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J’enrage : 2020 ou la nouvelle débâcle française
©Mathieu CUGNOT / POOL / AFP

Crise

Voilà deux mois que la France subit un fléau aussi inédit que violent. Jour après jour, les Français découvrent les impérities d’un système administrativo-politique qui semble avoir perdu sa boussole.

Tel Proust à la recherche du temps perdu, chaque Français est en quête de son masque. Mais, nous n’avions pas compris qu’il ne protégeait pas car nous sommes différents des Asiatiques ou des peuplades venues de l’Est ou du Nord de l’Europe. En tout état de cause, même si on en disposait, nous ne saurions l’utiliser et bien le positionner sur le visage.

Á grand renfort médiatique, on finit par nous annoncer une commande d’un milliard d’exemplaires auprès de l’Empire du Milieu en passe de devenir l’Empire du Monde. Mais, alors que nous sommes à deux semaines du début de la fin du confinement et de l’édiction de l’obligation de port du masque, nous ne savons toujours pas comment chaque citoyen va en disposer.

Les rouleaux compresseurs des chaines d’information continue nous ont gratifiés d’un reportage sur l’atterrissage à Vatry d’un Antonov 225, le plus grand cargo au Monde ; nous commencions à respirer en voyant les caisses sortir de ses entrailles avant d’apprendre que les masques étaient destinés au personnel d’une multinationale « française ». De la même façon, on pourrait en rire si le sujet n’était pas tragique, « on a amusé la galerie » avec l’histoire de « nos masques subtilisés par des cow boys venus des States pleins les poches de dollars » ! Même si cette histoire était vraie, il eût mieux valu ne pas la rendre pubique car elle est révélatrice de nos faiblesses systémiques. Seule « satisfaction », cela permet, en cette période de confinement, de se défouler en recourant à la tradition bien française de critiquer les Américains.

Comme pour l’affaire du sang contaminé, on a fait des économies sur la santé avec la suppression du stock stratégique. Ce dernier avait été constitué au début de la décennie malgré de nombreuses critiques comme celles de la présidente du Front national.

Cela ne doit pas nous empêcher de glorifier la dépense publique, notre système social, et de fustiger la dureté du modèle américain. Quand allons-nous avoir l’honnêteté de faire un examen de conscience collectif et de cesser de jouer les autruches ?

Après les masques, nous pourrions détailler l’épopée des respirateurs. Où en sommes-nous arrivés ? Notre outil industriel n’est plus en mesure dans l’urgence de s’adapter et de produire masques et respirateurs ? Regardons de par le Monde le nombre de pays qui ont su faire face.

Il faut reconnaître que malgré la « crise de l’hôpital », le système hospitalier a su faire face à la crise et l’ensemble des membres du personnel soignant doit être salué. Néanmoins, le moment venu, il faudra s’interroger sur les couteuses évacuations sanitaires conduites à grand renfort d’opérations médiatiques. Rien ne les justifiaient. Il suffisait d’utiliser les capacités privées disponibles à condition de dépasser le traditionnel sectarisme du secteur public à l’égard du privé.

Après deux mois de fléau, nous avons oublié le refus d’annulation du match Lyon-Turin alors que les voisins lombards étaient déjà confinés… Le non report du premier tour des municipales constitue une flagrante manifestation de l’absence de prise en compte de l’intérêt général. Alors que le jeudi précédant le dimanche du premier tour, le président annonçait la fermeture des écoles, le scrutin était maintenu à la demande des principaux dirigeants de l’opposition. Que cherchaient-ils d’autre que démonter, chiffres à l’appui, la faible popularité du pouvoir ? Etait-ce si important en période de pandémie ?

La situation dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes(EHPAD) interpelle. Pourquoi avoir laisser les personnes contaminées au sein des structures au risque de laisser le virus s’y propager ? Il eût été possible de les exfiltrer et de les confiner dans des structures hôtelières. La connaissance du nombre des décès interpelle tout autant. Jusqu’à cette crise, on pouvait croire que l’état civil était un des plus anciens services administratifs en France, que tout décès ou naissance, quel que le lieu de sa survenance, se déclinait par un acte municipal d’enregistrement. Et pourtant, il a fallu près de six semaines pour avoir les premiers chiffres, six semaines pour transmettre à la Mairie du lieu de l’EHPAD les actes de décès, au service municipal de faire les additions et transmettre le résultat à la Préfecture et à cette dernière de communiquer les chiffres au Ministère de l’Intérieur et à l’INSEE…six semaines pour des chiffres provisoires… Á ce stade, 40 % des décès ont été enregistrés dans les EHPAD.

Le pompon, c’est probablement le Charles de Gaulle. Interrogée en mars, la ministre nous avait rassurés. Sans être grand clerc de notaire, comment penser qu’en milieu confiné et avec des marins descendus à terre le porte-avions aurait pu être épargné ? Mais les faits sont têtus, et la ministre a dû reconnaître que le virus s’était installé sur le fleuron de la marine nationale. Néanmoins elle n’hésite pas à fustiger les colporteurs de la vraie fausse rumeur selon laquelle le patron du navire, également dénommé « le pacha » aurait demandé la fin de la mission et le retour à Toulon. La Ministre leur demande de « tourner leur langue sept fois dans la bouche avant de parler » ! Une fois encore, nous constatons que la meilleure défense est l’attaque.

Le plus grave est probablement la dépréciation de la parole publique pour au moins deux raisons :

- Le rôle des scientifiques. Que le responsable politique s’appuie sur les avis des scientifiques, c’est logique, voire indispensable. Mais que la décision politique soit conditionnée par la parole scientifique est injustifiée d’autant qu’il n’y a pas unanimité dans la communauté médicale nationale et internationale et que les scientifiques découvrent au fur et à mesure les tenants et aboutissants de la pandémie. En mettant en avant de manière ostensible l’avis des scientifiques, les responsables ont écorné leur rôle. Que le politique laisse les spécialistes s’exprimer sur la pandémie et qu’il se contente d’annoncer et d’expliquer les décisions.

- Á peine le Président avait-il annoncé la réouverture des écoles pour le 11 mai que les officiels laissaient entendre que ce serait différencié entre le primaire et le secondaire…, et nous en sommes arrivés à laisser les parents choisir, faisant l’impasse sur l’obligation de l’instruction. Il est étonnant de justifier la réouverture pour ne pas laisser les inégalités sociales s’accroître et en arriver à faire cette entorse à un des fondamentaux républicains. Á force de vouloir être présent sur les ondes, le politique ne cesse de dévaluer la parole publique.Á force de trop parler, le politique se retrouve pris à contrepied avec un fléau inconnu et imprévisible.

Avec la crise économique, on annonce, comme en 2009 le retour en force de l’État, des services publics qui devront faire l’objet de plans conséquents et on ne lésinera pas cette fois-ci sur les moyens, « juré craché » ! Mais à quoi servent ces services publics si ses agents ne sont plus ses serviteurs. Après avoir usé de leur pouvoir de nuisance et bloqué le pays pendant deux mois pour sauvegarder leurs régimes spéciaux, ils mettent aujourd’hui en avant le droit de retrait. Où sont les « hussards de la République » ?

Dans une seconde partie, nous essaierons d’analyser les raisons systémiques de ces dysfonctionnements réguliers de l’État français.

La partie deux de l'analyse de Lemi Lazo : J’enrage : la faillite récurrente des élites françaises

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