JF Kahn : "Bayrou va suivre les pas de Mendès-France en jouant le rôle du sage déconnecté de la vie politique"<!-- --> | Atlantico.fr
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JF Kahn : "Bayrou va suivre 
les pas de Mendès-France 
en jouant le rôle du sage 
déconnecté de la vie politique"
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Décentré

Après une défaite dans son fief du Béarn ce dimanche, quel avenir politique pour François Bayrou ?

Jean-François Kahn

Jean-François Kahn

Jean-François Kahn est un journaliste et essayiste.

Il a été le créateur et directeur de l'hebdomadaire Marianne.

Il a apporté son soutien à François Bayrou pour la présidentielle de 2007 et 2012.

Il est l'auteur de La catastrophe du 6 mai 2012.

 

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Atlantico : Après sa défaite aux législatives dans son fief du Béarn, François Bayrou peut-il rebondir ?

Jean-François Kahn : Il va sans doute connaître un passage à vide. Mais on va vivre un cas de figure tout à fait intéressant, qu’on a déjà connu par le passé avec Mendès-France. Ce dernier est considéré aujourd’hui comme l’homme d’Etat par excellence. Mais avant qu'on lui dresse des statues, Mendès-France a été battu deux fois de suite aux législatives et a obtenu 6% aux présidentielles.

Dans quelques semaines, le pouvoir en place, c'est-à-dire la gauche, va reconnaître que François Bayrou avait totalement raison, que tout ce qu’il avait dit était vrai. La politique qu’ils vont mener est très exactement celle que préconisait François Bayrou. Une défaite politique cinglante va donc se transformer en triomphe idéologique spectaculaire. D’ailleurs hier à la télévision les gens reconnaissaient déjà qu’il avait raison. 

Comment ce triomphe idéologique peut-il se traduire concrètement ? 

Il peut rester à la tête du Modem. Marine Le Pen est à la tête du FN bien qu'elle a été battue, idem pour Mélenchon. Ce n’est pas un problème. Mais il est clair que sa défaite est un coup très dur pour son parti. En vérité, le vrai risque pour lui, mais qui, du point de vue du narcissisme ne serait pas désagréable, c’est qu’il joue le rôle du sage comme Pierre Mendès-France, Jacques Delors ou Raymond Barre en leur temps. Il peut faire des tribunes dans le Monde ou dans le Figaro... En même temps, en jouant un rôle de sage, on décroche de la vie politique.

Le choix pour lui est : soit être le sage devant lequel tout le monde va s’agenouiller, soit essayer, au contraire, de se reconnecter avec la vie politique - et là je ne sais pas comment il peut faire.

Les municipales à Pau peuvent-elles lui permettre de prendre sa revanche sur les législatives ?

C’est très compliqué. Il a essayé à Pau, il ne va pas recommencer. Je crois plutôt qu’il va jouer son rôle - qui est satisfaisant pour l’ego, et en même temps qui peut être dangereux à terme - qui est d’être cette espèce de sage auquel on rendra hommage, aux pieds duquel on viendra s’incliner.

Sans aucun mandat, peut-il encore représenter la sensibilité centriste ?

Le problème, c’est : que faire du Modem ? Comment sortir le Modem de cette impasse ? Comment définir sa ligne ? Et là typiquement, je pense qu’il a fait une erreur en se définissant comme centriste. Dans la situation actuelle, le centriste n’a aucune chance. Les gens n’ont pas envie qu’on soit au milieu. La vérité, c’est que les idées de gauche et de droite sont obsolètes, et qu’il faut être en avant pour les dépasser. Dans le système institutionnel actuel, il est impossible de constituer un vrai centre. L’UMP va connaître une crise et la gauche au pouvoir va être confrontée aux vrais difficultés. Dans ce contexte, la perspective d’un dépassement s’affirme. Mais est-ce que intellectuellement la droite et la gauche sont prêts à ça ? Moi j’ai échoué à les convaincre.

Ne craignez-vous pas que, dans ce contexte, ce soit Marine Le Pen qui incarne finalement ce dépassement ?

J'ai écrit un livre sur le sujet, "La catastrophe du 6 mai". Face à la crise, il faut créer dans le pays quelque chose qui soit musclé, qui soit radical, mais au bon sens du terme. Qui soit en avant. Mais si l’on n’est pas capable de cela, il est clair que, du fait de la double déception, celle que la gauche va provoquer et celle que l’UMP a provoqué, c’est dans cinq ans la possibilité d’un énorme succès du Front National.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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