Coronavirus : ce que l’on sait sur l’efficacité du port du masque… et ce que l’on ne sait pas<!-- --> | Atlantico.fr
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masques protection coronavirus covid-19 santé mesures barrières
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©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Barrière contre le virus

Le masque n’est qu’un des outils de protection personnelle contre la transmission du virus de la Covid-19 et de nombreuses innovations sont en cours de développement. Pourtant il cristallise à lui seul beaucoup de critiques car c’est avant tout une décision visible. Pour le coup il n’est pas possible d’être en même temps pour et contre le masque.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Les anti-masques dénoncent une incroyable dérive autoritaire.

Le port d’un masque en pleine pandémie permet une réduction des émissions par le porteur. En effet le SARS-CoV-2 est très contagieux, plus morbide et plus mortel que la grippe. Chez l’adulte il se transmet principalement par l’air dans des vecteurs associant eau, protéines et particules virales dont le diamètre va de la gouttelette à un aérosol. Après huit mois de pandémie ces données sont solidement établies. Le premier argument est de les mettre en doute. C’est un véritable déni alimenté par des contrevérités comme l’invocation de la taille des particules virales. Chacun a en tête le fait que nous expirons des microgouttelettes qui par température négative se figent devenant parfaitement visibles. Les virus sont à l'intérieur de ces goutteletets pas isolés dans l’air. De même il est établi que les masques ne diminuent pas l’oxygène dans le sang pas plus qu’ils n’augmentent le CO2. Au contraire le masque tend à augmenter la capacité des muscles respiratoires comme la course à pied augmente la capacité des muscles des membres inférieurs. Une revue de la litérature scientifique sur le port du masque dans une pandémie laisse peu de doute sur la capacité du port du masque à casser la transmission. Mais au lieu de ferrailler de manière rhétorique sur des données non vérifiables il est utile de porter au débat les données récentes sur la pandémie (Figure N°1). L’association entre la décision de rendre obligatoire le port du masque à New York et la décrue de l’épidémie est incontestable. La comparaison avec la cinétique de l’épidémie dans l’ensemble des USA où le port du masque n’est pas obligatoire et ce dans le même intervalle temporel pose question. On sait combien ces corrélations et ces comparaisons sont difficiles à interpréter en terme de causalité. Mais en l’occurence il n’est pas envisageable de faire une expérience avec un état, ou un comté où le port du masque serait obligatoire et un autre non le choix étant fait au hasard. Il faut donc tenir compte de ces données publiées dans un journal de très grande valeur.

Figure N°1: Dans un article de la revue de l’Académie Nationale des Sciences des États Unis, une comparaison a été faite entre l’application des mesures de protection personnelle à New York et ce qui s’est passé dans l’ensemble des États Unis. Le port obligatoire du masque à New York dans toute la ville est associé à une décrue du nombre de nouveaux cas par jour. C’est une association et il faut être prudent avant de lier causalement les deux évènements mais l'expérience des pays asiatiques va dans le même sens. En revanche le port du masque n’a pas été rendu obligatorie dans l’ensemble du pays et la circulation du virus s’est maintenue. C’est pourquoi alors que Paris, Marseille et Lyon et d’autres grandes villes sont des foyers reconnus le port du masque en extérieur se défend en environnement urbain dense.

Intérieur et extérieur: un risque très différent

Une fois purgé ces contrevérités les anti-masques invoquent la liberté et la tentation autoritaire des Maires, une course à l’élu le plus directif. Ils n’ont pas tort de soulever cette question. Les autorités ont tellement semé de confusion pendant la pénurie. En réalité si le port d’un masque diminue le risque à l’intérieur il le fait aussi à l'extérieur. Ce qui diffère c’est la magnitude du risque qui est très important dans tous les espaces clos ou semi-clos et bien moindre à l’extérieur. Un travail scientifique a récemment quantifié la différence. La probabilité qu'un individu porteur du virus transmette la maladie dans un environnement fermé est dans cette étude 18,7 fois plus élevée qu'en plein air. Ce qui signifie que la transmission à l'extérieur n’est pas nulle. Mais en vie réelle cette différence dépend de tant de facteurs qu’il est difficile de mettre sur le même pied: un environnement sauvage, un parc peu fréquenté, une plage, une rue bondée dans un centre ville ou un match de rugby.

