Idées reçues sur l'assurance : les assureurs sont-ils au-dessus des lois ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Cédric Pironneau et Jérémy Sebag publient « Idées reçues sur l'assurance », aux éditions du Cavalier bleu.
Cédric Pironneau et Jérémy Sebag publient «  Idées reçues sur l'assurance », aux éditions du Cavalier bleu.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Bonnes feuilles

Cédric Pironneau et Jérémy Sebag publient « Idées reçues sur l'assurance » aux éditions du Cavalier bleu. Les assurances nous accompagnent au quotidien et pourtant, nous en avons une connaissance souvent lacunaire. Elles nous apparaissent techniques et déshumanisées, d'autant que, lorsque nous les sollicitons, c'est qu'un problème plus ou moins grave est arrivé... Extrait 1/2.

Cédric Pironneau

Cédric Pironneau

Cédric Pironneau, spécialiste de l'assurance, est cofondateur de SPVIE Assurances, acteur majeur du courtage en assurance.

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Jérémy Sebag

Jérémy Sebag

Jérémy Sebag, spécialiste de l'assurance, est cofondateur de SPVIE Assurances, acteur majeur du courtage en assurance.

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Les Codes de l’assurance… et les autres !

L’activité d’assurance est bien encadrée, et les assureurs évoluent parmi les activités les plus règlementées en France ! De la formation initiale et l’enregistrement des professionnels aux conditions de distribution des produits, des règles de solvabilité et de gestion des sinistres aux procédures légales et aux nécessités de contrôle à tous les postes de la chaîne de valeur de l’industrie… l’assurance ne manque pas de réglementations et de règles à respecter.

Le Code des assurances comprend l’ensemble des lois et des règlements qui régissent les sociétés d’assurance et les relations entre assureurs et assurés. En 1930, une première loi vient encadrer les assurances des véhicules terrestres à moteur, mais c’est en 1976 que le Code des assurances fait son apparition, par décret. Ce code a pour but de définir les règles communes applicables à tous les assurés : il régit les conditions générales acceptées par les clients d’une compagnie d’assurance, et définit les délais de préavis, la durée des contrats, les conditions de résiliation, l’indemnisation…

Le Code de la mutualité est un recueil des textes juridiques qui détermine le statut, la composition et le fonctionnement des organismes mutualistes, qu’on appelle souvent les « mutuelles ». Si la charte de la mutualité a été créée en 1898, c’est en effet en 1945 que deux ordonnances viennent redéfinir l’activité des mutuelles. Là encore, le Code de la mutualité a pour objectif de déterminer les règles communes applicables non pas aux assurés, mais à leurs « adhérents » ou « sociétaires ». Il reste un parallèle au Code des assurances pour les structures qui y sont rattachées.

En matière d’assurance santé, le Code de la Sécurité sociale est aussi partie prenante. Intervenant en complément ou à la suite d’une première prise en charge par la Sécurité sociale, toutes les assurances qui touchent de près ou de loin la prise en charge de prestations médicales ou de santé, ou de remboursement de médicaments, sont directement impactées par les réglementations spécifiques générales de notre système d’assurance santé.

Enfin, l’assurance étant implantée au cœur des activités du quotidien de toutes et tous, particulier comme entreprise, le contexte réglementaire de l’assurance est aussi directement lié au Code civil, au Code de la consommation, au Code de procédure pénale… mais aussi au Code monétaire et financier. Agissant pour couvrir un risque dans un secteur particulier, l’assureur devra adapter ses offres au contexte de ses assurés et de leurs obligations légales : ainsi, chaque code ou réglementation va influer sur les offres d’assurances de son champ d’application.

Une profession et une activité règlementées

Tout le monde ne peut pas devenir intermédiaire en assurance : comme médecin, avocat, architecte ou expert-comptable, l’exercice de cette activité est conditionné à des critères de formation préalable (formation minimale de 150 heures) et/ou d’expérience professionnelle mais aussi d’enregistrement à l’ORIAS (Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance) listant tous les professionnels autorisés à exercer. Les assureurs sont également tenus de respecter de nombreuses obligations dans l’exercice de leur métier… jusqu’à devoir eux aussi s’assurer pour leur garantie financière et leur responsabilité civile professionnelle.

Dès la conception d’un produit d’assurance, les professionnels ont l’obligation de respecter des règles précises qui vont bien au-delà d’un simple respect juridique ou d’un formalisme donné. Connu sous le nom de POG (Product Oversight and Governance) par les initiés, un dispositif de surveillance et de gouvernance tout au long de la vie d’un produit d’assurance, à mettre en place en interne par l’assureur, est ainsi prévu afin de mettre le client au cœur des préoccupations et le protéger davantage des risques qui pèsent sur lui lorsqu’il souscrit un produit d’assurance.

