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Jérôme Chartier : "Si François Fillon n'était pas empathique et proche des préoccupations des Français, croyez-vous qu'il aurait pu être élu depuis 36 ans ?"
©Reuters

Interview politique

Alors que François Fillon semble remonter dans les intentions de vote comme en témoigne le dernier sondage BVA-Salesforce pour la presse régionale et Orange diffusé ce samedi, Jérôme Chartier précise, dans cet entretien exclusif, la stratégie du candidat LR dans cette dernière ligne droite à la course à l'Elysée.

Jérôme Chartier

Jérôme Chartier

Jérôme Chartier est un homme politique français, actuel maire de Domont et député de la 7ème circonscription du Val d'Oise.

Il est notamment l'auteur d'un rapport sur la convergence fiscale franco-allemande. 

 

 

 

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Atlantico : Cette semaine, François Fillon a choisi de présenter Emmanuel Macron comme dans l'exacte ligne de François Hollande. Si les ressemblances entre les deux hommes existent bel et bien, un sondage Harris Interactive pour Atlantico montre que le ralliement de Manuel Valls ne fera pas changer d'avis une grande majorité d'électeurs qui ont l'intention de voter pour lui. Qu'espérez-vous susciter comme réaction chez les électeurs avec cet argument d'un Emmanuel Macron héritier de François Hollande ?

Jérôme ChartierCe n’est pas François Fillon qui a décidé de présenter Monsieur Macron comme le fils spirituel de François Hollande, c’est son parcours autant que ses propositions de mesures qui font de lui son héritier. Il y a 5 ans, c'est Macron qui rédigeait son programme présidentiel. Il y a 4 ans, c'est lui qui préparait les lois pour taxer davantage les Français, le capital et l'investissement. Il y a 3 ans, c'est lui qui mettait en oeuvre la politique économique comme ministre éponyme, et il y a moins d'un an, il était encore dans son premier cercle. Ce sont tout simplement les faits qu'il convient de rappeler aux Français parce qu'ils parlent d'eux-mêmes. Cette inféodation se retrouve d'ailleurs dans le programme du candidat d’En Marche qui reprend en particulier les dangereux principes "d’accommodement raisonnable" sur les questions de l’islam, de l’excès de bureaucratie et de l'avenir de l’Europe, trois grands enjeux face auxquels la France va devoir agir avec volonté. On croirait entendre Hollande.

Sans oublier enfin les ralliements successifs des proches de Hollande et de membres du gouvernement dont Manuel Valls est le dernier témoignage et qui montre qu'à plus de 90%, les principaux soutiens de Monsieur Macron sont à gauche. D'ailleurs, qui peut croire que Hollande se désintéresserait de la politique si son "poulain" devenait président ? Jean-Pierre Mignard, intime de François Hollande, résume bien la question en expliquant que "dans la future majorité, le président jouera évidemment un rôle important". Tout est donc dit. En votant Macron, on aura Hollande.

Dans le même sondage, à la question de savoir quelle politique Emmanuel Macron mènerait dans le cas où il était élu et disposait une majorité, 26% des Français pensent qu'elle serait de centre-droit, et 17% de centre-gauche... Là encore, que faudrait-il dire pour les convaincre qu'elle serait éloignée d'une politique de droite ?

La vraie question à laquelle les Français doivent répondre est : quel projet conduira la France au plein emploi, ce que chacun souhaite pour lui comme pour sa famille. La politique de Macron sera celle de l'inconstance et de l'inconsistance comme le démontre la logorrhée surréaliste de ses discours dont les Français sont en train de prendre conscience. Encore hier à Marseille lorsqu'il explique à ses partisans qu'il sera "l'héritier de leur avenir"... Un ange a dû passer dans la salle. Comment peut-on croire qu'un bateleur de foire pareil puisse un jour tenir un propos dense et construit qui soit à l'origine d'une politique de redressement national ? Sans oublier qu'il passe son temps à être d'accord avec tout le monde ce qui, là encore, laisse imaginer les pires inquiétudes sur sa colonne vertébrale politique. 

En réalité, Macron n'a pas de vrai programme, seulement des mesures pour parer au plus pressé, bâties en toute hâte pour être rassemblées dans un ersatz de projet inspiré par quelques hiérarques de gauche dont l'ancien commissaire à la stratégie économique de Hollande qui est aujourd'hui son principal inspirateur. Ce travail cosmétique ne parviendra jamais à ce que la France puisse renouer avec une croissance durable et suffisamment forte pour créer de l'emploi.

En déplacement à Toulon, votre candidat a rendu hommage aux militaires, et a réaffirmé vouloir améliorer leurs conditions en termes de logement, de vie familiale et de reconversion. Mais François Fillon a pu paraître assez distant face aux infirmières dans un reportage diffusé sur France 2 ou encore face aux forces de l'ordre. Que pourrait-il lui manquer pour montrer son empathie, notamment lorsqu'il est confronté à la vie concrète des Français ?

Ce reportage sentait le traquenard. On conduit François Fillon dans un environnement ultra-syndiqué de personnes fortement politisées et hostiles et on voudrait qu'il fasse comme si de rien n'était ? 

