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Déconfinement du 11 mai : "Pour Edouard Philippe, tout est prêt, reste à fixer la date… !"
©David NIVIERE / POOL / AFP

Atlantico Business

Les Français ne sont guère plus avancés. Les conditions de prudence annoncées par Edouard Philippe sont tellement graves et nombreuses, qu’elles nous obligent à accepter l’incertitude. Pas d’autres solutions.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les Français ne sont sans doute pas plus rassurés qu’hier. Le plan reste flou. Les chefs d’entreprise eux sont plus en colère, parce qu’ils voient leur business s’effondrer.

La décision de confiner avait demandé moins de 24 heures pour être prise et annoncée, on sait maintenant que la décision de sortir de cette crise prendra des mois.

Pourrait-il en être autrement ?

-Sans doute et les leaders politiques ne se sont pas privés de considérer qu’il y avait évidemment d’autres solutions, mais ont préféré attaquer les erreurs passées. Avec tous les Y’a-qu’a et les Faut qu’on, on n’est pas plus avancé.

En fait, l’histoire des épidémies, l’expérience des autres pays et l’expertise de ceux qui savent tout nous enseignent qu’il y avait deux options possibles.

- Ou bien, on prolonge le confinement jusqu'à l’extinction du virus et la dispersion des risques de contagion, ou par l’immunité collective (concept théorique que personne ne comprend) ou par un traitement ou par un vaccin.  On sauve très certainement des vies humaines, mais on détruit tout le système économique.

- Ou bien on déconfine assez rapidement pour remettre en marche les machines à produire de la richesse et des emplois mais on prend le risque de provoquer un très grand nombre de morts.

Edouard Philippe, en s’appuyant sur une étude d’infectiologues, a laissé entendre que le confinement nous a permis d’épargner près de 100 000 décès. Tous les pays européens ont fait le même calcul et sont tombés sur les mêmes résultats y compris ceux qui étaient contre le confinement comme Boris Johnson en Grande Bretagne ce qui les a fait changer d’avis.

Donc au départ, il n‘y a avait pas débat. Sauf que pour décider de la date et des modalités de la sortie, il y a forcément débat puisque les résultats ne sont pas probants. On se retrouve coincé entre ceux dont la priorité et de préserver les vies humaines et de restaurer les conditions de santé et ceux qui nous alertent sur les risques d’effondrement de l’économie. Alors parmi ceux qui appréhendent le tsunami économique, financier et social, il y a évidemment les chefs d’entreprise dont le fond de commerce a disparu. Et la situation actuelle est déjà gravissime. Elle serait désastreuse si le gouvernement n’avait pas ouvert les vannes de la protection sociale. Près de la moitié des Français vivent aujourd’hui avec des aides et des allocations de toutes sortes et notamment celles du chômage partiel. Au mois de mars, l’‘Insee nous dit que le virus a mis 250 000 salariés au chômage (+7%). Et ça va forcément continuer en avril, et en mai.

Donc la situation est désastreuse, mais si les chefs d’entreprises crient aussi fort pour qu’on sorte de ce coma artificiel, ça n’est pas parce qu’ils se moquent des vagues de décès supplémentaires, liées au déconfinement... C’est aussi parce qu‘ils considèrent qu’un désastre économique aura des conséquences sur l’état de santé des Français aussi graves sinon plus que le virus.

Le débat qui s’est développé au sommet de l’Etat opposait ceux dont la priorité absolue est de préserver la santé et ceux qui craignent que tout cela ne transforme l’économie en un champ de ruines.

A l’issue d’une réunion extraordinairement longue à l’Elysée, Edouard Philippe a donc présenté un plan de confinement à minima. On a bien compris qu‘il n’était pas un chaud partisan de la date du 11 mai qui avait été calée par Emmanuel Macron, on a bien compris qu’il avait lui même entendu la nécessité de prendre en compte le risque d’effondrement de l’économie, mais qu‘à cela ne tienne, compte tenu de la situation sanitaire qui s’est améliorée mais qui reste très menaçante, Edouard Philippe a opté pour un compromis qui ne lui fera prendre aucun risque avec la situation sanitaire.

Le plan de de confinement pour le 11 mai a une seule et première priorité : protéger la santé et éviter les risques de reprise de la contagion. D’où les nombreuses conditions qui, mises bout à bout, font que le déconfinement sera remis à une date ultérieure. Fin mai, début juin ou plus tard encore.

Alors Edouard Philippe est assez courageux parce qu’il se retrouve sous la critique de l’opposition mais il s’y attendait. Il va sans doute aussi essuyer les tirs des milieux d’affaires.

Mais peu importe, il ne veut pas se retrouver dans six mois ou dans un an au banc des accusés pour avoir laisser mourir des dizaines de milliers de Français, parce qu’il aurait été trop laxiste au profit des milieux d’affaires.

Edouard Philippe n’est pas le seul de la classe politique à être surveillé par les avocats ou par l'opposition politique qui préparent des commissions d’enquêtes. Beaucoup de ministres le sont aussi. Des ministres actuels ou précédents qui auront à répondre de ce qui s’est passé sur les informations arrivées trop tardivement, sur les cafouillages concernant les masques ou les tests, les injonctions contradictoires qui ont sans doute aggravé le caractère anxiogène de la communication des médias et des réseaux sociaux.

Le syndrome du sang contaminé, cette affaire qui a défrayé la chronique entre 1980 et 1990, est dans toutes les têtes de cette génération au pouvoir. Un scandale sanitaire et financier qui a tourné au scandale d’Etat et qui avait conduit plusieurs hauts fonctionnaires et ministres dont le premier d’entre eux, Laurent Fabius, devant la cour pénale.

Cette crainte de poursuite ajoutée à celles qui pourraient être lancées pour entrave au principe de précaution (principe constitutionnel), tout cela pesé dans les débats, peut expliquer en partie l’extrême prudence qui domine les procédures du de confinement.

Maintenant, Edouard Philippe pouvait-il faire autrement face à un virus que personne ne connaît, et dont personne ne sait son évolution, alors qu il n’y a pas de traitement ou de vaccins ? Pouvait-il faire autrement quand le monde entier utilise le même logiciel ? Sans doute... sauf qu’il existe des moyens pour rassurer les chefs d’entreprises piégés par un écosystème qui se retrouve démoli. Ce moyen est sans doute de leur parler et de les associer à l’effort de de confinement plutôt que de les assister comme des enfants de chœur ou de raison.

Le gouvernement et le président de la République surtout donne le sentiment qu’à partir du moment où l’Etat signe des chèques pour subventionner, équilibrer, béquiller le système, ils ont fait le job.  

Parce que tout le monde s’est lâché. Avec les prêts aidés, on arrivera à 500 milliards d’euros, c’est considérable. Mais si on ne prend que les dépenses budgétaires, on arrive déjà à 120 milliards d’euros. C’est énorme certes. Sauf que les gilets jaunes avaient couté eux une petite moitié. Si on ramène la subvention publique au "Kilo de dégâts", on s’aperçoit que les gilets jaunes ont été très très bien payés. Ils ont couté 0,1% de PIB, le Covid 19 va couter 8 points de PIB.

Ceci étant, en priorisant l’objectif santé, en parlant du nécessaire équilibrage du système économique et en considérant qu’en payant et en assistant le système économique, le gouvernement avait fait son devoir.. Dans ce cas-là, il ne faut pas s’étonner que les organisations patronales pleurent et réclament. Et se comportent comme des assistés.

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