Depuis octobre 2018, la Directive de Distribution en Assurance exige aussi que tout produit fasse l’objet d’une longue procédure de validation, lors de sa conception ou lorsqu’il fait l’objet de modifications significatives. De l’identification du marché cible à l’évaluation de tous les risques pertinents jusqu’à l’élaboration d’une stratégie de distribution, cette directive précise les dispositifs et mesures à respecter tout au long de la vie du contrat pour garantir qu’il est toujours aligné avec l’intérêt de l’assuré qui va y souscrire.

Lors de la souscription d’un contrat, nous l’avons vu précédemment, le contenu de ce dernier et les documents et informations que le professionnel doit fournir au prospect pour l’informer et le conseiller pour un consentement éclairé sont fixés par la réglementation.

Alors, assureur voleur ? En tout cas, ce n’est pas le cas des professionnels de l’assurance en France : ils doivent pour exercer fournir régulièrement une attestation d’honorabilité ainsi qu’un extrait de casier judiciaire (bulletin n°3), pour eux et leurs salariés.

Les règles d’indemnisation

Qu’il s’agisse de la vie du contrat en général, des modalités de résiliation aux délais et procédures de remboursement des sinistres, les assureurs respectent ici aussi une réglementation stricte, et des procédures précises. Ainsi, dans l’immense majorité des cas, les délais de remboursement sont-ils encadrés par la loi.

En assurance santé, le délai de remboursement par sa mutuelle peut varier en fonction de la nature des soins et de la prise en charge de la Sécurité sociale. Lorsque l’on engage une dépense de santé, il faut compter entre 3 et 15 jours pour obtenir un remboursement de la mutuelle.

Pour une assurance habitation, les délais de remboursement sont compris entre 30 et 60 jours, en fonction des sinistres : les dégâts des eaux, incendies domestiques ou bris de glaces seront indemnisés dans les 30 jours après votre déclaration complète, tout comme en cas de vol où le délai légal est aussi de 30 jours.

Les délais de remboursement de l’assurance auto sont, eux aussi, encadrés par la loi : la compagnie d’assurance doit proposer une offre d’indemnisation dans un délai de 3 mois à compter de la déclaration de sinistre, et effectuer le règlement du montant dû dans un délai d’1 mois après acceptation par l’assuré de l’offre d’indemnisation. En cas de dommages corporels toutefois, les délais peuvent aller jusqu’à 8 mois. En cas de vol ou de dégradation du véhicule, ce délai est en revanche réduit à 1 mois.

En cas de catastrophe naturelle telle que la grande inondation de Vaison-la-Romaine en 1992 ou les tempêtes Lothar en décembre 1999 ou Xynthia en 2010, mais aussi technologique comme les explosions de nitrate d’ammonium à l’usine AZF à Toulouse en 2001, le délai de remboursement est de 3 mois… mais la date de prise en compte ne dépend pas de l’assuré... ou de l’assureur, mais du gouvernement et de la date de publication de l’état de catastrophe naturelle ou technologique au Journal officiel.

Enfin, concernant les garanties des accidents de la vie entraînant une invalidité ou la mort, l’assureur doit proposer une offre d’indemnisation au plus tard dans les 5 mois qui suivent la date à laquelle il a eu connaissance de l’accident ou du décès de l’assuré. Lorsqu’il ne peut pas proposer une offre définitive, comme c’est par exemple le cas si l’état de l’assuré n’est pas consolidé, il doit présenter une offre dite provisionnelle. Après accord de la victime, il aura 1 mois pour régler les sommes convenues.

Si évidemment certaines compagnies peuvent mettre en avant des délais de remboursement plus rapides ou des facilités de procédure pour certains types de risques où cela est possible, il s’agit aussi bien souvent d’une action commerciale spécifique visant à conquérir de nouveaux assurés.

Médiation, réclamation et recours légaux

On peut parfois se sentir démuni face à une décision de l’assureur que l’on conteste (refus de prise en charge, montant d’indemnisation que l’on considère trop peu élevé), ou face à notre mécontentement pour un retard de traitement ou d’indemnisation. Pourtant, là encore, le secteur de l’assurance est très réglementé et les législations prévoient des modes et délais de recours et de réclamation spécifiques.

