Crise du pouvoir d’achat : la France s’appauvrit-elle ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Dimitri Pavlenko publie « Combien ça va nous coûter ? Comprendre la crise du pouvoir d’achat » aux éditions Plon.
Dimitri Pavlenko publie « Combien ça va nous coûter ? Comprendre la crise du pouvoir d’achat » aux éditions Plon.
©INA FASSBENDER / AFP

Bonnes feuilles

Dimitri Pavlenko publie « Combien ça va nous coûter ? Comprendre la crise du pouvoir d’achat » aux éditions Plon. Essence, alimentation, énergie, santé, immobilier : le pouvoir d'achat est la préoccupation numéro un des Français, avant même la sécurité. Le retour de l'inflation et la hausse des taux d'intérêts ne fait qu'accroître un peu plus chaque jour cette inquiétude légitime. Désormais, la question n'est plus de savoir comment nous allons nous en sortir, mais de quoi nous allons devoir nous passer. Extrait 2/2.

Dimitri Pavlenko

Dimitri Pavlenko

Journaliste, Dimitri Pavlenko anime la Matinale d'Europe 1. Il est également chroniqueur de l'émission Face à l'Info sur CNEWS. Dimitri Pavlenko est l'auteur de « Combien ça va nous coûter ? Comprendre la crise du pouvoir d’achat », publié aux éditions Plon en septembre 2022. 

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Le thème du déclin est un grand classique en France. Il en était déjà question aux temps « glorieux » des années 1960. En 1976, Alain Peyrefitte, ministre, député, académicien, dépositaire de la pensée du général de Gaulle, rencontra un grand succès de librairie avec son livre Le Mal français, qui situait le début du déclin au… Grand Siècle, le XVIIe ! À partir duquel selon lui la France, jusque-là incomparable en Europe, se serait immobilisée dans le conservatisme et laissée dépasser et surclasser. « Que l’on compare les statistiques sur trois siècles, la France se trouve presque toujours derrière les pays du Nord », se navre Alain Peyrefitte, dont certaines phrases frisent l’autoflagellation : lors du retour à la France de l’Alsace, allemande depuis 1870, « les Alsaciens libérés retrouvaient leur patrie ; les soldats français découvraient le monde moderne ». Le déclin est devenu déclinisme, décliné dans tous les domaines : social, économique, financier, écologique, politique, civilisationnel, sous la plume d’auteurs et d’éditorialistes à succès, généralement conservateurs, comme Michel Onfray, Michel Houellebecq, Jacques Julliard ou Nicolas Baverez, selon qui « pour la France au XXe siècle, on ne peut sérieusement discuter de l’existence d’un déclin, mais seulement de son ampleur ». Nicolas Baverez retient cinq indicateurs du déclin français particulièrement préoccupants à ses yeux : le déclin de la présence française dans le monde, la fuite des cerveaux, le niveau élevé du chômage et du taux d’inactivité, et la résistance collective au changement. D’autres penseurs élargissent le crible à d’autres symptômes observés dans les empires et les puissances passés au crépuscule de leur histoire : l’accroissement démesuré du nombre de fonctionnaires, le ralentissement de la croissance démographique, le déclin des vertus civiques et des valeurs morales traditionnelles, une montée du mysticisme, un ralentissement de l’innovation et une hostilité croissante contre la science. La France coche-t-elle toutes les cases de ce diagnostic de fin de vie ? Heureusement, non. Mais le plus perturbant est qu’il y a moins d’un demi-siècle, le destin qui nous était promis figurait au contraire une courbe ascendante. Voilà ce que l’on pouvait lire, en 1973, en ouverture d’un ouvrage exhumé de l’oubli par l’historien Jean-Charles Asselain, ouvrage au titre rétrospectivement fort regrettable : L’Envol de la France dans les années 1980, écrit par des chercheurs du Hudson Institute, un centre de réflexion conservateur américain : « La France possède aujourd’hui [en 1973] l’économie la plus dynamique d’Europe […]. Elle peut espérer être, d’ici dix ans, l’économie européenne la plus puissante en termes de production totale […]. En 1990, les Français auront dépassé la Suède en richesse et jouiront du niveau de vie le plus élevé d’Europe. ». Près de cinquante ans plus tard, l’écart entre ces prévisions enthousiasmantes et les performances économiques avérées du pays semble cruel. Non seulement un Suédois est encore 20 % plus riche qu’un Français, en moyenne, mais l’impression domine que nous nous sommes appauvris.