A ceux qui pourraient douter je leur dis ceci : si François Fillon n'était pas empathique et proche des préoccupations des Français, croyez-vous qu'il aurait pu être élu depuis 36 ans dans toutes les responsabilités qu'il a exercé ? Ou alors les Français seraient devenus masochistes ce qu'ils ne sont pas.  S'agissant de l'autre partie de la question, le lien particulier que François Fillon entretient avec les forces militaires date de la période où il était président de la Commission de la défense à l'Assemblée nationale en 1986 et ne s'est jamais démenti depuis. En plus d'un soutien dans le cadre de leur mission en redéfinissant une politique d'emploi des forces stratégique et cohérente, François Fillon veut veiller à leur soutien pendant et après leur engagement ce qui répond à une énorme attente manifestée par ce corps qui se sent abandonné et déconsidéré, en particulier ces cinq dernières années. 

Vendredi 31 mars, la CFDT est devenue le premier syndicat dans le secteur privé, devant la CGT. Un résultat historique également par le nombre de votants qui a augmenté. Comment interprétez-vous ces résultats ?

Je me réjouis en premier que la participation aux élections syndicales ait augmenté avec 195 518 de votants en plus. C'est un succès manifeste qui permettra, à terme, aux syndicats de conquérir une représentativité numérique qu'ils ont perdu et qui est indispensable à l'exercice de leur mandat. Je prends acte ensuite que la victoire de la CFDT encourage un syndicalisme de négociation contrairement au syndicalisme de contestation et je ne peux là aussi que m'en réjouir. Dans les semaines à venir, de grands enjeux attendent celles et ceux qui prendront part au dialogue social et j'espère que ce tournant électoral saura inspirer les futurs échanges.

François Fillon, qui promet d'appliquer un programme thatchérien s'il est élu, sera-t-il capable de travailler avec les différents partenaires sociaux ? Pourquoi lui le pourrait-il là où d'autres n'ont pas réussi ?

Dans son engagement politique, François Fillon a conduit régulièrement des négociations avec les partenaires sociaux et qui ont généralement abouti au succès parce qu'il écoute, entend, mais ne cède jamais sur l'esprit de la réforme. Ainsi en 2003, lors de la réforme des retraites qui a vu 2,5 millions de personnes descendre dans la rue, il a fait face aux organisations sans reculer y compris lorsqu'elles ont malheureusement privilégié la contestation la plus dure pour tout bloquer mais n’y sont pas parvenus. C'est fort de ses expériences qu'il saura engager le dialogue à l'avenir et j'ai le sentiment que tout le monde se mettra autour de la table pour négocier non seulement parce qu'ils connaissent sa détermination mais aussi vu la situation économique désastreuse de la France et pour éviter tout simplement de se faire sanctionner lors des élections paritaires suivantes. Les Français ne pardonneraient en effet à personne l'échec de négociations pour des réformes permettant de renouer avec le plein emploi.

Laurent Wauquiez a par ailleurs pu se sentir lésé ces dernières semaines... En pleine tempête médiatique au sujet du PénélopeGate, il avait apporté un précieux soutien à François Fillon. Pourquoi ne pas lui avoir donné le poste de secrétaire général des Républicains comme cela avait été évoqué ? 

Je ne connais pas le détail de la teneur des discussions entre Laurent Wauquiez et François Fillon mais je sais qu'il le tient en haute estime pour avoir gagné la région Rhône-Alpes-Auvergne et qu'il considère que Laurent est un homme politique au grand talent. D'ailleurs il prend la parole ce dimanche dans le JDD pour renouveler son engagement et son soutien à François FIllon. C'est avec ce sens des responsabilités et la détermination de chacun à tout faire pour que la famille de la droite et du centre emporte l'élection présidentielle que nous gagnerons effectivement.

Qu'imaginez-vous d'ailleurs comme organisation du Parti en cas de victoire ? Quels sont les enjeux que vous prendrez en compte ?

Chaque chose en son temps. Les Français sont maintenant engagés dans le débat présidentiel et demandent des informations et des éclairages sur les projets. Notre responsabilité est de conduire le débat pour qu'ils soient parfaitement éclairés sur les propositions des candidats. Dans trois semaines, c'est le premier tour et dans cinq semaines le second. Notre temps doit être suroccupé pour la victoire de François Fillon à chacune de ces échéances et personne ne comprendrait que nous perdions du temps à autre chose. 

La semaine dernière, François Fillon dénonçait durant L'Emission politique l'existence d'un cabinet noir qui aurait parasité la campagne présidentielle. Paradoxalement, le candidat des Républicains a balayé d'un revers de main vendredi 31 mars les soupçons américains sur une tentative d'ingérence russe sur cette même campagne. Quelle est la logique de considérer que le cabinet noir puisse être vrai mais que des actions russes, elles, ne soient pas fondées ? 

Dans la dernière Emission politique, François Fillon a mis en lumière une réalité décrite par des journalistes d’investigation qui ne font pas partie de ses soutiens, loin s'en faut, dans un livre, Bienvenue place Beauvau. La lecture de l’ouvrage est édifiante et d'ailleurs son succès actuel en librairie montre l'inquiétude des Français sur la possibilité d'utiliser des informations connues du seul plus haut niveau de l'Etat pour perturber la campagne présidentielle. C'est la raison pour laquelle six personnalités des "Républicains" ont écrit au parquet pour qu'il se saisisse du contenu de ce livre et qu'il conduise une enquête sur ce qui pourrait être le plus grand scandale de la cinquième République. J'ignore par ailleurs les tentatives d'ingérence de la Russie mais je n'ai pas lu d'ouvrage aussi clair et documenté que celui que j'ai cité sur cette question. Or pour s'interroger sur la véracité de faits, il faut qu'au moins une quête ait été produite. J'attendrai que ce soit le cas en l'espèce avant de me prononcer.

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