L’utilité d’une décision fondée c’est son application

Prendre une décision c’est surtout la faire appliquer. À l’évidence nous sommes en retard sur les mesures de protection personnelle. À l’évidence nous avons depuis longtemps, mais cela empire, une incapacité à faire régner l’ordre et à faire appliquer les lois. Les Français s’en aperçoivent dans leur quotidien. Alors cette attitude jusqu'au boutiste des maires est elle rationnelle? Plutôt que de sombrer dans le lamentable combat binaire des pour et des contre il faut reconnaître qu’elle n’est fondée que quand la densité rend l’éloignement interpersonnel impossible à respecter. Le ferment de révolte est surtout alimenté par ce sentiment qu’ils en font trop. Les récents évènements de dégradation, vols, pillages, agressions des policiers, gendarmes et pompiers et crimes contre des Français et Françaises innocents dans de nombreuses villes du pays le confirment: avant de vouloir en faire plus il faut être sur que l’essentiel est bien respecté, que les fondamentaux sont acquis et sur ce point les autorités sont prises à contrepied. L’essentiel ce sont les espaces clos, tous les espaces clos. Et à l’approche de la rentrée cet objectif est loin d’être atteint. Comme il n’est pas atteint dans les centres commerciaux où des millions de personnes se croisent. Les lieux de contamination les plus fréquemment retrouvés dans les études sont: les appartements et maisons individuelles (essentiellement quand un des membres est positif et ne le sait pas, ne peut pas ou ne veut pas s’isoler), les hôpitaux, les EHPA, les administrations et les abattoirs ou d’autres ateliers de fabrication alimentaire. Sommes nous sûr que tous ces endroits sonts sécurisés? Non car il n’y a aucune statistique sur les lieux, administrations et entreprises covid-adaptées. Nous vivons donc un paradoxe, le port du masque à l'extérieur est justifié quand l’éloignement est impossible à respecter ce qui est le cas dans certaines circonstances urbaines mais pas toutes. Cette zone grise où le risque augmente au fur et à mesure où nous nous rapprochons les uns des autres à cause de la densité est difficile à délimiter car elle est variable. Cette zone grise est celle où le port du masque protège à l’extérieur. Dans ce contexte un autre élément doit être pris en compte, celui de la protection dans l’environnement urbain des immuno-fragiles. Le masque que porte 99% des gens n’est pas étanche, l’air inspiré par un immuno-fragile n’est donc pas filtré jusqu’à le protéger efficacement si à côté de lui se trouve un porteur asymptomatique émettant beaucoup de virus. C’est le cas au marché, dans une rue de brocante ou dans d’autres circonstances difficilement anticipables. Pour ces personnes le port synallagmatique du masque en environnement urbain dense est une véritable sécurité.

Le bandeau sur les yeux que les anti-masques maintiennent à deux mains.

“Le risque zéro n’existe pas”, “le port du masque peut conduire à être plus imprudent”, “le masque est un signe de peur” et d’autres slogans ne sont que le bandeau sur les yeux des négationnistes de la pandémie et ce depuis son début. Des experts en plateau TV, des psychologues de circonstance, des oracles annonçant tout et son contraire afin de toujours avoir raison, ne tarissent pas de critique systématique en refusant de voir les dégats. La réalité est tout autre, la mortalité de la Covid-19 en France est importante et nous en connaissons les causes. Il existe toujours de grandes incertitudes sur de nombreux aspects de la biologie de ce virus, ceci devrait être répété avant toute discussion. En conséquence il faut regarder cette réalité sans voile, sans bandeau, les illusions du mois de Février et Mars ont couté trop cher. Nous devons tout faire pour éviter la transmission et reprendre nos activités économiques. Il faut sortir de cette pandémie, dans plusieurs mois, avec un prix humain et économique supportable. Ce n’est pas le masque qui empêche de produire, de travailler ou de vivre. C’est le contraire, la sécurité sanitaire est le meilleur atout d’un retour de la confiance et de la croissance. Alors le masque en extérieur dans tous les espaces urbains denses va se généraliser. Au lieu de l’égalitarisme, il faudra promouvoir la différence, tous les environnements urbains ne sont pas égaux et tempérer les ardeurs des maires de petites villes pour qu’ils ne jouent pas à la grenouille. De leur côté les maires des grandes villes devront démontrer qu’il ne s’agit pas d’un raidissement autoritaire mais d’une mesure de bon sens qui est appliquée. Jusqu’à présent ils ne l’ont pas expliquée et continuent à être plutôt absents des émissions d’information. Les Français seront eux  attentifs à l’application d’un principe cardinal: la loi s’applique à tous.

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