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Coronavirus : le coût humain des mauvais choix publics français
©BERTRAND GUAY / POOL / AFP

Lourd bilan

H16 revient sur la gestion de la crise du coronavirus par le gouvernement et sur l'impact des mesures déployées.

Hash H16

Hash H16

H16 tient le blog Hashtable.

Il tient à son anonymat. Tout juste sait-on, qu'à 37 ans, cet informaticien à l'humour acerbe habite en Belgique et travaille pour "une grosse boutique qui produit, gère et manipule beaucoup, beaucoup de documents".

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Il aura fallu 58 jours après les premiers cas de Covid-19 en France pour qu’Olivier Véran, apparemment ministre de la Santé, déclare « Nous étions un pays qui n’était pas préparé à une crise sanitaire du point de vue des masques et des équipements de protection en raison de décisions prises il y a neuf ans ». Deux jours plus tard, Sibeth Ndiaye, égale à elle-même, affirmera cependant avec aplomb « On ne peut pas dire qu’il y a eu un défaut d’anticipation de cette crise, bien au contraire ».

Nous avons à présent dépassé les 80 jours d’épidémie sur le territoire français et les mêmes prodiges sont maintenant durs à la tâche sur une éventuelle sortie de confinement, pendant qu’Emmanuel Macron, soignant avant tout sa communication, va rendre visite au Professeur Raoult. Devant ces prouesses d’organisation de nos dirigeants, difficile de se départir de l’image d’un poulet sans tête courant en tous sens.

Cependant, ce gouvernement pouvait-il mieux faire ?

Épluchons les faits et revenons en 2003, l’année où le Pr. Raoult est justement commissionné pour pondre un rapport (qu’on pourra lire ici) qui prévoit l’apparition de virus mutants respiratoires (ce qu’est le SARS-CoV-2), que sa diffusion se fera par l’avion, et qu’en conséquence, il faut organiser isolements et quarantaines aux aéroports. Raoult recommande bien sûr de développer l’usage des masques, d’équiper les aéroports (d’infirmeries), de développer la capacité des laboratoires pour les tests… Exactement ce qui a fait défaut en France, au contraire de l’Allemagne ou des pays asiatiques, dont la mortalité est bien plus basse que la France, l’Italie et l’Espagne.

En 2007, les USA publient un guide complet d’action en cas de pandémie – remis à jour en 2017, ici – qui contient tous les éléments de ce que n’ont justement pas fait les États déficients d’aujourd’hui : tests précoces, quarantaines des malades, traçabilité des contaminations, confinements partiels et volontaires, généralisation du port du masque, contrôles aux aéroports etc…

C’est d’ailleurs dans ce guide qu’apparaît pour la première fois l’illustration reprises sous différentes formes par beaucoup de nos médias depuis, sur la nécessité d’écraser la courbe épidémique :

Le premier mars de cette année, la veille même du jour où Sibeth Ndiaye explique qu’il n’y a pas d’épidémie en France, le Pr. Raoult publie un article expliquant par le détail comment, en l’absence de vaccin, une organisation rationnelle permet de minimiser la pandémie et la garder en dessous du niveau de saturation de l’accueil par les hôpitaux.

Il y décrit six grands principes pour une intervention correcte permettant de contrôler l’épidémie  :

  • préserver le système de santé,
  • informer sur les traitements existants pour éviter les sur-médications,
  • mettre en quarantaine les cas de symptômes légers,
  • éviter les antagonismes entre pays, la communauté médicale devant fonctionner de façon globale
  • accélérer les recherches de traitement, parmi lesquelles il recommande le sien,
  • contrôler la panique et éviter les mesures de exagérées qui accroissent la frustration de la population, maltraitent l économie et donnent un faux sentiment de sécurité.

Il apparaît donc, au vu de ces éléments que le gouvernement français, comme les autres gouvernements et l’OMS étaient tous bel et bien avertis. Par préférence politique, incurie, incompétence et peut-être aussi, une bonne part de cynisme, le gouvernement français a donc choisi de ne pas se préparer, de ne pas se référer aux meilleurs spécialistes mondiaux et ont choisi de minimiser l’épidémie.

Ainsi et par exemple, dans les aéroports français, il n’y a jamais eu et il n’y a toujours pas de scanners de température, de questionnaires obligatoires, de visite médicale pour les suspects et de mise en quarantaine des sujets suspects, sans même parler de tests, alors que ceci est routinier dans d’autres pays.

