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Exclusif : comment Paris Habitat s’enrichit sur le dos des pauvres
©Reuters

Escroquerie organisée

Paris Habitat, l’organisme HLM de la Ville de Paris présidé par Roger Madec, proche de Bertrand Delanoë, est décidément un fromage qu’il fait bon déguster à l’abri des regards. Au nom de l’éternelle solidarité et du logement social (avec tout son concert de bons sentiments qui vous font pleurer dans les chaumières), certains ne se gênent pas pour prendre leurs aises. La direction de l’organisme multiplie les menaces pour étouffer l’incendie… et les feux de paille pour ne rien toucher au gâteau.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Des fauteuils à 4 000 euros à l’accueil de Paris Habitat

Je recommande d’abord à tous les locataires de Paris Habitat et à tous les contribuables parisiens d’aller s’asseoir quelques minutes à l’accueil de l’organisme HLM. Ils auront le plaisir de poser leurs fesses sur des fauteuils à 4.000 euros achetés avec l’argent de leurs loyers et avec les différents efforts fiscaux consentis aux bailleurs sociaux. En voici la facture : 

Les Parisiens apprécieront la modestie du train de vie de leur organisme HLM préféré. Ils apprécieront aussi les prochaines déclarations gouvernementales sur la lutte contre l’apartheid et sur la mixité sociale. En tout cas, à la lecture de ces factures, on comprend mieux pourquoi la gauche veut développer le logement social en France: manifestement, l’opération n’est pas perdue pour tout le monde.

Le grand bordel de la logistique chez Paris Habitat

Ces errances dans le train de vie de Paris Habitat, jointes aux conditions très favorables inscrites dans les contrats de travail des dirigeants de l’organisme, expliquent que le Parisienet le Canard Enchaîné aient commencé à mettre leur nez dans tous ces petits arrangements avec les postures solidaristes qu’affectionnent tant Anne Hidalgo et son affidé communiste au logement, Ian Brossat. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de voir tant de gens bien intentionnés et bien pensant donner des leçons aux méchants habitants du XVIè arrondissement sur l’accueil des pauvres et fermer les yeux sur les truanderies de l’office HLM qu’ils maintiennent dans leur giron politique. Charité bien ordonnée… comme on disait chez les Chrétiens.

Dans la pratique, les dirigeants de l’organisme ont tardivement " découvert " que l’inventaire mobilier qu’ils avaient sous les yeux était une passoire et que plus personne ne savait où se trouvaient certains des différents achats livrés depuis 2012. Anne Hidalgo ne peut pourtant ignorer le risque auquel elle s’expose en laissant faire ce désordre: les mauvaises langues ne tarderont pas à imaginer que tous ces achats livrés à Paris Habitat pouvaient servir à d’autres organismes… ou d’autres personnes que le commanditaire. La circonstance ne manque pas de faire sourire si l’on se souvient que le directeur de la logistique, Philippe Guillier, fut recruté par Stéphane Dambrine, l’actuel directeur général de Paris Habitat.

Chez Paris Habitat ce sont les lampistes qui paient

Face aux risques grandissants de cette situation qui rappelle le meilleur des années Tiberi (faut-il parler d’une tibérisation de la ville de Paris sous Anne Hidalgo?), l’exécutif de Paris Habitat n’a pas tardé à relire son manuel de la gouvernance à l’ancienne pour régler le problème. Les lampistes ont immédiatement payé, et deux licenciements pour insuffisance professionnelle sont intervenus: celui du directeur de la logistique et de l’un de ses hommes-liges, coupables d’avoir maintenu le bordel dans les petites affaires de l’organisme.

Compte tenu des faits incriminés, certains s’étaient imaginé que l’office porterait plainte contre les contrevenants. Madec et consors ont préféré étouffer l’affaire en demandant un audit interne… mené par la direction elle-même. On n’est jamais mieux servi que par soi-même! Il faut laver le linge sale en famille, etc.

Voici ce qu’en dit le procès-verbal du Comité d’entreprise :

Ah! la cellule " contrôle interne de la direction "! Quel bonheur! Au moins, elle présente l’avantage de délivrer les conclusions de l’enquête avant même d’avoir commencé à travailler. Grâce à son examen fouillé et approfondi, ladite cellule a servi à Stéphane Dambrine la conclusion qu’il attendait (il ne s’en cache pas) :

Vraiment génial! l’audit n’est pas terminé, mais une chose est déjà sûre: pas d’infraction au pénal, donc pas de dépôt de plainte! Elle est pas belle la vie? Paris Habitat n’a même plus besoin de la police judiciaire pour établir l’existence ou non d’une infraction. Un audit interne inachevé permet de tout savoir!

