Désindustrialisation et destruction du nucléaire : les ravages du septennat Chirac Jospin <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Jacques Chirac et le Premier ministre Lionel Jospin se rendent au Palais des congrès de Catalogne, le 15 mars 2002, pour l'ouverture du conseil Européen à Barcelone.
Le président Jacques Chirac et le Premier ministre Lionel Jospin se rendent au Palais des congrès de Catalogne, le 15 mars 2002, pour l'ouverture du conseil Européen à Barcelone.
©PATRICK KOVARIK / AFP POOL / AFP

Erreurs stratégiques

Les décisions de Jacques Chirac, de Lionel Jospin et de Dominique Voynet vis-à-vis de la filière nucléaire ont accéléré le déclin français sur le plan industriel et énergétique.

Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne est professeur titulaire de la Chaire d'économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers.

Il a également été membre du Conseil d'Analyse économique de 2004 à juin 2012.

Il est également l'auteur de La fin de l'euro (François Bourin Editeur, mars 2011).

 

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Atlantico : Vous avez écrit «  Il apparaît clairement désormais que les deux crimes contre la France, la désindustrialisation et la destruction du nucléaire, ont été programmées entre 1997 et 2002 par Jospin, Aubry et Voynet, puis facilitées par Chirac et Sarkozy, enfin accélérées par Hollande-Macron. Crimes ». A quoi faites-vous allusion ?

Christian Saint-Etienne : Il y a des documents nouveaux qui sont sortis, dont une interview de Dominique Voynet qui lorsqu’elle était ministre de l’Environnement sous Jospin avait reçu des instructions pour inscrire le nucléaire dans les énergies propres européennes. Mais elle s’est alliée avec son homologue britannique pour l’exclure. Et la France traîne cette décision depuis 25 ans. L’Europe considère le nucléaire comme sale, ce qui force l’Hexagone à importer de l’énergie produit avec de la lignite. Le tout nucléaire n’est pas la solution mais c’est la seule énergie programmable propre. Il faudrait environ 60% de nucléaire et un développement massif du photovoltaïque, de la biomasse et de l’hydroélectrique. A cela, il faut ajouter quelques centrales aux gaz pour les situations ou les autres énergies sont indisponibles, comme actuellement.

Deuxièmement, la France se retrouve avec un déficit extérieur colossal. Au CAE, nous avons produit des notes montrant que la désindustrialisation n’était pas arrivée par accident. Au milieu des années 1990, circulait l’idée que nous entrions dans un monde post-industriel et post-travail. Ces deux idées étaient radicalement fausses puisque nous étions entrés dans la révolution industrielle de l’informatique. Nous avons mené une politique post-industriel dans un monde qui est en fait hyper-industriel. De fait, nous avons mené une politique anti-sociale. Lionel Jospin avait repris cette idée fausse et proposait les 35 heures qui devaient permettre de faire face à ce monde post-industriel. Notre base théorique pour justifier cette mesure était radicalement fausse. Donc nos deux problèmes majeurs, l’effondrement de nos capacités industrielles et de notre souveraineté énergétique, ont été programmés lors de ce quinquennat. L’interview ressortie de Dominique Voynet a confirmé cela même si nous savions déjà que c’était elle qui avait incité à la fermeture du réacteur de recherche de Creys-Malville. Ni Jacques Chirac, ni Nicolas Sarkozy n’ont inversé le mouvement. Et François Hollande et Emmanuel Macron l’ont aggravé. François Hollande signe la loi de 2015 devant mener à la fermeture de 14 centrales, Emmanuel Macron acte la fermeture de Fessenheim. Les responsabilités sont donc claires. Il y a actuellement une commission d’enquête parlementaire. Elle doit clairement assigner les responsabilités. Et je suis favorable à un procès en trahison des intérêts fondamentaux de la France. Ils ont pris des décisions folles basées sur des arguments faux. Il faut expliquer aux Français que s’ils sont dans la panade, ce n’est pas à cause de l’Ukraine mais de 25 ans de décisions.

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Est-ce que c’est la non-intégration à la taxonomie qui a plombé le nucléaire ?

C’est en tout cas une décision fondatrice. L’autre décision majeure c’est la fermeture du réacteur de Creys-Malville. Et la troisième décision, de la responsabilité de Lionel Jospin, c’est l’arrêt des recherches sur le nucléaire du futur. Et à part la relance des recherches sur les réacteurs de 4e génération de Nicolas Sarkozy, il n’y a pas eu une bonne décision en 20 ans.  Emmanuel Macron a pris deux décisions criminelles : la fermeture d’Astrid et celle de Fessenheim. Même François Hollande avait dit qu’il ne fermerait Fessenheim qu’au démarrage de l’EPR de Flamanville. Emmanuel Macron n’a pas attendu.

Ces décisions sont-elles dues à de la naïveté ou à de l’idéologie ?

C’est toujours les deux. Il y a des incompréhensions mais d’autres pays n’ont pas fait ces erreurs. L’Allemagne a tout fait pour préserver son industrie. Nous ne l’avons pas fait, par idéologie pure. Jeremy Rifkin et d’autres théorisent La fin du travail dans les années 1990 et nos gouvernements y ont adhéré sans réfléchir. Cela a donné la mise en place des lois Aubry et le passage aux 35 heures. A cela s’ajoute l’incompréhension des élites dirigeantes, gauche et droite confondues. Jacques Chirac n’a jamais fondamentalement remis en cause les 35 heures. A cela s’ajoute un autre fait. Avec le passage à la monnaie unique, certains y ont vu la certitude qu’il n’y aurait plus de problèmes car nous allions partager la monnaie des Allemands. Sauf que cela a installé la compétition au sein de la zone euro. Certains se sont battus, mais pas la France. Il y a eu des dérives permanentes sur le coût du travail, l’affaiblissement du système productif, mais aussi une surrèglementation sur le plan du droit du travail, de l’environnement, de l’urbanisme. Il y avait donc un contexte global, mais à la base il y a bien ces deux erreurs fondamentales.

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