COP 28 : La Chine est-elle partie pour sauver la planète ou pour la détruire ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président de la COP28, Sultan Ahmed Al Jaber, préside l'ouverture de la conférence organisée à Dubaï
Le président de la COP28, Sultan Ahmed Al Jaber, préside l'ouverture de la conférence organisée à Dubaï
©Giuseppe CACACE / AFP

Défi

La bonne nouvelle est que la Chine pourrait avoir atteint son pic d’émissions carbone dès 2024. La moins bonne, que les efforts à consentir pour atteindre sa neutralité carbone soient si colossaux que Pékin y renonce

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : La Chine émet plus d'un quart des gaz à effet de serre mondiaux chaque année. C'est trois fois plus que les Etats-Unis. La Chine fait-elle les efforts nécessaires pour atteindre sa neutralité carbone ? Respecte-t-elle les engagements pris dans le cadre des différentes COP pour lutter contre le réchauffement climatique?

Emmanuel Lincot : La Chine est à la fois archaïque et novatrice. Archaïque parce que 60 % de son énergie est obtenue grâce à l’exploitation de son charbon. Novatrice parce qu’elle a désormais le monopole de la fabrication des panneaux photovoltaïques et de l’éolien et qu’elle s’achemine à grands pas vers les conditions qui permettront l’accès à une économie verte. Ses investissements dans le domaine du nucléaire civil vont également dans ce sens. Cependant, les échéances qu’elle s’était données, ne pourrons pas être respectées, tout simplement parce que la conjoncture ne lui permet pas. Pour changer de paradigme économique, il faut de l’argent. Or, la Chine traverse une crise économique économique grave avec 20 % de jeunes chômeurs dans ses villes et un ralentissement général de l’activité. Elle consommera donc encore très longtemps des énergies fossiles. Et ce, en important massivement pour les décennies à venir des hydrocarbures en provenance du Moyen-Orient, de l’Asie centrale et de l’Afrique.

Le modèle économique de la Chine étant basé sur une industrie très forte pour pouvoir exporter massivement, peut-elle changer de modèle ? 

Son modèle industriel a considérablement évolué. L’erreur pour les Occidentaux serait d’imaginer une industrie obsolète avec des complexes sidérurgiques surpolluants et d’un autre âge. Dans la réalité, la Chine est en train de digitaliser son économie beaucoup plus rapidement que ne le fait l’Occident. Il suffit de se rendre dans la région de la rivière des Perles autrement appelée, Greater Bay Area, pour voir comment fonctionne une économie performante et hyper-connectée. Pour le meilleur, parce que cette région fonctionne comme un incubateur de projets les plus divers dans le cadre d’une économie zéro carbone. Pour le pire, car sous couvert d’efficience, le pouvoir contrôle un total de 90 millions de personnes que constitue la région. C’est toutefois un hub des plus performants dont l’activité économique crée une dynamique qui va bien au-delà de la région et pourrait à terme associer les périphéries que constituent Taïwan et Singapour.

Il y a 10 ans, la Chine prenait conscience que son modèle d'industrialisation massive posait problème. Plusieurs enquêtes ont révélé que 16% des terres et 80% des eaux souterraines peu profondes étaient polluées. Le gouvernement chinois avait alors développé le concept de "civilisation écologique" et mis en place un cadre institutionnel et législatif de protection environnementale. Le dispositif porte-t-il ses fruits ? 

La situation est très critique. En effet, non seulement la plupart des nappes phréatiques sont polluées mais la Surface Agricole Utile - pour des raisons liées à  l’extraordinaire urbanisation du pays - a drastiquement diminué. On est passé en quelques décennies de 11 % de la SAU à 8 %. La conséquence est évidemment, pour la Chine, une très grande vulnérabilité sur le plan alimentaire. Elle dépend en grande partie des marchés extérieurs pour s’approvisionner. Que les dirigeants en soient conscients est une bonne chose en soi. Mais les mesures prises sont souvent tardives et inopérantes. Je pense tout particulièrement à la fameuse ceinture verte, censée reboiser le nord-ouest du pays pour juguler la progression inexorable du désert de Gobi. Cetre décision n’a engendré dans les faits que très peu de résultats.

Investissements et innovations en énergies propres peuvent-ils permettre à la Chine de retrouver une croissance forte ? 

L’État, généralement, y pourvoit. Mais cela ne suffit pas. Si la Chine a connu une telle croissance en 40 ans, elle le doit essentiellement à des investisseurs étrangers. Or, la confiance n’est plus au rendez-vous depuis au moins la pandémie. L’image désastreuse de la Chine durant cette crise de grande ampleur a laissé des traces durables et la gouvernance de Xi Jinping n’est pas faite pour rassurer. Les pressions américaines et les sanctions qui s’ensuivent sont telles par ailleurs que toute l’économie chinoise en est impactée. Pékin suit évidemment à la loupe l’élection présidentielle américaine qui est en train de se préparer. Toutefois, on peut considérer que quel que soit le candidat élu, ces mesures, très dures à l’encontre de la Chine, ne changeront pas. 

Existe-il un risque que Pékin y renonce ? 

Si les tensions avec les Etats-Unis s’aggravent, oui. A contrario, ces tensions sont aussi un accélérateur d’innovations. Et la puissance la plus innovante sera celle qui finira par imposer ses normes. C’est en fait le sujet de préoccupation le plus fondamental à la fois pour la Chine et pour les États-Unis. L’avenir de la planète est en réalité bien secondaire. J’en veux pour preuve que Joe Biden et Xi Jinping brillaient à la Cop 28 par leur absence.

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