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Exclusif : Une petite virée en enfer ? Bienvenue dans l’un des bunkers de l’Etat islamique
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THE DAILY BEAST

Des maisons piégées, et une ville jonchée de bombes au-dessus. Et au-dessous, le réseau de tunnels de cette armée terroriste.

Kimberly Dozier

Kimberly Dozier

Kimberly Dozier est contributrice pour The Daily Beast et CNN. Elle couvre les sujets relatifs aux conflits au Moyen-Orient et en Europe, ainsi que ceux concernant la sécurité nationale des Etats-Unis depuis 1992. 

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The Daily Beast par Kimberly Dozier

BAA'SHIQA, Irak - La veste noire à capuchon d’un combattant de l'EI est toujours suspendue à un crochet sur le mur, des sacs de couchage couvrent le sol mêlés à des oreillers et des vêtements abandonnés dans la pièce maintenant vide. C’est un long tunnel sombre, à une quinzaine de mètres de profondeur, déconseillé aux claustrophobes. sous une maison détruite par un missile.

Le long du couloir, ce qui ressemble à un réservoir d'oxygène est relié aux ventilateurs qui faisaient circuler l'air venant de l'extérieur, les tunnels sont bordés de fils électriques et il y des ampoules. Il y a l’emplacement d’un téléviseur qui était accroché sur les murs, couverts de lambris en bois pour isoler de la terre nue.

Il y a une deuxième chambre un peu plus bas bas, et un passage conduit vers d’autres tunnels, avec un dortoir pour d’autres combattants qui se protégeaient ainsi des bombes de la coalition qui tombaient au-dessus de leurs têtes.

Ce dédale de tunnels et de salles souterraines était, jusqu'à il n’y a pas si longtemps, un centre de commandement souterrain pour le soi-disant État islamique aussi connu sous le nom d’ISIS. Sa taille et sa sophistication, montrent l'enracinement de cette armée terroriste, autour de Mossoul, sa capitale irakienne.

Un responsable régional dit au Daily Beast que l'EI s’est encore plus enterré sur le côté ouest de Mossoul. Selon des informateurs qui sont à l’intérieur de la ville, l'EI a non seulement miné des maisons individuelles, mais aussi des quartiers entiers pour les faire sauter, avec des guirlande d’engins explosifs qui vont de maisons en maisons.

Dehors, dans la rue, au-dessus de ces cachettes, l'odeur des bombes de la coalition flotte encore dans l'air. Après les frappes aériennes, il y a eu une féroce bataille de maison en maison dans Baa'shiqa, à environ 25 kilomètres de Mossoul, à seulement quatre à cinq kilomètres du front actuel.

Mercredi les forces Peshmerga ont montré les environs au Daily Beast, au cours de la brève pause marquée par l'armée irakienne pour laisser souffler les hommes et le matériel après 60 jours d’un assaut sanglant dans la périphérie Est de Mossoul, et dans les villages environnants comme Baa'shiqa. Des soldats irakiens fatigués conduisaient des véhicules endommagés à travers les points de contrôle qui barrent maintenant chaque voie d’accès principale.

Un jour plus tard, les combats reprenaient, selon un communiqué en arabe diffusé sur la page Facebook du ministère de la Défense irakien sous la signature du général Abdulameer Rasheed Yaralah.  "L'armée, la police fédérale, et les forces antiterroristes irakiennes ont commencé la deuxième phase de l’attaque destiné à libérer totalement la rive gauche de Mossoul".

Une déclaration de l’US Central Command a confirmé que l'armée, la police et les forces anti-terrorisme "ont lancé une attaque simultanée le long de trois axes à Mossoul" en venant du Sud, de l'Ouest et du Nord de la ville.

Les officiers irakiens refusent de parler aux journalistes pour le moment, piqués au vif par les critiques disant qu’après deux mois d’une longue bataille plus lente que prévue, et aussi contrariés par la prédiction faite par le général Stephen Townsend, le jour de Noël, disant que cela pourrait prendre un an pour venir à bout des deux capitales du soi-disant État Islamique, Mossoul et Raqqah, puis encore une autre année pour neutraliser le groupe terroriste dans le vaste désert qui s’étend dans le triangle entre les deux villes et la province d'Anbar, dans le Sud.

Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a déclaré cette semaine, avec colère, que la lutte pour Mossoul ne prendrait que trois mois, se terminant juste à temps pour les élections provinciales prévues en avril. D'autres responsables irakiens ont appuyé son affirmation, disant que le délai serait respecté, mais en admettant qu’un peu d’orgueil avait alimenté les prévisions initiales d'une victoire rapide.

"Tout le monde avait des attentes irréalistes - militaires, et hommes politiques" selon Safa al-Sheikh conseiller adjoint à la sécurité nationale : "Dans peu de temps, peut-être la partie gauche de Mossoul sera libérée, mais il faudra quelques mois" pour libérer le côté ouest de Mossoul.

Les combattants Peshmerga à Baa'shiqa saluent les forces d’Abadi, en disant qu'ils ont durement combattu et que la coopération a été bonne. C’est un compliment rare, qui change des affrontements habituels entre les hommes politiques qui commandent les deux forces.

Mais ils ne voient pas comment une force, quelle qu’elle soit, peut faire face à ce qui attend les troupes irakiennes dans l'ouest de Mossoul.

