Entre une gauche martiale et un FN donnant dans la modération, l'épineux problème de la droite pour exister <!-- --> | Atlantico.fr
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Les Républicains ont bien du mal à se positionner sur la réponse à donner aux attentats.
Les Républicains ont bien du mal à se positionner sur la réponse à donner aux attentats.
©Reuters

Asphyxie

Les Républicains ont bien du mal à se positionner face à un chef de l’État qui a emprunté, hier lundi 16 novembre, un chemin ultra sécuritaire et une Marine Le Pen en quête de respectabilité à quelques semaines des régionales.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Pas facile de trouver une passe ces jours-ci. De se frayer un chemin naturel entre droite-droite et gauche-droite. Depuis samedi, c'est une sorte de nasse qui semble se refermer sur les leaders des Républicains. Bien sur, il y a eu les déclarations fortes de Nicolas Sarkozy dénonçant la politique intérieure et extérieure de François Hollande et réclamant, avant même la fin des 3 jours de deuil national, que toute personne fichée S soit équipée d'un bracelet électronique. Demande aussitôt contestée par quelques magistrats qui expliquent que l'on ne peut imposer le port d'un bracelet électronique a des gens qui n'ont pas été condamnés. Dans la foulée, Bruno Le Maire a proposé d'expulser tous les ressortissants étrangers qui tiennent des propos contre la Nation française et d'interpeller tous les individus sous fiche S qui peuvent représenter une menace, y compris par des mesures d'exception. Ce a quoi certains responsables des services de renseignement ont opposé qu'il était souvent plus utile de suivre et de surveiller les personnes fichées S sans qu'elles le sachent plutôt que les interpeller pour les relâcher immédiatement lorsqu'elles n'ont commis aucun délit. Même limite pour les propositions de François Fillon qui réclamait, dans le Parisien, de pouvoir assigner à résidence et restreindre les possibilités de déplacements des mêmes individus. La droite tourne, comme un poisson dans son bocal, sans bien savoir comment exister sans tomber dans une forme d'état autoritaire qu’aucun de ses leaders ne souhaite réellement.

>>> Lire aussi - Dédiabolisée et mesurée… le méchant petit problème Marine Le Pen qu’a désormais le monde politique...

Reste Alain Juppé qui a de nouveau marqué sa différence : "Je propose de mieux articuler les services centraux de renseignement et ce que j’appellerai le renseignement territorial, plus proche du terrain pour capter les signaux faibles qu’émettent les individus en phase de radicalisation. Je propose d’utiliser toutes les technologies disponibles, la biométrie, la détection comportementale… Il faut surtout augmenter les moyens humains, ceux de la police, de la justice, de l’armée", explique-t-il sur son blog. Des propositions peu ambitieuses et sans grande originalité face à une menace d'une nouvel ordre et qui sont donc passées presque inaperçues.

Inaperçues car en face le gouvernement bande les muscles et François Hollande, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve rivalisent de fermeté. Ce dernier ayant expliqué, hier matin, d'un ton martial : "Les terroristes ne détruiront jamais la République, c’est la République qui les détruira". Mais avant lui et après, c'est François Hollande qui a tapé un grand coup en décrétant, dans un premier temps, l'état d'urgence et la fermeture des frontières. Puis, dans un second temps, hier devant le congrès, en demandant une révision constitutionnelle pour refondre les articles 16 et 36 afin de les adapter à la situation actuelle. Un François Hollande désormais favorable à la déchéance de nationalité pour les "individus condamnés pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation" et qui, au lieu de rejeter les arguments de l'opposition sur les fichés S, souhaite les soumettre à l'avis du Conseil d’État, dans un soucis "d'union nationale". Un François Hollande, enfin, souhaitant pouvoir faire appel aux réservistes de l'armée afin de créer une garde nationale, sans oublier de renforcer les moyens de la police et de la gendarmerie. N'en jetez plus, le Chef de l’État pouvait faire plus. C'est déjà beaucoup pour son électorat qui oscille entre acceptation muette et une pointe d'aversion pour un discours qui aurait été largement condamné s'il était venu de la droite de l'échiquier politique. Mais François Hollande n'en a cure. Il sait que le moindre laxisme lui serait reproché, que l'heure n'est plus à la défense des libertés individuelles mais bien à la lutte pleine et entière contre le terrorisme. A quelques semaines des régionales, il ne veut laisser aucun air à la droite et à l’extrême droite. Une fermeté qui arrive, certes, peut-être un peu tard mais avec laquelle il va être bien difficile de rivaliser sans tomber dans l’excès comme Philippe de Villiers qui, quelques heures après le drame, dénonçait "la mosquéïsation de la Franceé ou Laurent Wauquiez qui souhaite mettre tous les fichés "S" dans des camps de rétention…

Des dérapages soigneusement évités par Marine Le Pen que l'on aurait imaginé plus virulente. Quelques heures après les tirs qui ont ensanglanté Paris, nombre de Français attendaient, avec crainte pour les uns, envie pour les autres, que le Front National hystérise, à nouveau, des esprits déjà fort échauffés. Mais rien de tel. La présidente du FN, lors de sa conférence de presse, a presque fait du Juppé. Posant simplement la question de la politique internationale de la France et des alliés choisis par celle-ci. Réclamant, sans surprise, la maîtrise, non pas temporaire, mais définitive de nos frontières et exigeant que la France se réarme. Pour le reste elle sera entendue par François Hollande qui a annoncé, aujourd’hui, la fermeture des mosquées radicales et la déchéance de nationalité des terroristes. Rien de moins mais rien de plus dans la bouche de la présidente du FN. Il fait dire qu'elle en a beaucoup dit avant... Faisant le lien entre immigration et terrorisme. Lançant même en 2012 : "Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions, qui chaque jour arrivent en France remplis d'immigrés ?" et encore : "Combien de Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non assimilés ?". Cette fois, rien de tel. Point d'islamo-gauchisme mais une Marine Le Pen parfois plus mesurée que ses adversaires de droite. Jouant à fond le jeu de la respectabilité. Respectabilité que Les Républicains, en tentant de la doubler sur sa droite, accréditent un peu plus. Laissant, ainsi, Marine le Pen gagner le jeu de la com, faute de gagner celui des idées. Une Marine Le Pen dont la conférence de presse avait, en 48 heures, été suivie sur le net par 4,9 millions de personnes, selon les chiffres du Nouvel Obs. La présidente du FN sait qu'elle joue gros. En effet, sa coté de popularité est, depuis quelques temps, en forte progression chez les 18/25 ans. Des jeunes gens, aujourd’hui, tout particulièrement touchées par le drame. Les prochaines élections régionales diront si l'essai a été transformé.

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