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Et si François Hollande 
relisait Attali ?
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Bachottage

Dès 2008, le rapport Jacques Attali de la Commission sur la libération de la croissance répondait aux trois objectifs que s'est fixé François Hollande : croissance, justice et avenir de la jeunesse. Il n'est peut-être pas trop tard pour mettre en œuvre les solutions qui y étaient proposées.

Michel Faure

Michel Faure

Michel Faure est journaliste, écrivain et traducteur.

 
Il est vice-président du Mouvement des Libéraux de Gauche (MLG).
 
Il est l'auteur, entre autres, de Au coeur de l'Espoir (Robert Laffont / avril 2012), co-écrit avec le Dr Eric Cheysson.

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François Hollande veut de la croissance, de la justice et de l’avenir pour la jeunesse. Fort bien. Ce sont trois beaux objectifs, mais comment les atteindre ? Relire et adopter les propositions du rapport de la Commission pour la libération de la croissance, qu’avait présidée Jacques Attali, en janvier 2008, et son complément pour sortir de la crise, présenté en octobre 2010, est une solution.

Ces deux rapports répondent aux questions que posent les trois objectifs de Hollande. La croissance ? Oui, mais comment renouer avec elle sans aggraver les dépenses publiques, sans alourdir les impôts et sans trop compter non plus sur nos partenaires européens qui ont suffisamment de problèmes chez eux pour s’occuper des nôtres ? La justice ? Bien sûr, mais comment la restaurer dans un système structurellement conservateur, marqué par des décennies de clientélisme, de connivences et de préservation de privilèges ? Comment démanteler des "droits acquis" jugés sacro-saints, les rentes de situation, les numerus clausus, les exceptions au droit ? Comment cesser de protéger de la concurrence des secteurs subventionnés, comment ne plus tolérer des inégalités criantes entre les sexes, entre les statuts, entre les régimes de retraite, entre les villes et les banlieues ? La jeunesse ? Évidemment. Mais comment garder chez nous tous ces jeunes diplômés qui trouvent de vrais emplois ailleurs, à Londres ou à Singapour, pour échapper aux stages sous payés ou aux CDD précaires en France ? Comment faire pour maintenir dans le système scolaire la proportion considérable de jeunes qui le quittent chaque année sans qualification ? Comment hisser nos universités au niveau des meilleures grandes écoles mondiales ? Comment, finalement, donner des emplois productifs aux jeunes Français qui n’ont aujourd’hui pour seul horizon que le chômage ou la précarité ?

A toutes ces questions, la commission Attali apportait déjà des réponses au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, et relire le rapport de janvier 2008 aujourd’hui provoque deux sentiments contradictoires : la désolation devant tant de temps perdu, et l’espoir qu’il n’est pas trop tard encore pour mettre en œuvre les solutions d’évidence qui étaient proposées.

Bien évidemment, en dénonçant les privilèges, les blocages, en demandant la suppression des départements et la réduction du nombre de communes, en prônant le risque individuel et moins d’intervention de l’Etat, la gauche avait jugé Attali perdu pour sa cause. Un gros mot – libéral ! – fut même prononcé.  La droite n’en pensa pas moins. On fit quelques blagues sur les coiffeurs ou les taxis, on rassura les syndicats, les corporations et autres corps intermédiaires et ce remarquable rapport fut vite escamoté, et avec lui nos illusions de réformes radicales afin d’armer la France face au monde nouveau. Seulement un tiers des propositions du rapport de 2008 ont été adoptées, écrivait, en 2010, Jacques Attali. Un autre tiers n’a été "qu’incomplètement appliqué, et un dernier tiers ne l’a pas été du tout."

Il convient peut-être de rappeler à François Hollande, dans l’hypothèse improbable où il les aurait oubliées, les "huit ambitions" qui étaient celles des auteurs du rapport Attali en 2008, et les deux "urgences" du second rapport de 2010.  Intégrer ces propositions à son action l’aiderait à être un bon président, et c’est tout ce que nous lui souhaitons afin qu’il nous sorte du trou dans lequel les décennies d’étatisme hypertrophié nous ont enfoncés. Ces ambitions et ces urgences, les voici, je les cite "verbatim", bien sûr, Attali oblige  :

Les ambitions de 2008 :

1/ "Préparer la jeunesse à l’économie du savoir et de la prise de risque".

2/ "Participer pleinement à la croissance mondiale et devenir champion de la nouvelle croissance".

3/ "Améliorer la compétitivité des entreprises françaises, en particulier des PME".

4/ "Construire une société de plein emploi".

5/ "Supprimer les rentes, réduire les privilèges et favoriser les mobilités".

6/ "Créer de nouvelles sécurités à la hauteur des instabilités croissantes".

7/ "Instaurer une nouvelle gouvernance au service de la croissance".

8/ "Ne pas mettre le niveau de vie d’aujourd’hui à la charge des générations futures".

Les urgences  de 2010 :

1/ "Regagner la maîtrise de nos finances publiques, socle de la croissance et de la solidarité".

2/ "Créer des emplois et redonner un avenir aux jeunes".

Que demander de plus, quand on a au cœur la croissance, la justice et la jeunesse ?Ces huit ambitions, que 316 mesures peuvent mettre en musique, et ces deux urgences, sont en parfaite harmonie avec les trois priorités de François Hollande. Leur réalisation semble aujourd’hui tristement utopique – "champion d’une nouvelle croissance", "société de plein emploi", "créer des emplois et redonner un avenir aux jeunes" - mais leur mise en œuvre n’est ni coûteuse ni très compliquée. Réduire la taille et le nombre des administrations, baisser les cotisations sociales qui pèsent sur l’emploi en contrepartie d’une hausse de la CSG et de la TVA, instaurer des fonds de pensions, supprimer l’inscription dans la constitution du principe de précaution qui entrave la recherche et l’innovation, déréglementer des secteurs fermés, comme par exemple les pharmacies, lever tous les obstacles au cumul emploi-retraite, tout cela ne coûterait rien, sinon un peu de courage. Et elles rapporteraient sans doute, à terme, des revenus à l’Etat avec la croissance retrouvée.

Nicolas Sarkozy a été coupable de ne pas  donner un soutien plus déterminé à ce travail cohérent, approfondi et fondamentalement mesuré. Il nous a prouvé, par son dédain à l’égard de ces propositions, que sa prétendue "rupture", sa volonté d’agir, tout cela n’était que du vent. François Hollande nous promet le changement, et une majorité de Français l’a pris au mot et l’a élu. A lui d’agir. Il lui sera facile de reprendre à son compte les "deux urgences" qu’il a fait siennes – maîtrise des finances publiques et éducation et emploi des jeunes. Si, de surcroît, il adoptait les huit ambitions de 2008 de son vieux camarade Attali, qu’il connaît depuis les années Mitterrand, s’il appliquait les mesures, une fois adaptées à la situation qui est la nôtre aujourd’hui, permettant de les atteindre, oui, cela nous changerait, vraiment, et ça changerait aussi la gauche, qui entrerait enfin, après des années d’ankylose, dans l’avenir et la modernité.

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