Ainsi, en cas d’expertise dont vous contestez le résultat ou le chiffrage, vous conservez la possibilité de requérir une contre-expertise, pour tout type de contrat (auto, habitation, santé, emprunteur, etc.).

L’assureur a d’ailleurs une obligation d’informer ses assurés sur cette possibilité et le coût moyen de celle-ci.

Ainsi, si vous contestez une expertise, vous pouvez choisir un expert dont vous devrez payer le travail, sauf si votre contrat contient une garantie « honoraires d’expert ». Ce dernier effectuera alors sa contre-expertise, théoriquement en présence de l’expert de votre assureur. Si ces derniers tombent d’accord, il faudra s’en tenir là et aux résultats de l’expertise. S’ils ne sont en revanche pas d’accord, il faudra faire appel à un troisième expert, choisi conjointement par votre assureur et vous (voire par un juge), avec partage des frais.

Plus généralement, hors du contexte spécifique de l’expertise, si vous êtes mécontent ou en désaccord avec la pratique de votre assureur, le premier réflexe reste de privilégier la recherche d’une solution amiable : elle peut vous permettre de résoudre rapidement votre litige… et sans aucun frais de justice. Pour cela, commencez par contacter votre interlocuteur habituel pour lui faire part de votre grief.

Il pourra le plus souvent vous répondre, vous aider à trouver une solution, ou le cas échéant vous diriger vers le service de réclamation concerné par votre demande : cela peut être celui de la compagnie d’assurance si cela concerne la prise en charge ou les garanties, ou celui de l’intermédiaire qui vous a vendu le contrat si cela concerne une mise en cause de son devoir d’information et de conseil. Le recours auprès du service réclamation déclenche alors automatiquement une procédure spécifique, que chaque professionnel de l’assurance doit respecter : le service réclamation, que vous pouvez contacter via les dispositifs en ligne du professionnel concerné ou par lettre recommandée avec accusé de réception, devra vous notifier sous 10 jours de la bonne réception de votre réclamation. Il aura alors 2 mois pour vous apporter une réponse écrite. Dans certains cas, la complexité de votre réclamation ou de votre dossier pourra demander un délai de traitement supérieur : le service réclamation devra alors vous en informer et vous préciser sous quel délai il pourra vous répondre. Par exemple, les mutuelles santé sont souvent amenées à traiter des situations avec de multiples rapports d’expertise médicale à la suite d’un accident corporel, où le délai de 2 mois est souvent dépassé.

Si la réponse ou la solution apportée par le service de réclamation ne vous convient pas, ou si le service réclamation ne vous a pas répondu dans les délais impartis, vous pourrez saisir le médiateur de l’assurance à condition de n’avoir pas engagé de procédures judiciaires et d’avoir fait un recours sans succès ou réponse auprès du service réclamation concerné. Indépendant des assureurs, impartial et transparent, le médiateur pourra analyser le dossier en profondeur – c’est un professionnel de l’assurance et du droit des assurances – et aider à trouver une résolution amiable de votre litige. La durée de la médiation est, en principe, de 90 jours à compter de la notification de recevabilité adressée au consommateur par le médiateur. Dans certains cas là encore, le délai peut être allongé si la situation est complexe, et le médiateur devra alors vous en informer.

Si l’avis rendu par le médiateur n’est pas en votre faveur ou s’il est refusé par l’organisme d’assurance, vous conservez toujours la possibilité de saisir le tribunal compétent.

La vente d’assurance par téléphone, une arnaque ?

Souscrire un contrat d’assurance, c’est simple comme un coup de fil ! Pour autant, la prospection téléphonique a mauvaise réputation : elle souffre encore de pratiques pas toujours vertueuses de certains vendeurs et d’un manque de transparence des méthodes de vente.

La prospection téléphonique est une pratique détestée des Français, qui la trouvent « insupportable » et souvent « trop agressive » dans ses méthodes de vente. Elle est pourtant plébiscitée par les professionnels : la vente à distance reste un moyen efficace de répondre aux questions des prospects tout comme pour finaliser une vente. L’assurance n’y déroge pas, et de très nombreux contrats d’assurance restent conclus à distance… et notamment par téléphone.

En matière d’assurance, le législateur a renforcé de manière régulière depuis 5 ans les règles qui encadrent ce mode de commercialisation en mettant à jour la Directive de Distribution en Assurance dont les dernières mises en application datent d’avril et de juillet 2021. Respect de la liste noire Bloctel (qui permet à tout consommateur de refuser les appels de prospection téléphonique), obligation de se présenter clairement et d’obtenir le consentement de la personne pour continuer une démarche de commercialisation, envoi préalable de tous les documents d’information et contractuels avant toute signature, interdiction de la souscription par simple code SMS… les obligations pour les professionnels de la vente d’assurance à distance sont nombreuses.

