Financement du Front National : pourquoi le parti demande le dessaisissement des deux juges d’instruction<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Le Front National, personne morale veut obtenir le dessaisissement des juges Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi.
Le Front National, personne morale veut obtenir le dessaisissement des juges Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi.
©Reuters

Sur la touche

Le Front National, personne morale, vient de déposer une requête en suspicion légitime à la chambre criminelle de la Cour de Cassation. Objectif : obtenir le dessaisissement des juges Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi. Une demande rarissime que les hauts magistrats acceptent difficilement.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

Voir la bio »

Vous avez dit partialité ? Déloyauté ? En tout cas le Front National, dont certains de ses dirigeants ou proches font l’objet d’une instruction conduite par les juges Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi, vient de se rebiffer. Mécontent de la manière dont l’information est conduite depuis 2014, pour faux et usage et depuis 2015 pour financement illicite de campagne électorale,  le Front National, dont l’avocat est David Dassa-Le-Deist, en tant que personne morale, vient de déposer une requête en suspicion légitime à la chambre criminelle de la Cour de cassation. En  clair, le parti présidé par Marine Le Pen demande que les juges Van Ruymbeke et Aude Buresi soient dessaisis de l’instruction. Une mesure rarissime – à peine une dizaine de requêtes aboutissent chaque année – qui, à dire vrai, n’est guère surprenante, tant les relations entre les magistrats et les mis en examen s’avéraient très mauvaises. L’avocat au conseil d’Etat et à la Cour de cassation, Me Bruno Le Griel, dans sa requête de 5 pages, après avoir rappelé que toute personne a droit à des garanties suffisantes d’impartialité aux termes de l’ article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et à un procès équitable, appuie sa demande sur un nombre de faits… qui précisément ne sont pas le signe d’impartialité

C’est ainsi par exemple que, lors de la première comparution du Front National représenté par son trésorier, Wallerand de Saint-Just, les deux juges posent la question suivante : "Le but du Front National n’est-il pas de recruter un maximum de candidats  afin d’obtenir un maximum de voix, car celles-ci conditionnaient sa subvention publique des cinq années suivantes ?" Pour Me Le Griel, "il est choquant, écrit-il, que le Front national doive s’expliquer sur la pratique du jeu démocratique […] et sur son souhait  d’obtenir le maximum de voix et de convaincre le maximum d’électeurs"  Aussi, aux yeux de l’avocat, "les juges ont ainsi manifesté une hostilité, sinon un mépris à l’égard du Front National à qui il est fait reproche de sa participation au jeu démocratique."

Puis, la requête recense un second reproche qui peut être fait aux juges Van Ruymbeke et Buresi ! Me Le Griel estime que l’instruction procède à un détournement de procédure aux fins d’obtenir à tout prix la mise en examen du Front National, toujours en qualité de personne morale. C’est ainsi que Wallerand de Saint-Just, trésorier du Parti avait été convoqué aux fins d’une mise en examen sur le fondement de la loi du 11 mars 1988 alors qu’une partie de ses dispositions avait été annulée par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Or souligne, l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, le détournement de procédure a déjà été condamné par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 novembre 1987.

A ces reproches s’en ajoutent deux autres, décrits dans la requête.  C’est ainsi que les deux juges, lorsqu’ils ont interrogé, le 14 septembre 2015, Jean-François Jalkh, secrétaire général de l’association  Jeanne, micro parti politique ont indiqué qu’ils instruisaient sur instruction du Parquet général de la Cour d’appel de Paris et sous la pression du cabinet de la Garde des Sceaux Christiane Taubira.  De même, au cours de son interrogatoire, peut-on lire dans la requête, Frédéric Chatillon, animateur de Riwal, a constaté que le représentant du Parquet était en possession des questions que lui posaient les deux juges d’instruction. Enfin, la requête dresse la liste "des conditions singulières de l’instruction révélées par son traitement médiatique".  Et Me Le Griel de remarquer que l’ AFP annonçait, le 23 juin 2015,  l’imminence de la mise en examen du Front National… alors que les courriers de convocation qui datent… du 25 juin, ne sont pas encore partis. De la même façon, peut-on lire, l’expert-comptable en charge des comptes de campagne, apprendra sa mise en examen alors que son interrogatoire n’était pas encore terminé et qu’il n’avait pas encore été statué sur son sort. Enfin, Mediapart  sortira un papier le 3 juin 2015, immédiatement après l’interrogatoire de première comparution du trésorier du Front National… Papier qui faisait état de la teneur des débats et de la décision prise par les juges. Bref, pour faire cesser cette "chronique des mises en examen annoncées" et afin que  l’instruction soit confiée à une juridiction impartiale et garantissant un procès équitable, Le Front National demande à la Cour de Cassation que l’information judiciaire soit confiée à une autre juridiction d’instruction… Et que les juges Van Ruymbeke et Buresi soient dessaisis. Le parti de Marine Le Pen demande même que, en raison des élections régionales de décembre prochain, l’information judiciaire sur le financement du Front national soit suspendue. Le temps de l’examen de la requête.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !