En panne de subventions, l'éolien n'a plus du tout le vent en poupe<!-- --> | Atlantico.fr
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Après une dizaine d'années de croissance à deux chiffres, le secteur de l'éolien accuse un net ralentissement.
Après une dizaine d'années de croissance à deux chiffres, le secteur de l'éolien accuse un net ralentissement.
©Flickr / Cacahouette

Marché artificiel

Boudée par les investisseurs et incapable de devenir bon marché, l'énergie éolienne voit son essor (largement boosté par les aides publiques) s'affaisser en cette période de crise.

Christian Gérondeau

Christian Gérondeau

Christian Gérondeau est polytechnicien et expert indépendant. Il travaille depuis plus de dix ans sur les questions environnementales.

Il est l'auteur du livre "Ecologie la fin" aux Editions du Toucan et "L'air est pur à Paris: mais personne ne le sait!" aux éditions de L'Artilleur.

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Atlantico : Après une dizaine d'années de croissance à deux chiffres, le secteur de l'éolien accuse un net ralentissement. Cet événement est-il surprenant et comment s’explique-t-il ?

Christian Gérondeau : Ce n’est effectivement pas surprenant dans le sens oùla croissance de l’éolien a été rendue possible grâce à un système d’aide financières spécifique au secteur. D’aucuns se sont ainsi amusés de cette dépendance en déclarant qu’on ne plaçait pas les éoliennes là où l’on trouvait le plus de vent mais là où l’on a le plus de chances de récolter des aides financières. S’il y a aujourd’hui un freinage c’est parce que la plupart des pays se rendent compte que le jeu n’en vaut pas la chandelle sur le plan technique mais aussi sur le plan économique.

Ces fameuses aides prennent la forme d’un surcoût sur les factures d’électricité. L’aide à l’industrie éolienne n’est en effet pas financée par le contribuable mais par le consommateur. Cela est vrai en France mais aussi en Allemagne ainsi que dans d’autres pays d’Europe qui ont fait le pari du renouvelable. Dans notre pays cela s’appelle « contribution au service public de l’électricité », cette mention apparaissant en petit dans la facture EDF de chacun. On peut donc parler de dépenses « méta-publiques » qui ont effectivement permis de soutenir la croissance des industries renouvelables, l’éolien en particulier. Ces dépenses ont atteint aujourd’hui un niveau qui devient de moins en moins supportables (pour ce qui est de la France, la Cour des Comptes estimait un surcoût de 6 milliards d’euros/an en 2016) et la fronde croissante des consommateurs dans certains pays comme l’Allemagne explique que les états soient prêts à renoncer à ce mode de financement de moins en moins justifiable.   

Peut-on parler d'un succès artificiel déconnecté des lois du marché ?

En effet. Les énergies renouvelables ne sont pas seulement chères, elles sont aussi intermittentes. Dans le cas de l’éolien, comme chacun le devine, on ne peut produire de l’électricité que lorsqu’il y a du vent. Cela veut dire qu’en moyenne une éolienne produit (en France, ndlr) à 22% de sa capacité (contre 12% pour le photovoltaïque), et que ses périodes de production sont totalement déconnectées des besoins du consommateur : on ne peut pas, à l’évidence, ordonner au vent de souffler quand cela nous arrange. Paradoxe encore plus étonnant, lorsque le vent souffle trop fort, nos voisins allemands sont forcés d’arrêter leurs éoliennes pour éviter une surproduction d’électricité qui endommagerait les circuits. En dépit de cela, les sociétés gérant le parc éolien sont payées quoiqu’il arrive, même lorsque les gouvernements leur demandent de cesser leur production pour éviter toute surcharge. On peut évoquer dans un autre registre l’exemple français où EDF se retrouve obligé d’acheter à des prix 4 à 30 fois supérieurs à ceux du nucléaire l’énergie produite par les éoliennes.

L’électricité doit-être fournie de manière régulière en fonction de la demande et l’on peut effectivement affirmer que le secteur de l’éolien échappe à cette règle.

L'éolien - et de manière plus générale les énergies renouvelables - pourront-elles rester compétitives malgré le désamour croissant des investisseurs ?

Elles ne peuvent pas rester compétitives puisqu’elles ne l’ont jamais vraiment été. Leur déficit compétitif est de plus clairement structurel et l’on imagine difficilement comment de futures innovations pourraient le combler. C’est un peu comme si l’on ouvrait un restaurant trois étoiles dont les prix seraient rendus attractifs via des subventions tout en étant impossible de dire à quelle heure il ouvrira.

On pourrait éventuellement régler le problème en trouvant le moyen de stocker l’électricité, domaine dans lequel la science n’a pas avancé depuis l’invention de la pile Volta au XIXe siècle. Il est par conséquent difficile d’imaginer que l’on trouvera à court ou moyen terme une solution à cette histoire, bien que l’on entende chaque jour des rumeurs douteuses sur des laboratoires de Californie où d’ailleurs qui seraient sur le point de trouver un remède.

Cet épisode ne remet-il pas en cause la stratégie de plusieurs pays jusque-là favorables à l'éolien ? (Pays scandinaves, Allemagne, Brésil...)

On peut commencer par dire que l’orientation énergétique allemande (qui consiste à augmenter le renouvelable pour pallier à l’abandon du nucléaire au lendemain de Fukushima, ndlr) ne durera pas très longtemps.  Les élections législatives se rapprochent et la grogne des entreprises et des particuliers va croissante face à la hausse exorbitante du prix de l’électricité, ce qui laisse penser que cette politique d’énergie verte n’a pas de grand avenir outre-Rhin (en particulier lorsque l’on sait que la réelle énergie de remplacement sera le charbon…). Le Danemark est dans une situation plus ou moins analogue dans le sens où le prix de l’électricité y est aussi très élevé de par la forte présence du renouvelable dans le bouquet énergétique.

On peut dire de manière plus générale que le pari du renouvelable est aujourd’hui sérieusement remis en cause de par son irrégularité. Les énergies capables d’assurer de manière constante et soutenue la demande sont aujourd’hui le nucléaire, le charbon et le gaz de schiste et l’on peut parier que ce trio reviendra bientôt sur le devant de la scène.

 Propos recueillis par Théophile Sourdille

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