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La France s’enrichit moins vite

À considérer son PIB, c’est-à-dire le rythme annuel de création de richesse, la France était au deuxième rang mondial en 1963. En 1997, nous passons cinquièmes. En 2005, la Chine nous passe devant : sixièmes. En 2017, nous glissons à la septième place, poussés vers l’arrière par une Inde en pleine ascension et distancés par le Royaume-Uni, avec qui nous étions au coude-àcoude depuis des décennies. La Chine est aujourd’hui deuxième, sur les talons des États-Unis, qu’elle est destinée à doubler avant la fin de la décennie. Le Japon et l’Allemagne sont toujours troisième et quatrième. Tous ces chiffres sont ceux du FMI, qui font autorité. Dans l’intervalle courant de 1963 à 2019, la France est passée d’une création annuelle de 557 milliards à plus de 2 300 milliards d’euros de richesse. Mais notre part du PIB mondial a reculé de 4,5 % à 3,1 %.

Le PIB d’un pays révèle sa puissance économique collective. Le PIB par habitant traduit, lui, la richesse personnelle moyenne des individus. Et en la matière, nous reculons également relativement aux autres. En fonction des classements internationaux (FMI, Banque mondiale et même CIA World Factbook, une publication annuelle de l’agence américaine de renseignement détaillant chaque pays du monde), la France se classait 12e en 1980, derrière quatre pays pétroliers du Golfe et sept pays européens. Elle devançait le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne et les États-Unis. Aujourd’hui, tous nous ont dépassés, et nous nous situons aux environs du 25e rang mondial, avec un PIB de 41 811 dollars par habitant. Le classement paraît peu reluisant. Mais nous sommes encore très loin de la misère. Le PIB d’un Français est sans commune mesure avec celui d’un Indien (2 099 dollars), d’un Chinois (10 243 dollars) et même d’un Saoudien (23 266 dollars).

On peut encore affiner à l’aide d’un dernier indicateur de richesse, le PIB par habitant « à parité du pouvoir d’achat » (PPA). C’est même le seul critère pour établir des comparaisons internationales pertinentes. La richesse brute d’un pays divisée par le nombre de ses habitants présente déjà le gros défaut de ne pas restituer les inégalités de revenus. Mais elle ne tient pas compte non plus des prix. Cet écueil est corrigé grâce au PIB par habitant à PPA. L’une des initiatives les plus connues de vulgarisation de la notion de PIB par habitant à parité de pouvoir d’achat demeure le fameux « indice Big Mac », inventé en 1986 par la revue américaine The Economist. Combien coûte le célèbre sandwich dans chacun des pays de la planète où McDonald’s est présent ? Au 31 janvier 2021, il fallait débourser 5,66 dollars aux États-Unis contre 4,30 euros en France et 6,50 francs en Suisse. Une fois le taux de change appliqué, le Big Mac est 9 % moins cher à Paris qu’à New York, mais 30 % plus coûteux à Lausanne qu’à Washington.

À parité de pouvoir d’achat donc, le classement mondial n’est tout de suite plus le même : en PIB par habitant simple, le Japon, la Norvège et la Suisse devancent largement les États-Unis, mais ils se retrouvent tous les trois derrière les Américains une fois pris en compte l’indice des prix. Les Chinois remontent nettement au classement avec un PIB à PPA de 19 090 dollars, presque le double du PIB par habitant simple. La France, puisque c’est elle qui nous intéresse, est malheureusement encore plus mal classée ! Elle est à la 30e place mondiale, avec 44 000 dollars par habitant à PPA. La vie coûte donc plus cher en France que dans d’autres pays à niveau de développement équivalent. À regarder de plus près le classement mondial des pays à parité de pouvoir d’achat, on constate cependant que les dix premières places sont occupées par des puissances gazières et pétrolières ou des pays, dirons-nous, fiscalement offensifs. Premier, le Qatar (125 000 dollars), suivi dans l’ordre par Macao, le Luxembourg, Singapour, Brunei, l’Irlande, la Norvège, le Koweït, les Émirats arabes unis, et la Suisse. Les États-Unis sont 13e et l’Allemagne 19e. De quoi relativiser la médiocrité de notre pouvoir d’achat, qui reste près de 8 % supérieur à la moyenne de l’Union européenne, 16 % plus élevé que celui de l’Italie, et plus du double de celui d’un Chinois. Néanmoins, la tendance ne nous est pas favorable. Les prévisions du FMI au printemps 2021 révélaient que d’ici à 2025, par rapport à 2005, l’écart de richesse entre un Allemand et un Français moyens aura crû de dix points. De 1990 à 2019, le PIB par habitant (PPA) a progressé de presque 30 % en France, mais de presque 50 % en Allemagne et de 55 % aux États-Unis.

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Extrait du livre de Dimitri Pavlenko, « Combien ça va nous coûter ? Comprendre la crise du pouvoir d’achat », publié aux éditions Plon

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