De l'espoir de la Révolution à la rude désillusion : quel bilan pour les députés élus en 2017 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Quel bilan tirer de l'action des députés du premier mandat d'Emmanuel Macron et des travaux menés à l'Assemblée nationale ?
Quel bilan tirer de l'action des députés du premier mandat d'Emmanuel Macron et des travaux menés à l'Assemblée nationale ?
©LUDOVIC MARIN / AFP

15eme législature

Les élections législatives des 12 et 19 juin marquent la fin du mandat des députés élus sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Sa victoire en 2017 a permis l'arrivée à l'Assemblée nationale de nombreux députés novices en politique, censés renouveler les pratiques pour « faire de la politique autrement ».

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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 C’était le 21 juin 2017,  jour de rentrée à l’Assemblée Nationale pour  les 577 députés élus les 11 et 18 juin précédents , marquant l’ouverture de la 15e législature de la Cinquième République. La vague LREM venait de balayer le PS, (-dont le nombre d’élus a été divisé par dix !) et, dans une moindre mesure, de porter un coup sévère aux Républicains les Républicains, (passés de 180 à une petite centaine d’élus). La presse n’avait alors d’yeux que pour les 312 députés Marcheurs qui ont, un court instant, fait souffler un vent de fraîcheur sur le vieux Palais Bourbon. Deux tiers d’entre eux, 188 exactement, n’avaient aucune expérience législative. Ils sont arrivés à l’Assemblée nationale la fleur au fusil, avec la conviction chevillée au corps que, sous la bannière d’Emmanuel Macron, ils allaient transformer la France, être à l’avant-garde de ces réformes promises par Emmanuel Macron…Tout semblait facile, comme l’avait été leur élection. Le « Nouveau Monde » était en marche . Ces novices, élus sur la vague, dans la foulée de l’élection présidentielle, n’ont pas eu à passer par les fourches caudines de commissions d’investitures ou d’affronter des votes de militants pour briguer un mandat de député. La République en Marche, Parti naissant, avait demandé à ses sympathisants intéressés par un mandat de député de postuler par Internet . Et c’est un comité très restreint cette fois, composé de politiques aguerris (- notamment un sénateur ex-PS et deux anciens ministres UMP), qui avait sélectionné les candidatures. Dans le groupe des Marcheurs on retrouvait certes quelques briscards, transfuges du PS, voire des Républicains, séduits très tôt par Emmanuel Macron, ainsi que des élus municipaux ou régionaux de gauche et de droite, mais la majorité d’entre eux n’avaient aucune notion législative voire aucune expérience politique, et ignoraient tout de la politique « à l’ancienne » faite de réunions militantes, tractage, et collage d’affiches.  Ils étaient enthousiastes, pétris de bonne volonté et d’illusions, mais souvent ignorant du « terrain », car manquant d’ancrage local. On ne pouvait pas le leur en faire le reproche : c’était la première fois que s’appliquait la règle d’airain du mandat unique, privant les députés d’un mandat de maire, et empêchant un maire de briguer un mandat parlementaire. Issus de ce que l’on appelle communément la société civile, ils connaissaient très mal le monde politique.  Et en cette rentrée 2017, on n’avait d’yeux que pour les  stars de la promotion, tel le mathématicien Cédric Villani, nouvellement élu dans l’Essonne, l’ancien patron du Raid, Jean-Michel Fauvergues, élu en Seine-et-Marne, l’écologiste Matthieu Orphelin, ami de Nicolas Hulot , élu dans le Maine-et-Loire. On faisait également connaissance avec des cadres issus de l’industrie voire de la finance, de quelques chefs d’entreprises, de « start uppers » du numérique venus se jeter dans le bain de la politique, ou encore d’ un infirmier. Pas de femmes dans cette brochette. Mais la plupart de ces élus étaient inconnus… parfois jusque dans leur propre circonscription, et ont eu grande peine à acquérir une notoriété. Localement, ils devaient faire face à l’hostilité de leurs adversaires, élus locaux d’opposition, députés sortants battus, mais implantés dans leur commune ou leur département. De son côté, le parti LREM ne les a pas encouragés à ouvrir des permanences pour recevoir leurs électeurs, ce qui en faisait des élus hors sol…En cette rentrée, la plupart découvrait non seulement les ors et les usages très codifiés du Palais Bourbon, mais aussi leurs nouveaux collègues : le parti des Marcheurs étant une formation naissante, aucune camaraderie n’avait pu se forger à l’occasion de congrès ou conventions, comme il s’en créait à ces occasions dans les Partis politiques de l’ancien monde…

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Pour tenter d’insuffler l’esprit d’équipe et de la cohésion à ce groupe hétéroclite, supposé ne se réclamer d’aucune idéologie autre que le « en même temps » : ni de droite, ni de gauche, et l’initier aux techniques de la fabrication de la loi, les dirigeants macronistes ont eu recours aux méthodes modernes de management d’entreprise éloignées de la formation militante. Les nouveaux députés ont été conviés à des séances de « team building » et autres séminaires ; pour créer du lien, on a mis en place des boucles WhatsApp, et Telegram… Pour quelques bizuths, la vie parlementaire a été une surprise totale. Quelques naïfs se sont épanchés : le train de vie d’un député n’est pas ce qu’ils croyaient… Certains gagnaient mieux leur vie « avant ». Ces plaintes se sont rapidement tues ; les intéressés ont été  priés de les mettre en sourdine, sous les railleries des oppositions contre  ces enfants gâtés, également qualifiés d’amateurs . Cela a fonctionné : les « marcheurs » ont appris la discipline et voté comme un seul homme la suppression de l’impôt sur la fortune, les ordonnances pour réformer le code du travail, ou encore l’alignement progressif du prix du diesel sur celui de l’essence , dont on n’a pas fini de parler… Afin qu’aucune voix ne manque pour le vote du texte en débat, un « whip » ( traduction de fouet en anglais) a été nommé dans chaque commission.

