H. Mariton : " Quoi qu'en dise le gouvernement, les salariés sont les grands perdants de ce collectif budgétaire"<!-- --> | Atlantico.fr
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Concernant la hausse du SMIC, Hervé Mariton estime qu'il "ne s'agit que d'un rite politique post-électoral".
Concernant la hausse du SMIC, Hervé Mariton estime qu'il "ne s'agit que d'un rite politique post-électoral".
©Reuters

Bon sens économique

Le Conseil des ministres a examiné mercredi le projet de loi de finances rectificative, qui corrige celui voté fin 2011 par le précédent gouvernement. Au total, 7,2 milliards d'euros de hausses d'impôts pour 2012 et 6,1 milliards pour 2013. Des mesures qui privilégient les recettes à la baisse des dépenses publiques, au détriment du pouvoir d'achat et de la compétitivité des entreprises.

Hervé Mariton

Hervé Mariton

Hervé Mariton est ancien ministre, député-maire de Crest, délégué  général de L’UMP chargé du projet, et président de Droit au Cœur.

 

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Atlantico : Le Conseil des ministres examine ce mercredi le projet de loi de finances rectificative, qui corrige celui voté fin 2011 par le précédent gouvernement. Au total, Jean-Marc Ayrault prévoit plus de 7,2 milliards d'euros de hausses d'impôts pour 2012 et 6,1 milliards pour 2013. Les résidents étrangers, les grandes entreprises et les riches contribuables sont en première ligne. Pareille stratégie vous semble-t-elle appropriée ? Au final, qui va réellement payer ?

Hervé Mariton : On voit bien que tous les contribuables vont participer et être atteints par cette hausse d'impôts. Quand je dis tous les contribuables, je pense avant tout aux salariés, à ceux qui bénéficient d'heures supplémentaires et souffriront de la fin de l'exonération sur ces dernières. Je pense également à ceux qui bénéficient de la participation, et qui seront pénalisés avec l'augmentation du forfait social. Les perdants les plus évidents de ce collectif budgétaire, ce sont les salariés...

De fait, la stratégie poursuivie par les socialistes n'est pas appropriée, parce que l'effort est très mal réparti entre l'augmentation des recettes et les diminutions des dépenses. Il faudrait jouer davantage sur les diminutions des dépenses, et par ailleurs relocaliser les recettes, de manière à ce qu'elles pèsent moins sur les salariés.

La TVA sociale sera supprimée, les dividendes versés par les entreprises seront taxés à 3%, les contributions sociales sur les stock-options passeront de 22 à 40%, et la taxe sur les transactions financières sera doublée. Ne s'agit-il pas de mesures directement dommageables pour la création d'emplois et la performance économique de nos entreprises ?Ne risquent-elles pas de pénaliser le nécessaire retour à la croissance ?

Clairement, la suppression de la TVA anti-délocalisation est défavorable à la compétitivité des entreprises, la suppression de l'exonération de charges sur les heures supplémentaires l'est également - ainsi qu'au pouvoir d'achat des salariés -, et la ribambelle de mesures fiscales le sont aussi.

On est donc en présence d'un texte qui est à la fois désincitatif, défavorable aux salariés, et pénalisant pour la compétitivité de nos entreprises. Par conséquent, ce dernier ne peut être favorable à la croissance, et donc à la création d'emplois.

Selon le rapport préparatoire du débat d'orientation des finances publiques, la dépense publique ne progressera que de 0,8% par an sur le quinquennat, soit une hausse de 4% à la fin du mandat. Un chiffre rabaissé suite à la baisse de la prévision de croissance (0,3% pour 2012 et environ 1,2% pour 2013). Pourtant, d'après certaines projections économiques, la pente naturelle des dépenses conduirait à une augmentation des dépenses publiques d'au moins 2% par an en volume (co­mpte tenu du vi­ei­lli­sse­ment de la po­pula­tion, des dépe­nses ma­la­die, etc.). Le gouvernement Ayrault va-t-il devoir réaliser de nouvelles coupes dans les dépenses publiques et sociales pour tenir ses engagements ?

