Européennes : et au fait, qui pense quoi de l’Union aujourd’hui dans les 27 Etats membres ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Des affiches sur les élections européennes sur le site du Parlement européen.
Des affiches sur les élections européennes sur le site du Parlement européen.
©FREDERICK FLORIN / AFP

Vision des européens

Une nouvelle enquête du Pew Research Center révèle qu'une moyenne de 63 % des adultes des principaux pays membres ont une opinion favorable de l'Union européenne.

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart est le Directeur Général adjoint de l'institut de sondage Opinionway. Il est l'auteur de "La Présidence anormale – Aux racines de l’élection d’Emmanuel Macron", mars 2018, éditions Cent Mille Milliards / Descartes & Cie.

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Atlantico : Une nouvelle étude du Pew Research Center s'est intéressée aux sentiments des citoyens européens vis-à-vis de l'Union européenne. Quelles sont les principales raisons pour lesquelles la perception de l'UE reste globalement positive dans les pays membres malgré une légère baisse depuis 2022 ?

Bruno Jeanbart : Je crois que, tout d'abord, il y a un attachement au projet européen visible dans l'ensemble des pays du continent. Ce principe selon lequel nous avons beaucoup de choses en commun et que nous devons nous unir dans un monde où chacun de nos pays est finalement petit à l'échelle des superpuissances – les États-Unis, la Chine, la Russie également – reste pertinent et vigoureux. Cela demeure extrêmement fort. Les enquêtes qualitatives montrent bien que la perception d'un destin commun entre Européens, qui partagent une proximité culturelle et une logique de coopération continue, reste toujours aussi pertinente. 

Je pense aussi que la montée des empires et des menaces extérieures contribue à maintenir cette idée, même si elle peut parfois être en régression. La montée de la Chine et les événements récents avec la Russie sont devenus inquiétants pour certains Européens. On remarque d'ailleurs que cet attachement à l'Union Européenne est souvent d'autant plus fort dans les nouveaux pays membres de l'Union Européenne, notamment ceux d'Europe centrale et orientale, qui sont plus proches de la Russie.

Quels événements ou politiques spécifiques ont contribué à la diminution des opinions favorables envers l'UE en 2023 et 2024 ?

Alors, ce qui est certain, c'est que la baisse du soutien à l'Union Européenne s'explique aussi par des raisons internes. La montée des mouvements populistes dans la plupart de nos pays attire un électorat réfractaire et pousse une partie de l'opinion à se durcir contre l'Europe, accusée par ces partis de divers maux, notamment l'immigration et les problèmes liés au libre-échange. 

Ces partis accusent l'UE d'être trop ouverte au libre-échange, ce qui trouve un écho important dans l'opinion publique. Cette contestation de l'ouverture au monde contribue au déclin du soutien à l'UE, particulièrement en France, où l'envie d'ouverture est faible. Les enquêtes montrent que ce sujet est extrêmement clivant, avec une tendance à préférer que la France se referme. 

Ainsi, l'UE, perçue comme incarnant l'ouverture au monde, devient une cible de critiques croissantes depuis 2022. 

Quels sont les facteurs démographiques et idéologiques qui influencent les attitudes des Européens vis-à-vis de l'UE ?

Lorsqu'on examine les attitudes à l'égard de l'Union Européenne, plusieurs facteurs se dégagent. Le niveau de diplôme est l'un des plus discriminants : moins on est diplômé, plus on est réfractaire à l'UE ; inversement, plus on est diplômé, plus on y est favorable. Cela recoupe le clivage entre électeurs des partis populistes et non populistes. 

Un autre facteur notable est l'âge. Historiquement, les jeunes étaient très pro-UE, mais ce n'est plus systématiquement le cas aujourd'hui, et cela varie selon les pays. Les plus âgés, qui valorisent la paix apportée par l'UE, peuvent parfois être plus favorables à l'UE que les jeunes, pour qui la paix est considérée comme acquise. 

Politiquement, l'attitude vis-à-vis de l'UE est aussi liée à l'orientation politique : les personnes de droite sont plus critiques, tandis que celles du centre et de la gauche sont plus favorables. Les mouvements populistes de droite, particulièrement présents en Europe, contribuent à cette désaffection. 

Enfin, en France, la catégorie sociale joue un rôle important : les ouvriers sont très critiques, tandis que les cadres sont plus favorables. Cependant, cette catégorisation sociale n'est pas applicable de manière uniforme à travers toute l'Europe, où le niveau d'éducation reste un critère plus universel. 

Comment la perception de l'UE varie-t-elle entre les différents pays membres et quels sont les pays les plus et les moins favorables à l'UE ? Également envers les pays non membres de l’UE.

La perception de l'UE varie considérablement entre les pays membres. La France est actuellement l'un des pays les plus critiques envers l'Union Européenne, une situation qui contraste avec son passé pro-européen. Cette désaffection est en partie due à des inquiétudes concernant la mondialisation, le libre-échange, et une perception de perte d'influence française au sein de l'UE, notamment après l'élargissement de 2004. 

En revanche, les pays d'Europe centrale et orientale, ayant rejoint l'UE plus récemment, tendent à être plus favorables à l'UE. Par exemple, la Pologne est très pro-européenne. Les pays d'Europe du Nord, comme la Suède, montrent également une attitude positive, bien que le Danemark soit plus eurosceptique. Les Pays-Bas, malgré des mouvements populistes, restent globalement pro-européens. 

À l'extérieur de l'UE, les Britanniques montrent un intérêt renouvelé pour l'UE post-Brexit, bien que cela ne signifie pas nécessairement un désir de réintégration. Les États-Unis ont une vision généralement favorable de l'UE, ne la considérant pas comme une menace. En revanche, la Turquie a désormais une image négative de l'UE, en grande partie à cause de la déception liée aux promesses non tenues d'adhésion et de la radicalisation de sa société. 

Quels impacts ont eu les politiques climatiques de l'UE et les importations ukrainiennes sur la perception de l'UE en Pologne ?

La perception de l'UE en Pologne a été influencée par plusieurs facteurs, notamment les politiques climatiques de l'UE et les importations ukrainiennes. Un sentiment s'est développé parmi les Polonais que l'UE et la Commission européenne prenaient des positions contraires aux intérêts du pays, un phénomène également observé en Hongrie, bien que de manière moins prononcée. Cette opposition perçue a inévitablement affecté l'opinion publique en Pologne. 

Cependant, il est important de noter que, malgré cette baisse de soutien, la Pologne maintenait un niveau d'opinion favorable très élevé envers l'UE, avec un soutien de 76% parmi les neuf pays testés. Les récentes alternances politiques et le changement de gouvernement en Pologne pourraient améliorer les relations entre l'UE, la Commission européenne, et le gouvernement polonais. 

Ce ressentiment est souvent lié à l'opposition de l'UE aux majorités politiques nationales, créant des tensions entre le désir d'une Union Européenne forte et le maintien d'une souveraineté nationale significative. Ces affrontements influencent la perception de l'UE dans des pays comme la Pologne.

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