Et si, plutôt que des amendes, on faisait payer aux fraudeurs au fisc le coût réel des services publics dont ils bénéficient en vivant en France ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le fraudeur fiscal, en soustrayant une partie de son capital, ne s’acquitte pas de l’intégralité de l’impôt censé financer les services publics dont il profite pourtant.
Le fraudeur fiscal, en soustrayant une partie de son capital, ne s’acquitte pas de l’intégralité de l’impôt censé financer les services publics dont il profite pourtant.
©Flickr / Images_of_Money

T'es pris, tu payes

Politique fiction : que se passerait-il si l'on faisait rembourser aux fraudeurs au fisc démasqués tous les services dont ils ont profité sans en payer le prix via l'impôt ? Une question qui fait réfléchir sur le rôle premier de l'impôt...

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

Voir la bio »

Atlantico : Le fraudeur fiscal, en soustrayant une partie de son capital, ne s’acquitte pas de l’intégralité de l’impôt censé financer les services publics dont il profite pourtant. Plutôt qu’un système d’amende une fois celui-ci démasqué, pourrait-on envisager la pénalité via le remboursement des coûts des services dont il a bénéficié ?

Jacques Bichot : L’idée est excellente, mais il est difficile d’apprécier la quantité de services publics dont un contribuable a bénéficié. Il faudrait nécessairement procéder à une évaluation forfaitaire de ces services. A cette difficulté près,  cette idée correspond à la modernisation souhaitable de l’Etat, à savoir considérer que l’Etat est un producteur de services qui se fait rémunérer par l’impôt, et que ce dernier est destiné à payer le juste prix des services dont on a bénéficié et de ceux qui ont des moyens moins importants. Car il ne faut pas oublier la notion de solidarité propre au service public. En vertu du pacte républicain, ceux qui ont davantage de moyens versent un peu plus, de façon à ce que ceux qui ont moins de moyens accèdent à des services publics convenables.

Quels seraient les avantages de ce système ?

Ce système permettrait de définir l’Etat comme un partenaire économique des ménages et des entreprises, plutôt que comme une puissance tutélaire écrasant tout le monde de sa hauteur. Crozier disait "Etat efficace, Etat modeste". Que celui-ci se reconnaisse comme un producteur de services plutôt que comme une autorité qui a part sur tout, va dans le sens de la modernisation de l’Etat.

Cela relève-t-il entièrement de la politique fiction ? Comment effectuer le calcul permettant d’établir ce que doivent les fraudeurs démasqués, toujours sur la base du coût des services dont ils ont bénéficié ?

Cela est extrêmement compliqué. Il s’agirait d’une modification profonde de la conception de l’Etat et de la fiscalité. Il nous faudrait une meilleure connaissance des coûts que chaque type d’opération couvre. Nous pouvons nous baser sur quelques exemples : une taxe spécifique existe pour la radiotélévision publique, et en matière de ramassage d’ordures ménagères, un certain nombre de collectivités territoriales séparent cette taxe du reste de la fiscalité locale. On pourrait donc se baser sur ces types de pratiques pour les étendre, et regrouper les services, afin tout de même de ne pas trop complexifier la chose. On saurait par exemple combien on paye pour la fonction enseignement, ce qui serait bénéfique à la visibilité par les citoyens. Ce projet de facturation des services de l’Etat pour réformer la façon de punir les fraudeurs serait excellent, notamment pour faire réaliser au niveau de l’Etat une comptabilité analytique performante, qui aujourd’hui lui manque cruellement.

Quels scénarios seraient envisageables ? Faudrait-il instaurer un couple amende-remboursement ? Quelle forme prendrait ce dernier : serait-il forfaitaire, ou bien s'étalerait-il sur la même durée que la fraude en question ?

L’option de la proportionnalité avec la fraude serait intéressante. Si par exemple on a fraudé pendant cinq ans il serait normal de rattraper sur la même durée tout ce qui a manqué pour la prise en charge des services publics dont on a bénéficié.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !