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Les Lillois se rendent sur le littoral de la Manche, alors que les Lyonnais privilégient la vallée du Rhône.
Les Lillois se rendent sur le littoral de la Manche, alors que les Lyonnais privilégient la vallée du Rhône.
©Reuters

Mer ou montagne ?

C'est l'été, les grandes villes sont mornes et les villes côtières débordent d'activité. Le Canet Plage passe par exemple de 600 habitants à l'année à 40 000 pendant la période estivale. Petit tour d'horizon des "flux migratoires" de l'été.

Jean-Didier Urbain

Jean-Didier Urbain

Jean-Didier Urbain est sociologue, spécialiste du temps libre, des vacances et des voyages.

Il est l'auteur de Le voyage était presque parfait (Payot, 2008) et L'envie du monde (Breal, 2011)

 

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Atlantico : Où les Français partent-ils vacances ? Existe-t-il une corrélation entre la région qu’ils habitent et celles où ils se rendent pendant l’été ?

Jean-Didier Urbain : Les Parisiens partent dans la vallée de la Seine, en Normandie, dans le Finistère, la Vendée, la Savoie et sur toute la côte méditerranéenne. Mais ils ont tendance à essaimer sur tout le territoire. Donc à part le Parisien qui se rend un peu partout, on voit que les séjours de vacances sont généralement déterminés par le lieu d’habitat. Toulouse, par exemple, se répartit dans la vallée de la Garonne et sur l’arc atlantique, et de Biarritz jusqu’au Languedoc-Roussillon en passant par les Pyrénées.

Les Lillois se rendent quant à eux sur le littoral de la Manche. 5% se rendent à Paris, 9 % en Bretagne du Sud et en Vendée, quelques autres partent à la montagne, et tout une partie se distribue sur la Côte d’Azur.

Les Lyonnais privilégient la vallée du Rhône, la montagne du côté suisse et le littoral méditerranéen. Ils ne se rendent quasiment jamais sur les autres côtes, et autrement ils se rendent à Paris.

Certaines villes sont plus casanières, comme Montpellier, dont les habitants ne s’éloignent pas beaucoup de la vallée du Rhône, de la région Languedoc, et se rendent tout de même à Paris, qui reste un incontournable.

Au sein même de Paris, voit-on des zones qui privilégient des destinations en particulier ?

L’ouest parisien, constitué de beaux quartiers, part dans les résidences secondaires de la côte normande. Les Parisiens du sud, quant à eux, investissent davantage la Seine et Marne, l’Yonne ou la Nièvre, et plus loin, la vallée du Rhône. Les quartiers riches de Paris ont des points de migration rituels sur la Côte d’Azur.

Pourquoi la banlieue ouest de Paris part-elle essentiellement en Normandie, en Bretagne et en Vendée ?

La banlieue cossue et plutôt conservatrice de l’ouest de Paris (Versailles, Sèvres, Viroflay…) se rend beaucoup sur la côte ouest, car les accointances patrimoniales sont très anciennes. Ces familles aisées se sont de depuis très longtemps établies sur la côte la plus proche, de la Normandie à la Vendée. Les affinités idéologiques et religieuses, historiquement très fortes, n’y sont pas étrangères non plus.

Dans quelles proportions les zones habituellement densément peuplées se vident-elles pendant les vacances d'été ?

La loi est quasi mécanique : plus l’agglomération est importante, plus le taux de départ est important. A Paris, en termes d’absence absolue, on ne dépasse pas les 25%. En juillet-août, on atteint les 85 à 90% de départs. Cela ne veut pas dire qu’à un moment donné la population parisienne est vidée de 90%, mais que sur cette période, huit à neuf Parisiens partent.

Les statistiques publiées par l’Observatoire national du tourisme montrent bien que plus l’agglomération est grande, plus le taux de départs est important, et plus elle est petite, plus le taux est faible. Ce sont des communes rurales de 2000 à 5000 habitants. Les critères ne sont pas seulement socio-économiques, on constate par exemple qu’un ouvrier de région parisienne part plus en vacances qu’un cadre en milieu rural (même si ces derniers sont peu nombreux).

De grandes villes situées sur le littoral comme Marseille, Toulon ou Nice ont-elles des taux de départ équivalents ?

Quand on vit en milieu urbanisé, même au bord de la mer, on n’est pas vraiment au bord de la mer. A Marseille, par exemple, la mer est loin de tout, il faut forcément sortir de la ville. Dès lors que la zone est urbanisée, les phénomènes de départ sont les mêmes.

Les flux de personnes varient-ils en fonction des mois (ou des semaines) ? Quelles sont ces différences ?

On n’est plus du tout dans une logique de départs façon années soixante, quand les usines fermaient durablement. 30 à 40 % de Français partaient à l’époque en vacances, dont 90 % en juillet-août. Aujourd’hui ce n’est plus le cas : ne nous étonnons pas qu’un Français sur deux ne parte pas en été, cela fait déjà quinze ans. Beaucoup de gens partent avant ou après. Le francilien part cinq à six fois par an : les "grandes vacances" n’existent plus. En été, on part trois semaines au maximum, qui se concentrent souvent entre la fête nationale du 14 juillet et la fête religieuse du 15 août. En amont et en aval, les chiffres s’étalent davantage, et même en avant et après saison, le tourisme s’est énormément développé. En statistiques, l’été dure maintenant six mois.

Dans quelles zones ces populations se "redistribuent-elles" ? Dans quelles proportions la population augmente-t-elle dans ces régions ?

Pendant l’été, le tropisme du littoral est très fort. La partie nord-est de la France transite majoritairement par la vallée du Rhône en direction de la Côte d’Azur et du Languedoc-Roussillon. Les populations originaires des régions de Bordeaux, Rennes et Nantes, se distribuent en vacances sur l’arc atlantique : Vendée, Bretagne, et éventuellement la Normandie. On voit donc une coupure assez nette sur le plan national.

Prenons l’exemple du Canet Plage, en Roussillon : on passe là-bas de 600 habitants en hiver à près de 40 000 en été. Une ville comme Biarritz, qui a été développée par le tourisme balnéaire, elle, ne fait « que » doubler ou tripler. Certaines régions sont déjà fortement habitées le reste de l’année. Sur la Côte d’Azur, sept habitants sur huit sont des résidents qui ne sont pas de source, mais qui y habitent à l’année. Ils accueillent donc leur famille en été, d’autant plus en temps de crise.

Pour ce qui est des littoraux étrangers, l’Espagne occupe le haut du classement des destinations, que ce soit du côté méditerranéen ou atlantique. Avec la crise, on assiste à un flux très important vers la Grèce (la Crète, notamment) et l’ex-Yougoslavie (Croatie). Les Français sont les premiers visiteurs de la côté croate, par exemple. On compte 4 à 6 millions de nuitées françaises dans ces zones. D’autant que la rétraction de clientèle en Tunisie augmente les flux sur le continent européen.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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