Des fugueuses de 2 et 4 ans : les enfants sont-ils autonomes de plus en plus tôt ?

Atlantico : Il y a quelques jours deux petites filles de 2 et 4 ans ont échappé à la surveillance de leur mère et ont pris le métro de Rennes toute seule pendant plusieurs stations. Au-delà de ce fait divers, est-ce que dans nos sociétés modernes, les enfants sont autonomes plus tôt ? A quels facteurs est-ce dû ?

Alain Sotto : Ils ne sont pas forcément autonomes plus tôt, mais ils sont éveillés plus tôt.  Notamment grâce à l’environnement, à la place centrale de l’enfant dans la famille, ils sont plus sollicités et exposés. L’autonomie est gérée par les parents, elle ne doit pas être un prétexte pour laisser l’enfant trop libre sinon cela devient du laisser-aller. L’autonomie sur-valorisée par les parents est souvent un alibi pour ne pas tenir son rôle d’éducateur.

L’apprentissage de l’autonomie passe par des expériences, mais ces dernières doivent être conduites par les adultes. Maria Montessori résume cela dans la phrase : Apprends-moi à faire tout seul.Il faut responsabiliser les parents, on ne lâche pas d’une seconde des enfants si jeunes. L’enfant a besoin d’adultes qui organisent l’apprentissage du monde. Responsabiliser ses enfants demande un travail de préparation des adultes, des éducateurs ou des enseignants  On peut, avec un contrôle, faire réaliser à l’enfant des actes de « grand », cela le valorise. Mais cela n’a pas de sens de vouloir grandir trop vite. 

Comment l’autonomie se construit-elle chez les enfants ?

Elle se construit par les essais et les erreurs, grâce à la mémoire et à la mémorisation des effets. Si les parents font tout à la place de l’enfant, il ne sera pas autonome, l’autonomie doit être vue comme un enseignement. Il faut que le milieu soit tolérant et laisse l’enfant faire ses propres expériences, l’adulte doit les réguler en lui expliquant. Pour autant, l’autonomie n’est pas à mettre en relation avec la maturité, car chaque enfant est différent, un enfant peut être mature pour faire des mathématiques mais pas pour rentrer seul à la maison par exemple.

Comment savoir à quel âge un enfant est capable de prendre les transports seul, ou bien rentrer à la maison ?

Cela dépend de l’environnement. Aujourd’hui il faut faire attention à tout. On a tendance à croire que les nouvelles technologies sont synonymes d’autonomie, or ce n'est qu'une illusion. Il ne donne pas l’autonomie, surtout quand on voit l’usage réel qu'en font les jeunes adolescents. L’autonomie peut se traduire dans l'insertion à l’école, dans les résultats scolaires et le fait qu’il soit à l’aise dans ces apprentissages. Il faut laisser faire les choses. Par exemple, une action comme ranger sa chambre n’est pas forcément un signe d’autonomie, si cette action est effectuée sous la contrainte cela ne traduit rien, il faut que l’action vienne de l’enfant lui-même.

Quels sont les dangers de donner de l'autonomie trop tôt aux enfants ? 

L’autonomie peut être ressentie comme un abandon. Aujourd’hui, nous sommes dans une société qui prône l’hyper-individualisme. On perçoit une compétition à l’autonomie qui est complètement stérile. Il faut transmettre des valeurs de coopération, de partage, cela est plus intéressant pour le développement de l’enfant, on apprend plus des autres que tout seul. Certains parents pensent que si leur enfant grandit vite, c’est un gage de réussite. Or on constate que des ados de 18 ans ont peur d’aller affronter le monde et souhaitent rester chez eux. L’autonomie est un faux problème, elle se conquiert à partir du moment où il y a beaucoup d’expériences et un milieu tolérant qui organisme l’autonomie. 

Propos recueillis par Manon Hombourger