Tous les épidémiologistes savent, et les gouvernements devraient le savoir aussi, qu’on contrôle une épidémie en testant très tôt de façon généralisée et en appliquant des mesures de distanciation sociale et de quarantaine ciblées ne confinant que les gens testés positivement et ceux qui ont été à leur contact. Des plans précis existent à ce sujet depuis 2007 ; dès le 19 février et sur tous les médias possible, l’OMS rappelait encore que « plus les patients sont dépistés et traités tôt, mieux ils s’en sortent ».

Plus les tests sont généralisés, moins on aura besoin de confinement généralisé et de paralyser l’économie. Ceci suppose de pouvoir enquêter avec diligence, et signifie aussi aussi annuler tous les grands rassemblements – au hasard, des choses comme des matchs de foot ou des élections.

On pourra d’ailleurs tester l’impact des mesures de distanciation sur un petit simulateur en ligne qui reprend les éléments des rapports américains de 2005 et 2017 ; si ce site web présente un cas théorique et didactique et n’est bien sûr pas calibré pour représenter le cas réel de ce qui se passe en France en ce moment, le scénario de base montre cependant bien comment approcher au plus près le cas idéal. On obtient ceci (cliquez sur l’image pour agrandir) :

Dans ce scénario, on active des mesures de distanciation sociale généralisées dès le 30ème jour de l’épidémie (tests généralisés et contrôles systématiques aux aéroports pour des quarantaines ciblées et systématiques, exactement comme ont fait la Corée du Sud, nombre de pays asiatiques, et l’Allemagne). En modifiant les paramètres, on verra que si les mesures sont prises 15 jours trop tard ou plus, la différence avec une épidémie incontrôlée devient faible (cliquez pour agrandir) :

La France, à l’inverse de tout ce qui est pourtant recommandé, a cependant choisi pendant ce mois crucial la temporisation, l’improvisation, la communication et la politique politicienne : Véran ne déclarera le stade 1 de l’épidémie qu’à son 31ème jour, et son stade 2 au 34ème jour, alors même que la porte-parlote soutenait le 39ème jour qu’il n’y avait « pas d’épidémie » en France. Pire encore : le président lui-même recommandait d’aller au théâtre le 43ème jour de l’épidémie, et (pompon !) le gouvernement a maintenu des élections le 52ème jour… En lieu et place de distanciations sociales dès le 30ème jour.

Ce ne sera qu’au 55ème jour que le gouvernement se résoudra à un confinement généralisé dans la panique et la désorganisation complète, poussant la France au milieu du pire scénario possible, quasiment celui contre lequel le Pr. Raoult met en garde 21 jours auparavant.

Parallèlement, on notera que l’Allemagne a suivi les consignes générales des épidémiologistes, en s’organisant pour des tests généralisés dès janvier. Elle enregistre son premier cas de Covid-19 juste 3 jours après le premier cas français, et, au 10 avril, n’a pas un système hospitalier aussi dégradé qu’en France : avec un peu moins de contaminés que la France (1466 par million, contre 1913), il semble au vu des chiffres que son pic épidémique soit passé, avec 33 morts par million d’habitants (contre 202 en en France, soit 6 fois plus).

Ce différentiel de traitement, cette légèreté française dans la prise en compte de l’épidémie, cette incompétence de nos dirigeants, leur communication consternante et leur désorganisation lamentable a un coût terrible. Outre des hôpitaux en saturation de capacité, la comparaison de l’évolution des épidémies entre les deux pays permet d’estimer avec une bonne appréciation le nombre de victimes que l’incurie gouvernementale a provoqué (cliquez sur l’image pour l’agrandir, toutes les données sont arrêtées au 10.04) :

Si le gouvernement français avait agi dès le départ, en se calquant sur nos voisins allemands, il est très raisonnable de penser que la France n’aurait au 10 avril qu’entre 2000 et 3000 décès, au lieu de plus de 13000 et qu’on ne constaterait pas 169 morts par millions d’habitant de surmortalité par rapport à l’Allemagne, soit (169 x 65 millions de Français) 11.000 morts.

11.000 morts.

Pour retrouver l'analyse de Charles Reviens, publiée sur Atlantico, sur le match des résultats des pouvoirs publics entre la France et l'Allemagne, cliquez ICI

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