Comme dit le directeur général de l’office: " j’en suis heureux ". Un psychanalyste de base se demanderait quand même ce qui rend aussi heureux un directeur général à propos des truanderies de l’un des collaborateurs qu’il a recruté. En tout cas, Dambrine n’aura pas à demander à des policiers forcément partiaux de passer au crible les conclusions très impartiales de la " cellule interne d’audit " de Paris Habitat. Ouf! Au cas où ces policiers auraient découvert une affaire de financement illégal de parti politique par Paris Habitat…

Il est vrai que la personnalité des élus PS parisiens (Cambadélis, Le Guen) ne laisse planer aucun doute sur de possibles circuits de financement occulte.

Bref, les salariés responsables du bordel dans l’inventaire de Paris Habitat ont été licenciés sans dépôt de plainte, une partie des biens disparus est revenue par enchantement, et tout va pour le mieux ans le meilleur des mondes. Les vaches (comprenez les contribuables parisiens) sont bien gardées…

Pour notre part, on aimerait connaître les conditions de la transaction entre l’office HLM et les salariés licenciés. Un employeur normal chercherait en effet la petite bête. Pour que l’opération se passe dans une mer d’huile, on imagine que les salariés en question avaient quelques biscuits dans leur dossier pour calmer les velléités de leur employeur.

Les commissions bidons de Madec pour étouffer l’affaire

Face à l’ampleur des polémiques lancées par ces " torchons " (selon l’élu FSU au conseil d’administration…) que sont les organes de presse cités plus haut à l’origine des révélations, Roger Madec, ancien maire du XIXè arrondissement et ancien flic, proche de Delanoé et grand défenseur du mariage gay, a décidé là encore de reprendre les bonnes méthodes estampillées Police Nationale pour étouffer l’incendie naissant.

Il a évidemment annoncé la création d’une commission de déontologie bidon pour examiner la vie de l’Office. Voici la délibération passée au Conseil d’Administration extraordinaire du 17 mars 2016 sur le sujet :

Là encore, plus belle la vie! le comité théodule sera composé de responsables de Paris Habitat, et le directeur général de l’établissement sera en charge de la mise à jour du code. Surtout, lavons le linge sale en famille! On se demande pourquoi Roger Madec n’a pas demandé à Jean Tibéri de présider le comité. La boucle aurait été bouclée.

Bruit de bottes dans les couloirs de Paris Habitat

Si le recours à la bonne vieille commission godillot a fait partie des armes de Roger Madec pour occulter le dossier Paris Habitat, la terreur a commencé à régner en interne. Les révélations sur les " privilèges " détenus par les directeurs de l’OPHLM (qui ont permis aux Parisiens de découvrir que des seconds couteaux d’établissements municipaux pouvaient gagner plus de 8 000 euros nets par mois pour un service bancal) ont beaucoup énervé la direction de l’office. Dambrine s’est donc fendu de nombreux avertissements aux méchants salariés du siège qui jouent aux lanceurs d’alerte, cette espèce honnie qui aime son travail et qui le défend.

Le directeur de l’Office n’a donc pas hésité à porter plainte pour débusquer les balances dans la boîte. Voici le courrier qu’il a fait parvenir aux salariés :

Ta-tam! Les vrais méchants seront virés pour faute lourde, pendant que ceux qui ne faisaient pas leur boulot ont bénéficie d’un licenciement gentil. Deux poids deux mesures! On se souviendra ici des longs discours de Delanoë sur la corruption de Tibéri, pour mesurer la capacité du pouvoir à corrompre!

Anne Hidalgo piégée par les vieux démons du Delanopoly?

Derrière toute cette affaire, c’est évidemment l’influence de Delanoé à Paris malgré Anne Hidalgo qui est au coeur du débat. Roger Madec, tout le monde le sait, est un très proche de l’ancien maire de Paris. Cette proximité l’a conduit à contrebalancer l’autorité du maire d’arrondissement qui lui a succédé, François Dagnaud (lui-même très proche de Roger Madec), par la nomination d’Halima Jemni comme première adjointe de l’arrondissement. Halima Jemni adore rappeler qu’elle est née dans la même ville que Bertrand Delanoë, en Tunisie. Et, de notoriété publique, Dagnaud et Jemni se haïssent comme deux maîtresses peuvent se haïr en présence de leur vieil amant.

Ce combat de tigresses semble aujourd’hui percoler dans l’ensemble des zones de la décision publique.

Reste une certitude: ceux qui, en 2001, avaient voté Delanoë pour en finir avec le règne de la corruption commencent à perdre leur latin. La ville de Paris présente aujourd’hui tous les stigmates répugnants qui avaient fait sa mauvaise réputation sous Tibéri. À une différence près: le Corse Tibéri n’avait jamais véritablement cherché à se présenter comme un parangon de vertu. Pour Hidalgo, en revanche, qui voudrait incarner un renouveau politique, ces affaires ne tarderont pas à causer des dommages collatéraux extrêmement lourds.

Et, comme il se doit au PS, les affaires se traitant en famille, le frondeur idéologue et psychorigide, proche de Martine Aubry, Jean-Marc Germain, époux d’Anne Hidalgo, risque lui aussi d’en faire les frais.

Cet article a été initialement publié sur le site d'Eric Verhaeghe.

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