Emmanuel Macron libère la Société Générale du carcan français. La bourse grimpe et les marchés européens apprécient<!-- --> | Atlantico.fr
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Le cours de bourse de la Société Générale a bondi après l'annonce d'Emmanuel Macron.
Le cours de bourse de la Société Générale a bondi après l'annonce d'Emmanuel Macron.
©Sameer Al-DOUMY / AFP

Atlantico Business

En déclarant à Bloomberg qu'il n'y avait pas d'interdit à une nouvelle consolidation du secteur bancaire en Europe, le président de la République n'a rien fait d'autre que de respecter un principe de réalité. Les marchés reconnaissent qu'il a eu raison.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les marchés ont très vite réagi positivement à la petite phrase du président de la République qui a ouvert la porte à une consolidation du secteur bancaire, c’est-à-dire en clair à une vente de la Société Générale (SG) à un autre établissement qui sera sans doute européen.

En deux jours, le cours de bourse qui se traînait plus bas que terre a bondi. Les fonds d'investissement et les actionnaires individuels ont anticipé très rapidement l'impact positif qu'aurait une telle opération.

Alors, comme souvent, la parole du président de la République a provoqué un débat politico-médiatique et multiforme dans lequel les élites françaises adorent se complaire et spéculer sur l'aspect politique de l'opération.

L’éventualité d’un rachat de la Société Générale est le prétexte pour souligner à nouveau les risques de perdre sa souveraineté, le prétexte de s'interroger pour savoir si c’est véritablement le rôle du chef d’État d'ébaucher le projet de vente de la Société Générale, etc., etc., et à qui la vendre. Ce type de débat peut être interminable, il s’accompagne en général d’un sondage mais n'aboutit qu’à renforcer la méfiance de l'opinion publique à l'égard des mécanismes économiques et financiers.

Parce que ce type de débat s’inscrit dans la planète politique alors que l’avenir de la Société Générale s’inscrit elle dans la réalité des affaires. La petite phrase d’Emmanuel Macron se réfère à la réalité de cette banque qui est hélas très simple à décrypyter  depuis quelques années. La banque est trop grosse pour développer une stratégie de niche, mais trop petite pour survivre à terme sur les marchés de masse. Pas facile et surtout pas confortable d’etre la plus grosse des petites, ou la plus petites des tres grosses.

Premier point : la Société Générale n’est pas une banque en très bonne santé. Depuis que ses actionnaires ont refusé de se joindre à l'opération de consolidation conduite par la BNP avec Paribas (il y a déjà de nombreuses années), la Société Générale avait décidé de faire cavalier seul sur le marché français et européen. La Société Générale a réussi à se maintenir en équilibre mais n’a pas fait d’exploits.

La crise des supprimes lui a fait du mal, l’affaire Kerviel a abime son image et la guerre en Ukraine l’a obligée à cesser ses activités en Russie, à céder Rosbank et ses filiales russes d’assurance qui lui permettaient un potentiel de développement important et rentable . Aujourd’hui, la Société Générale est la banque qui présente la plus faible valorisation en Europe. En clair, c’est la banque la moins chère et pour beaucoup c’est sans doute la moins sûre !

Deuxième point : Il va falloir se preparer à Bâle 3. La Société Générale est une banque fragile. Dans cette situation commerciale compliquée et compte tenu des conditions de sécurité que la banque doit respecter, la SG serait même pour certains porteuse de risques, d’où l’inquiétude des autres banques du secteur bancaire en Europe. Parce qu’il existe une Europe des banques, notamment depuis la grande crise financière mondiale, les banques européennes ont resserré leurs critères de fonctionnement en termes de solvabilité et de garantie des dépôts et des comptes pour les clients. Ce fut les fameux Bâle 1 puis Bâle 2 qui avait  été signé à l'initiative de Nicolas Sarkozy et qui a terriblement renforcé les ratios de sécurité. Dans quelques semaines, les banques europeennes devront se soumettre à Bâle 3... qui renforce encore les contrôles de sécurité. Du coup, il n’y a pas eu de défaut, mais il faut aussi reconnaître que si l’activité des banques européennes a été plus bien contrôlée, ce contrôle strict les a parfois gênées dans la concurrence avec les anglo-saxons. D’où la force des banques installées à Londres ou à New York qui sont plus à même de prendre des risques donc des activités. Et qui ne sont pas génées pour prendre des part de marché.

Troisième point : à partir du moment où les banques européennes sont plus contrôlées (certains disent corsetées) avec d’ailleurs un droit du travail beaucoup moins flexible que dans le monde anglo-saxon, leur stratégie a été de grossir en France (avec la BNP Paribas), en Allemagne et en Italie. À noter que plus de la moitié des banques françaises sont des statuts qui les mettent hors marché privé puisqu’elles fonctionnent dans le cadre coopératif ou mutualiste, cadre plus ou moins lié et protégé par l’État. C’est évidemment le cas du Crédit Agricole, des Banques Populaires et du Groupe de la Caisse d'Épargne. Tous ces établissements sont « too big to fail », trop gros pour qu'on les laisse tomber comme on le croyait aux USA avant la grande crise financière et la faillite de Lehman Brothers. La crise des supprimes et de la titrisation a quand même prouvé que tout était possible. Une mise en défaut dans un système systémique.

Quatrième point : dans ce contexte, le problème de la Société Générale a été de chercher un adossement à une grande banque. Ce fut implicitement la mission du nouveau président qui a succédé l'an dernier à Frédéric Oudéa, lequel avait dû gérer la sortie de la crise Kerviel. Une vraie galère pour la banque.  La seule solution était de s'allier avec une autre banque. La seule française qui puisse le faire  aurait été la BNP Paribas, mais à qui on reproche d’être trop importante. L'alternative restante sera d'accepter les offres d'une banque allemande ou italienne.

Cinquième point : les marchés financiers n’attendent qu’une consolidation bancaire en Europe qui aurait pour résultats de sécuriser la Société Générale et ses clients, de participer à la construction de l’Europe des banques. Cette construction de l’Europe bancaire existe déjà, d’une part par la réglementation des conditions de sécurité (Bâle 3) et d'autre part par la tutelle de la Banque Centrale européenne. Ainsi, quand le président de la République se déclare plutôt favorable à un rapprochement de la Société Générale avec une banque européenne, il ne fait que répondre de façon très pragmatique à une situation et à  une logique européenne qui s’impose déjà. Au passage, en ouvrant la porte pour la Soc Gen, il envoie aussi un signal politique à nos partenaires européens qui n’ont pas été sans se plaindre des appétits des banques françaises et notamment de la BNP Paribas.

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