, l’un beaucoup moins tragique que l’autre, heureusement, met toutefois l’accent sur les déséquilibres de moins en moins supportables de la société française. Les « Gaulois réfractaires » sont traités sans ménagement par le pouvoir, quand celui-ci met les bouchées doubles pour préserver l’illusion d’un Vivre Ensemble fondé sur l’excuse systématique de la délinquance. 

Le début de la fin pour le Vivre Ensemble et ses faux semblants ?

L’agitation autour de la mort d’Adama Traoré sera-t-elle un feu de paille, ou déclenchera-t-elle un mouvement collectif dont l’objet sera une fois de plus d’affaiblir la légitimité de l’ordre existant et de promouvoir une société de plus en plus atomisée, où l’homme blanc porte un fardeau toujours plus lourd, et l’homme noir est toujours plus excusé de ne pas respecter les mêmes règles que les Blancs ?

Dans tous les cas, le confinement a montré comment des zones de non-droit s’étaient gravées dans le marbre en France, avec la complicité tacite des élites qui ne vivent pas dans les mêmes quartiers… et qui valident assez spontanément, au nom de la « bienveillance » une mise sous le boisseau des « Gaulois », et une promotion des minorités. La surmortalité exceptionnelle en Seine-Saint-Denis a montré comment cette logique d’excuse était contraire aux intérêts mêmes de ces minorités… mais qu’importe. Il s’agit ici d’ostentation, de bonne conscience, et non d’éthique. 

Nous prenons des paris sur une dégradation rapide de la situation et sur une implosion prochaine du Vivre Ensemble en France. 

Cet article a été initialement publié sur le site du Courrier des stratèges : cliquez ICI

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