Je pense que le gouvernement Ayrault a beaucoup de mal à se confronter et venir à l'idée de réduction des dépenses publiques, qui n'en sont pas moins indispensables... Dans tous les cas, ils n'auront d'autre choix que de procéder à de larges coupes dans les dépenses publiques et sociales, ce qui sous-entend moins d'argent pour les collectivités territoriales et les aides sociales.

A eux d'engager les coupes nécessaires pour le budget 2013, il leur reste quelques mois.

Parallèlement aux efforts supplémentaires demandés aux Français, le budget rectificatif supprime la prise en charge par l’État des frais de scolarité des enfants français inscrits dans un établissement français à l'étranger, l'exonération de charges sociales sur les heures supplémentaires... Les groupes pétrolier devront, eux, s'acquitter d'une taxe exceptionnelle de 550 millions d'euros, qui pèsera sur les prix des carburants à la pompe. Nous l'avons déjà abordé, mais cela peut être précisé, ne s'agit-il pas d'une série de mesures qui portera un coût fatal au pouvoir d'achat des Français ?

Je ne sais pas si le coup est fatal... Mais dans tous les cas, l'ensemble de ces mesures pèsera nécessairement sur le portefeuille des Français. Pour être plus précis, la taxation des stocks pétroliers aura un impact sur le prix du carburant, et les autres mesures arrêtées vont peser sur le pouvoir d'achat.

Dans ce budget rectificatif, il y a plus de 7 milliards d'euro de recettes pour seulement 90 millions non pas d'économies, mais de dépenses réaffectées, prises au tiers à notre budget de la Défense. Je le répète, ce gouvernement a un problème de curseur entre économies et impôts supplémentaires ! Ce dernier étant très mal placé.

Paradoxalement, le relèvement de 2% du SMIC depuis le 1er juillet coûtera à l’État et aux administrations publiques 500 millions d'euros en 2012, "300 millions d'euro l'année prochaine" et "au total sur la mandature 1,2 milliard", a précisé le ministre du Budget Jérôme Cahuzac. Sachant que cette hausse du SMIC est annihilée par une hausse des cotisations, pourquoi le gouvernement Ayrault s'inflige-t-il des dépenses supplémentaires ?

Il faut considérer en réalité que c'est une hausse du SMIC assez modeste, qui pour l'essentiel n'est qu'une avance sur une hausse préalablement prévue. Il ne s'agit que d'un rite politique post-électoral.

Cela reste une dépense supplémentaire évidemment, et même si elle n'est pas considérable compte tenu de la modestie de l'initiative, ce n'est clairement pas le meilleur choix que le gouvernement aurait pu faire. Pour ma part, le sujet réside davantage dans l'encouragement à l'évolution de carrière de nos concitoyens, en particulier ceux qui ont des revenus modestes. Bien davantage que la politique du SMIC.  


L’Éducation s'est vue attribuer 89,5 millions d'euro de crédits supplémentaires en 2012 pour financer les recrutements prévus à la rentrée, en particulier les 1 000 postes de professeurs dans le primaire et les 500 assistants de prévention et de sécurité. Était-ce une priorité ou valait-il mieux engager une réforme globale de l’Éducation nationale, sur le modèle scandinave ou allemand ?

Je ne suis pas certain qu'il faille faire une réforme globale de l’Éducation nationale, tant l'exercice est périlleux et difficile... Reste que le gouvernement Ayrault a choisi pour la rentrée 2012 de recruter là où il pouvait. Mais il ne recrute pas en fonction des besoins, seulement là où il y a des candidats potentiels.

Le gouvernement sera bien embêté pour recruter dans le secondaire en 2013, puisqu'il n'y a pas assez de candidats. Notre intuition, celle évoquée pendant les campagnes du Printemps, selon laquelle la priorité était de mieux rémunérer les enseignants plutôt qu'en recruter davantage est une réalité qui va mordre à la rentrée 2013, car le gouvernement ne pourra recruter des enseignements supplémentaires du secondaire, sachant que les candidats manquent.

Propos recueillis par Franck Michel

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