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Humanisme, rémunérations et régimes spéciaux : le cas Delevoye
©KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Petites vérités

Le Parisien a révélé, ce lundi, que Jean-Paul Delevoye avait fait une déclaration d'intérêts incomplète à la la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. En effet, l'homme derrière la réforme des retraites avait oublié de faire état de ses liens avec le monde de l'assurance.

Yves Michaud

Yves Michaud

Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.

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La déclaration d’intérêts de Jean-Paul Delevoye auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique suscite beaucoup de commentaires.

On incrimine le fait qu’il n’ait pas déclaré sa participation, dit-il bénévole, au conseil d’administration d’un certain Institut de formation de la profession de l’assurance (Ifpass). 

Cette omission est, en elle-même grave, mais si cette participation de M. Delevoye est vraiment bénévole, l’oubli en question n’est pas pendable. Reste à voir ce qu’il y a derrière – et ce n’est pas triste.

Il est en effet intéressant de considérer le reste de la déclaration en question.

Apparemment, M. Delevoye est rémunéré assez généreusement au titre de président d’un think tank de très récente apparition appelé Parallaxe associé à un collectif miraculeusement à but non lucratif HEP (humanisme, entreprenariat, professionnalisme) émanant lui-même d’un groupement lui aussi non lucratif le groupe IGS, fédération d’associations indépendantes à but non lucratif, dont l’objet est, je cite, « d’apporter des solutions de formation à l’ensemble des publics à travers cinq activités : écoles, alternance, apprentissage, formation continue, insertion et transition professionnelle ».

Première remarque : on est au royaume bien connu des poupées russes entrepreneuriales : un think tank Parallaxe emboité dans un collectif HEP lui-même émanant d’une fédération IGS. Dernière petite poupée au sein du montage et coup de pied de l’âne : l’Institut de formation de la profession de l’assurance (Ifpass), qui est au coeur des critiques faites à M. Delevoye, est, lui-même, détenu en majorité par...IGS. Voilà qui s’appelle de l’endogamie.

Seconde remarque : on est ici au royaume de la formation professionnelle continue qui en France pèse quelque chose comme 30 milliards de cotisations entreprise. Merveilleux royaume des organisations à but non-lucratif mais solidement financées.

La parallaxe désigne le changement de vision du au déplacement de l’observateur. 

On comprend que le think tank que préside monsieur Delevoye est censé déplacer le vision des choses en introduisant un autre regard. 

Fort bien : ça pense, ça pense sec. 

Ça rapporte aussi.

L’étonnant est en effet le montant des rémunérations annuelles nettes de monsieur Delevoye au titre de sa présidence pensante : plus de 64.000 euros pour un think tank dont on n’a encore vu aucune production (j’ai cherché en vain et n’ai rien trouvé), et qui semble regrouper d’illustres inconnus compétents et tous plus ou moins liés à la formation professionnelle.

Il faut, certes, le temps de se mettre en route pour toute chose, mais reconnaissons que c’est bien payé – surtout si on mesure que monsieur Delevoye a quand même pas mal de travail dans ses fonctions para-gouvernementales puis gouvernementales. Cumul, cumul, quand tu nous tient ! Je n’ai pas dit « emploi fictif », ça, c’est bon pour les temps Chirac.

Monsieur Delevoye est certainement un travailleur infatigable, dispensateur tout aussi infatigable de bonnes paroles humanistes, pas un de ces grévistes attachés comme des arapèdes à leurs régimes spéciaux scandaleux, mais, doux Jésus, comme disait François Mauriac caressant le manteau de fourrure de madame André Maurois, rien n’est gratuit au royaume de l’humanisme.

J’ajoute pour pimenter la réflexion en matière de régimes spéciaux que Monsieur Delevoye, aujourd’hui âgé de 72 ans, est ancien parlementaire, ancien-ministre, ancien médiateur de la République, a été maire de longues années, a présidé le conseil économique et social pendant 4 ans. Je suppose qu’il n’a pas oublié de faire valoir ses droits à la retraite dans chacune des activités où il s’est tellement et si généreusement dévoué au bien public. Il touchait en outre aux dernières nouvelles un salaire mensuel de près de 10.000 euros comme haut commissaire à je ne sais plus quoi… Ah ces journées de 48 heures et ces années de 104 semaines !

Décidément, il faut vraiment en finir avec les régimes spéciaux – c’est un spécialiste des cumuls humanistes qui vous le dit. 

Dommage que ce soit sur le mode « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». 

N’y a-t-il pas quelque chose de pourri au royaume de Jupiter ?

PS : La déclaration de patrimoine de notre humaniste n’est pas encore publiée… Je suppose qu’elle va faire pitié.

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