"Les combattants de l'armée irakienne sont épuisés, et il n'y a personne pour les remplacer" dit  le brigadier général Peshmerga Bahram Yassin Arif, dans son quartier général improvisé sous des tentes installées à l'intérieur d'une grande salle dans l’un des seuls bâtiments épargnés par les combats.

Et la bataille est dure, avec la panoplie de l'EI qui va des véhicules suicides blindés aux kamikazes porteurs de gilets d’explosifs, et des tireurs d'élite peu efficaces, mais qui s’accrochent."Pas précis, mais toujours dangereux", dit le général  "Si les combats continuent comme ça, il faudra plus de temps qu'ils ne pensent" ajoute-t-il.

Près de ce quartier général improvisé, il y a une série de missiles construits par l'EI, dont la portée indéterminée qui montrent à la fois une prouesse technique et une longue préparation.

"Ils ont des experts du régime de Saddam Hussein, et des experts occidentaux aussi", dit le général.

Lorsque The Daily Beast demande si les missiles capturés ont été désamorcés, les combattants disent non. Il y a assez de munitions ici pour faire sauter toute la zone, mais ces combattants ne disposent pas d’assez techniciens démineurs pour que de telles armes soient enterrées, en sécurité, dans une fosse.

Le général dit que toute la ville est jonchée de munitions et de bombes improvisées qui n’ont pas encore explosé, prêtes à mutiler et à tuer longtemps après le départ de l'EI. De tels dispositifs ont déjà tué des dizaines  de civils qui reviennent dans leur ville comme à Ramadi.

Pourtant, les forces kurdes Peshmerga qui se sont emparées de ce territoire sont fières de montrer leur prise, et circulent sans crainte à travers la maison qui donne accès au réseau souterrain de l'EI, malgré le risque que les terroristes y aient laissé des pièges explosifs.

La maison où l'entrée du tunnel se trouve est un exemple classique du cauchemar urbain qui attend les forces irakiennes. Les murs des maisons sont percés d'énormes trous de la taille d’une porte, de sorte que les combattants de l'Etat Islamique puissent passer d’une maison à l’autre en restant invisibles aux yeux des drones et des avions qui les survolent.

Les mêmes passages labyrinthiques attendent les troupes de l'armée irakienne qui doit prendre l'Est de Mossoul, puis tailler leur chemin dans l'ouest de la ville. Les combattants de l'EI ont déjà utilisé de tels passages  pour apparaître derrière les lignes irakiennes, surprenant les Irakiens en leur tirant dans le dos.

Sheikh, le conseiller adjoint à la sécurité nationale de l'Irak, dit que son gouvernement sait qu’un combat brutal les attend. "Les militants de Daesh présents à Mossoul sont plus nombreux que ceux qui étaient dans l’Anbar [province, précédemment détenu par l'EI]" dit-il, en utilisant un mot péjoratif arabe pour désigner le groupe terroriste. Les estimations du nombre de combattants de l'EI  présents dans Mossoul varient de quelques milliers à plus de 10.000. "Et personne ne sait combien d’entre eux sont des combattants très motivés, prêts à se battre jusqu'à la mort" dit-il.

Le gouvernement irakien ne s'attend pas être aidé par les civils pris au piège à l'intérieur de Mossoul, selon les informations obtenues par les services de renseignement explique Cheikh.

"Quand Daesh est entré dans la ville, en général, ils ont été bien accueillis". Mais le comportement de k'Etat Islamique a ensuite inquiété la population locale, laissant place à la terreur. "Cela a dégénéré au point que les gens accueillent correctement les forces irakiennes, mais ils ne sont pas capables de se révolter contre Daesh"

Dans un camp d’Irakiens déplacés géré par un organisme de bienfaisance kurde local, situé à proximité, de nombreux fuyards sont d’accord.

"Ils ne nous ont pas maltraité tout de suite. La vie était normale au début" dit un homme qui a fui l'EI. (Les évadés de Mossoul ne veulent pas donner leurs noms par crainte de mettre en danger ceux qui sont restés sous le contrôle de l'EI.) "Il fallait laisser pousser sa barbe et porter des pantalons courts, avec une cheville tenue par un élastique". Les hommes autour de lui montrent leurs pantalons similaires à cette description. "J’ai raté quelques prières à la mosquée ... D'abord, ils m’ont donné 30 coups de fouet, puis la seconde fois, 50 coups."

Un autre homme a été emprisonné quand l'EI a découvert qu'il était un ancien soldat irakien. Son oncle a payé 800 dollars de rançon à l'EI pour le sortir de prison, mais pas avant que les combattants l’aient torturé. Un autre homme a été détenu pour des raisons qu'il ignore, mais il a vu  des combattants de l'Etat Islamique décapitant des prisonniers avec des épées, ou coupant des mains au couteau.

Lorsqu'on leur demandé si les gens qui sont restés sur place pourraient se révolter contre le groupe terroriste, la foule répond "Non ! S’ils critiquent Daesh, ils sont décapités". "La coalition a bombardé l'EI pendant deux mois, mais il est toujours là", ajoute un homme "Les gens qui sont à l'intérieur n’ont pas d'armes. Comment pourraient-ils se révolter ?"

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