Au bout de quelques mois,  les premiers grincements se sont fait entendre, les premières réticences se sont manifestées, à propos de la  loi Collomb sur l’immigration , notamment de la part de jeunes élus  issus du PS, appelés « la bande de Poitiers », parce que certains étaient originaires de la région. Un premier député a aussi été exclu pour avoir refusé de voter le budget 2018. Si problème il y avait, il était résolu en interne : avant même d’être examinés en commission avec les représentants de tous les groupes, tous les textes importants étaient passés au crible lors de réunions internes ( -à huis clos, bien sûr). Il n’était pas question d’alimenter la controverse en séance, ce rôle était exclusivement réservé à l’opposition. Et puis, contester publiquement réduisait à néant toute chance d’entrer un jour au gouvernement . Au fil des mois, déçus, quelques-uns se sont désintéressés de leur fonction et se sont fait plus rares à l’Assemblée … Pour prévenir une éventuelle fronde, mais aussi pour récompenser quelques députés très impliqués dans un domaine , le gouvernement a multiplié les attributions de « Missions », et  de «  Rapports » sur des problèmes d’actualité. Ces travaux, comme sous les précédentes mandatures, sont stimulants, mais leurs préconisations sont rarement mises en œuvre. Cependant un rapport  permet à un élu d’exister dans son domaine de prédilection, voire de se faire repérer pour un éventuel maroquin… plus tard. Bien vite, cependant, les vieux clivages sont réapparus, les frustrations se sont manifestées et les sensibilités se sont reconstituées : une « aile gauche » revendiquant plus de mesures sociales, s’est formée au sein des Marcheurs, emmenée alors par la future ministre Brigitte Bourguignon. Tous les députés se sont fait l’écho des préoccupations de leurs électeurs qui avaient des problèmes de pouvoir d’achat dès 2018…On ne les a pas écoutés. Et c’est ainsi que le mouvement des Gilets Jaunes a éclaté à la fin de cette année-là. Au bout d’un an, le groupe a enregistré ses premiers départs : chez les « non-inscrits », vers des petits groupes satellites, qui oscillent entre majorité et  opposition : « ils changent de pièce, mais pas d’appartement », expliquaient les chefs pour convaincre qu’ils ne quittaient pas la majorité… Le clivage s’est accentué avec la réforme des retraites, (finalement mis en sommeil en cours de route à cause du COVID, mais aussi au moment des municipales de 2020 . Cédric Villani qui contestait le choix initial de Benjamin Griveaux comme candidat à la mairie de Paris, a défié Emmanuel Macron et s’est présenté en dissident...Il n’est plus membre de LREM et se représente avec l’étiquette NUPES, autrement dit sous la bannière de Jean-Luc Mélenchon. Exclue de LREM pour avoir voté contre la loi bioéthique instaurant la PMA, la députée de l’Oise Agnès Thill , retourne au combat  avec l’investiture de LR et de l’UDI… A la suite de la crise du Covid, une de ses collègues, Martine Wonner, a refusé le port du masque et  milité contre la vaccination, voire proféré des théories complotistes à la tribune…Elle a été exclue de LREM. C’était une erreur de casting manifeste.  Le groupe s’est divisé au moment du débat sur la « proposition de loi relative à la sécurité globale » initiée par Jean-Michel Fauvergues et Alice Thourot , et portée par Gérald Darmanin. Le Ministre de l’Intérieur y avait mis sa patte en faisant ajouter un article interdisant la diffusion des visages de policiers en action… Devant le tollé provoqué par cette initiative, il a dû faire machine arrière…

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 A la fin de la législature, entre démissions et exclusions, et élections partielles perdues, le groupe LREM avait perdu 47 membres, et aussi la majorité absolue. Les textes ont été votés sans problèmes grâce aux alliés du MoDem et du groupe Agir, (-composé d’anciens LR) . Une trentaine de députés LREM, désenchantés, ont annoncé qu’ils ne brigueraient pas de nouveau mandat. Des figures de la campagne d’Emmanuel Macron de 2017, comme Mounir Mahjoubi, ou Pierre Person quittent la politique… Les sortants candidats à leur réélection, n’ont pas tous reçu l’investiture de LREM. On a attendu la réélection d’Emmanuel Macron qui a personnellement supervisé l’opération : investir à nouveau ou écarter des sortants souvent pour faire de la place à une ou un protégé du pouvoir. Certains ont décidé de retourner au combat sans l’investiture de leur parti, convaincus que les électeurs sauront reconnaître leurs mérites. Si tel est le cas, nul doute qu’ils seront à nouveau accueillis les bras ouverts. Le scrutin s’annonce trop serré pour que les dirigeants de la majorité fassent la fine bouche demain… 

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