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Jeff Bezos, CEO d’Amazon, a ete l’homme le plus riche du monde, ça n’a duré que 24 heures mais ça n’a aucune importance
©Mike Segar / Reuters

C'est pas le temps qui compte

Jeff Bezos a été l’homme le plus riche du monde, mais pendant 24 heures seulement, avec une fortune évaluée à plus de 90 milliards de dollars, plus que Bill Gates, le fondateur de Microsoft et Warren Buffet.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le sacre de Jeff Bezos comme l’homme le plus riche du monde n’aura duré que 24 heures. Mercredi, la bourse de New-York installe le fondateur d’Amazon en tête des super-riches du monde, en évaluant sa fortune à 90 milliards de dollars. Devant Bill Gates, le fondateur de Microsoft, et Warren Buffet. Mais jeudi soir, la bourse se ravise et ramène Jeff Bezos au troisième rang. La gloire aura été éphémère diront certains. Elle dépend surtout des cours de bourse. 

Mercredi, les boursiers hallucinent en apprenant que le chiffre d’affaires d’Amazon a progressé de 27 % sur un an, un record absolu... mais jeudi, ils déchantent quand ils s’aperçoivent que les profits ne suivent pas. Chez Amazon, on explique pourtant que les profits existent mais comme ils sont réinvestis systématiquement et totalement dans le développement de l’entreprise, ils n’apparaissent pas forcément. Et les investissements, c’est quand même le nerf de la guerre. Tout le monde le sait et tous les succès économiques sont le produit d’investissements. 

La réussite de Jeff Bezos reste impressionnante, parce qu’accumuler 90 milliards de dollars en moins de 20 ans est assez incroyable, mais est-elle plus impressionnante que celle de Bill Gates, le fondateur de Microsoft, de Ford au siècle dernier ou même de Bernard Arnault en France, le numéro un mondial de l’industrie du luxe ?

Jeff Bezos est un pur produit du modèle libéral américain fondé sur l’innovation, la logique d’offre comme disent les économistes. 

Son histoire personnelle raconte les secrets de ce succès incroyable. On en fera un film, un jour. Forcément. Sa vie est un roman. Et le roman aurait pu être écrit par Balzac, Zola ou Tom Wolfe, le Balzac américain. Cette vie est un mélange de chance et de talent, de misère sociale et d’amour. 

Jeff Bezos est né en 1964, un 14 janvier. Il vient donc d’avoir 53 ans. C’est encore un gamin. En tout cas, il raisonne et s’émerveille comme un gamin.

Il est né à Albuquerque au nouveau Mexique, c’est le bout du bout du monde. Quand on naît dans cette bourgade, on a très peu de chance d’en sortir. D’autant que sa mère, Jacklyn Gise, est une toute jeune adolescente, jolie certes mais un peu naïve, qui s’est faite avoir par un père qui disparaît à la naissance de l’enfant. 

La jeune femme rencontre alors un immigré cubain, venu aux Etats-Unis à l’âge de 15 ans et qui travaille à l’université du coin. Il n’est pas riche, mais il y a beaucoup d’amour et de respect dans cette nouvelle famille. Cet émigré s’appelle Miguel Bezos, il va épouser Jacklyn, va adopter le petit Jeff, lui donner son nom et il va l'élever comme son propre fils. 

Et puis, il y a les grands-parents derrière, qui s’occupent aussi de cet enfant, lui apprennent à lire, à parler, qui l'aiment comme des fous, c'est à dire comme tous les enfants devraient l’être. Parce que le manque d'amour est sans doute la pire des injustices, qu’on soit riche ou pauvre. 

Ses grands-parents vont l’aimer. Profondément, avec beaucoup d’intelligence. Ils vont le pousser et mettre leurs maigres économies pour qu’il puisse aller dans les meilleures écoles, parce qu’à cette époque quand on est émigré cubain, on sait que le seul moyen de sortir du rang, c’est encore l’école. Et pas l’école de la rue. L‘école des riches. 

Jeff Bezos sera admis à l’Université de Princeton, dans le New Jersey. Il en sort diplômé en sciences en 1986. Pour des latinos, c’est l’équivalent d’un prix Nobel. Il faut imaginer l’effort que coûte Princeton, pour des émigrés cubains qui survivent dans l’Etat du nouveau Mexique. 

Diplôme en poche, Jeff va commencer à travailler à New-York dans différentes entreprises. Il comprend tout à la finance, alors il file à Wall Street et travaille comme un fou. 

A trente ans, il n’a encore fait qu’une chose : travailler avec cette idée obsessionnelle, mettre sa mère et surtout sa grande mère cubaine à l’abri. Il s’appelle Bezos et il en est fier. Normalement, il aurait dû se retrouver au service de la voirie de New York. Mais là, il habite à Midtown à Manhattan

A trente ans, il est fasciné par la vague internet dont il pressent qu’elle va tout balayer. Alors comme au cinéma, avec moins de 100 dollars en poche, il va créer un site sur lequel on pourra acheter des livres. Parce que la lecture pour lui, c’est le Graal.

Très vite, il va s’apercevoir que ça peut marcher. Ça va marcher. Les américains adoptent le e-commerce. Il va donc se diversifier. Il va vendre des livres, puis de la musique, des DVD, du téléchargement. Il va ensuite passer à tout ce que l’américain moderne a besoin. Des équipements, du textile, des services, des voitures, et aujourd’hui de l’alimentaire. Pourquoi pas ? L'innovation de l entrepreneur n’a pas de limites. Comme les besoins du consommateur

Il a trente ans quand il crée Amazon. Aujourd’hui, 23 ans plus tard, il a fait d’Amazon le plus grand magasin du monde. Avec une capitalisation boursière de 90 milliards de dollars qui fait peur à tous les anciens de la grande distribution mondiale, de Wall Mart à Carrefour. 

Le secret, outre cette volonté vissée au corps de réussir, aura été de réinvestir la totalité de ce qu’il a gagné dans le développement. Au point d’ailleurs de racheter « le Washington Post », un quotidien américain. 

Mais le Washington Post, c’est la bible des intellos américains et des politiciens de gauche. Un sanctuaire , un peu comme le journal Le Monde , autrefois a Paris. 

Lui, un Bezos, normalement, il n’y a pas droit. On l’accuse alors de vouloir faire pression sur les milieux politiques et obtenir des conditions fiscales plus favorables pour ses entreprises. Peut être ! Sauf que Jeff Bezos est resté le petit Bezos fasciné par l’intelligence et la culture et que le Washington Post, quand il vivait à Albuquerque au fin fond du Nouveau Mexique, il en rêvait en imaginant qu’il aurait un jour le droit de le lire. 

Sa grand-mère l’a convaincu que rien ne lui était interdit à condition de le mériter. Alors, il a réalisé son rêve d’enfant.

Jeff Bezos ne vit pas comme un riche. Il travaille. Il rêve. Il continue de rêver. Et son rêve, c’est l’espace, comme Elon Musk, le fondateur de Tesla, un autre émigré venant d’Afrique du sud. Jeff Bezos pense qu’il pourra proposer à des touristes des voyages dans l’espace. Il en est sur. Et s’il pouvait l’année prochaine offrir un voyage dans les étoiles à sa mère, c’est peut-être la chose la plus secrète qui lui donnerait le sentiment d’avoir réussi sa vie. 

Comme au cinéma. Sauf qu’on n’est pas au cinéma.

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