Impact pandémique : économiquement, le monde de l’après Covid est déjà là<!-- --> | Atlantico.fr
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Une carte du monde affichant les données liées à la pandémie de Covid-19.
Une carte du monde affichant les données liées à la pandémie de Covid-19.
©Luis ACOSTA / AFP

Deux ans après

Une étude pour Natixis dévoile des signes encourageants sur le front économique.

Patrick Artus

Patrick Artus

Patrick Artus est économiste.

Il est spécialisé en économie internationale et en politique monétaire.

Il est directeur de la Recherche et des Études de Natixis

Patrick Artus est le co-auteur, avec Isabelle Gravet, de La crise de l'euro: Comprendre les causes - En sortir par de nouvelles institutions (Armand Colin, 2012)

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Atlantico : Vous avez rédigé pour Natixis un flash éco sur les conséquences du Covid. Quels sont vos constats sur les traces laissées par le Covid après deux ans de pandémie ?

Patrick Artus : Le point de départ est déjà de dire que selon nous, le Covid laisserait de nombreuses traces qui ne se sont pas réalisées aujourd’hui. Le nombre d’entreprises défaillantes est assez bas et le niveau d’emploi est plus élevé qu’avant la pandémie. En 2020, on racontait des histoires de faillites, de chômage, d'augmentation de dette nette des entreprises, de taux d’endettement… Tout cela ne s’est pas produit, ce qui est une très bonne nouvelle.

Que reste-t-il comme traces ? Nous en avions anticipé certaines, d’autres non. Les deux auxquelles nous avions pensé, c’est la dette publique et l’instabilité financière. Nous avons aujourd'hui 25 points de PIB de dette publique supplémentaire, ce qui laissera des traces. La dette publique empêche la BCE de monter les taux d’intérêt. Cela pose un problème dans un contexte où les États ont besoin de faire de grosses dépenses publiques supplémentaires, notamment dans les secteurs de la santé, de l’éducation… 

Il y a également aujourd’hui une certaine instabilité financière. Nous avons créé des montagnes de monnaie qui servent à acheter des logements, des crypto-monnaies... Elle circule entre les devises, spécule sur les matières premières… Cela crée des bulles sur le prix des actifs, comme sur la tech et l’immobilier. De plus, les activités spéculatives sont très fortes sur les matières premières. 

La première trace que nous n'avions pas anticipée est sans doute l’inaptitude sur le marché du travail. Cette crise a provoqué un changement important sur les emplois que les individus désirent avoir. Il y a un nombre incroyable de personnes qui souhaitent changer de métier et de nombreux secteurs d’activités n’arrivent plus à recruter, alors qu’un certain nombre de personnes se pressent pour travailler dans d’autres. Nous faisons donc face à un changement très violent des comportements et des préférences sur le marché du travail, ce qui est un phénomène mondial. Il y a par exemple en France 240 000 emplois de moins dans l’hôtellerie et la restauration par rapport à l’avant crise. 

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Enfin, nous consommons beaucoup plus de biens et moins de services. Cela est valable dans tous les pays de l’OCDE. Depuis début 2019, la consommation de biens en volume a augmenté de 29% alors que la consommation de services à baissé de 1%. Cela est dû au télétravail, au commerce en ligne, au matériel pour la transition énergétique… Pourtant, le PIB est 1% plus élevé que fin 2019. De plus, la composition de la demande a complètement changé. On achète des biens et pour les fabriquer il faut des matières premières, du transport, des semi-conducteurs… C’est une vraie rupture avec les deux dernières décennies. 

Quelles seront les conséquences de ces traces à l’avenir ? Devrons-nous nous adapter ? 

On remarque bien que des considérations macroéconomiques et microéconomiques entrent en jeu. La macro-économie, c’est la quantité de monnaie et les dettes publiques. Les banques centrales subiront donc une grosse contrainte pour ne pas qu’elles remontent leurs taux d’intérêt, ce qui provoquera d’énormes conséquences pour l’ensemble des agents économiques qui sont endettés, comme les États, les entreprises… Personne ne veut prendre ce risque et fabriquer une récession. 

Pour l’aspect micro-économique, on remarque que la structure fine de l’économie se transforme énormément. Nous ne consommons pas les mêmes biens et services, nous ne souhaitons pas travailler aux mêmes endroits… C’est très gênant car comme nous ne l’avions pas anticipé, nous ne savons pas comment réagir et cela provoque un coût très violent en termes de croissance. 

Vous parlez aussi dans votre note de la question de l’innovation et de la transition énergétique. Qu’en est-il aujourd’hui ? 

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Si ce n’est pas une conséquence directe de la crise, on remarque pourtant bien qu’elle a poussé à accélérer la transition énergétique. Cela change les orientations des politiques publiques. Comme je l’ai dit, à cause de la nouvelle structure de la demande due à l’arrivée du télétravail et du développement de la consommation en ligne, l’industrie du numérique sera la grande gagnante de cette affaire. Cela provoque une numérisation de l’économie et on peut d’ailleurs espérer que cela soutienne la productivité.

Entre les traces que vous attendiez et qui n’ont pas eu lieu et celles que vous avez constatées, peut-on être optimiste pour l’avenir ? 

Les économistes n’arrivent pas à se mettre d’accord entre eux à ce sujet. Quand il y a plus de dette, c’est normalement mauvais pour la croissance. Le constat est le même quand il y a de l’instabilité financière ou quand il y a des problèmes d’ajustements sectoriels. L’impression que nous avons en regardant les chiffres, c’est qu’aux États-Unis, l’effet de numérisation est en train de l’emporter, ce qui permettra une augmentation de la croissance. En Europe en revanche, la productivité ralentit à cause du choc d’endettement et de désajustement sectoriel. Il y a donc une hausse de la productivité outre-atlantique et une baisse sur le vieux continent. Prenons l’exemple de la France. C’est très mystérieux mais l’emploi depuis 2019 a plus augmenté que le PIB, ce qui signifie que la productivité à diminué. 

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