Depuis le printemps 2022, le législateur est venu renforcer davantage les ventes à distance et encadrer plus encore le démarchage téléphonique. Chaque professionnel a, depuis avril 2022, l’obligation d’identifier et de justifier l’origine du lead (appel sollicité ou non sollicité : le lead sera « chaud » ou « froid ») et d’adapter les règles de vente en conséquence. Ainsi, dans le cas d’un appel non sollicité, les professionnels ont l’obligation de laisser courir un délai de 24 heures minimum entre la première communication et la signature effective du contrat. Et, dans tous les cas, chaque appel doit être enregistré par le professionnel pour permettre une écoute et un contrôle ultérieurs.

Autre obligation, mise en place en avril 2022, pour tous les intermédiaires en assurance, et notamment les courtiers : chaque courtier inscrit à l’ORIAS (le registre des professionnels autorisés à exercer) devra justifier de son adhésion à l’une des associations professionnelles d’autorégulation de la profession. Ainsi, a été délivré un agrément à sept associations : CNCEF Assurance, La Compagnie IAS, Votrasso, ANACOFI Courtage, Association française des intermédiaires en bancassurance (AFIB), Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine (CNCGP) et Endya.

Pour adhérer à l’association professionnelle de son choix, le courtier devra fournir à l’association, lors de l’adhésion et du renouvellement de celle-ci, une liste nominative du personnel concerné précisant le poste occupé, le niveau de capacité requis pour le poste, ainsi que la liste détaillée de ses activités, l’organisation de son activité de distribution d’assurance, ses effectifs, les produits distribués, la répartition de la clientèle entre particuliers et professionnels, ainsi que ses fournisseurs de produits d’assurance.

Bras armé du régulateur du secteur de l’assurance l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), ces associations professionnelles d’autorégulation ont été instituées pour permettre à la profession de s’améliorer tant sur la formation des collaborateurs que sur la rigueur de gestion qu’induit une profession règlementée, dans un environnement réglementaire complexe, surtout lorsque survient la digitalisation des actes.

D’une mission de simple recueil et contrôle des informations déclaratives fournies par leurs adhérents, le rôle attribué à ces associations d’autorégulation pourra certainement évoluer dans le futur et constituer peut-être un jour, à l’image de certains ordres professionnels, un véritable auxiliaire de l’ACPR avec des prérogatives de contrôle plus prégnantes – voire de sanction – des professionnels indélicats.

L’ACPR : le gendarme de l’assurance

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) est une institution intégrée à la Banque de France, chargée de la surveillance de l’activité des banques et des assurances. Souvent appelée « le gendarme de l’assurance », l’autorité a effectivement dans ses prérogatives de contrôler les pratiques et le respect des réglementations par tous les professionnels de l’assurance, de la compagnie d’assurance qui porte le risque aux intermédiaires qui en commercialisent les produits.

L’ACPR, après son contrôle, a aussi des pouvoirs de sanction si elle juge que les pratiques constatées nécessitent le passage devant la commission de sanctions : plus qu’un gendarme, l’autorité est aussi juge. Et les sanctions encourues par les personnes assujetties au contrôle de l’ACPR sont nombreuses et peuvent être très lourdes en cas de violations graves. De la simple mise en demeure à l’avertissement ou au blâme, les sanctions peuvent devenir plus coercitives : amende lourde (jusqu’à 100 millions d’euros ou 10 % du chiffre d’affaires annuel net de l’entité), interdiction d’effectuer certaines opérations pendant 10 ans, suspension temporaire ou démission d’office de dirigeants… voire retrait partiel ou total d’agrément ou d’autorisation d’exercer ou radiation de la liste des personnes agréées.

Une centaine de sanctions ont été prononcées par l’ACPR en 10 ans, dont 37% ont concerné des professionnels de l’assurance. La majorité des sanctions prononcées par l’ACPR sont des blâmes (70 %). Avec le nouveau rôle des associations professionnelles d’autorégulation du courtage en assurance depuis avril 2022, l’ACPR se voit dotée d’un nouvel allié dans sa mission de contrôle et de régulation du secteur.

Extrait du livre de Cédric Pironneau et Jérémy Sebag, «  Idées reçues sur l'assurance », publié aux éditions du Cavalier bleu

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