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Conflit LVMH -Tiffany : Bernard Arnault piégé ou particulièrement habile
©ERIC PIERMONT / AFP

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Sur fond de guerre commerciale et en vertu « d’intérêts nationaux », le gouvernement français demande au géant du luxe de différer son projet d’investissement. Pour Bernard Arnault, c’est un piège ou alors une opportunité d’améliorer le deal

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Quand en novembre dernier, le leader mondial du luxe, le français LVMH, annonçait la plus grosse opération de son histoire en rachetant l’américain Tiffany, le joaillier historique de la 5ème avenue, toute la communauté mondiale du luxe a applaudi cette opération. Un deal à 16 milliards de dollars qui permettait à Bernard Arnault de sinstaller au cœur de New York dans la plus prestigieuse des entreprises américaines. 

Sauf que l’opération, qui aurait dû se clore le 24 août, a pris du retard à cause du coronavirus et de la paralysie des transports aériens. Les négociateurs n’ont pas pu se voir autant qu’il aurait fallu et la Commission européenne tarde à donner son aval, attendu pour octobre. La date de transaction avait donc été repoussée de 3 mois, au 24 novembre.

Mais dans la semaine, gros retournement. Mercredi exactement, LVMH déclarait dans un communiqué qu'il ne pouvait pas conclure l'accord de rachat de Tiffany « en l'état », mettant en cause une demande du gouvernement français de repousser l’acquisition de Tiffany, en raison de l’incertitude vis-à-vis de l’application de nouveaux droits de douane américains sur des produits français (il existe des taxes sur les cosmétiques et le vin mais qui font l’objet d’une suspension jusqu’à début 2021). 

Cette demande du gouvernement s’est faite à travers une lettre, envoyée par le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, au conseil d’administration de LVMH. 

C’est donc une affaire plus diplomatique qu’économique, mais qui porte sur un désaccord louvoyant entre la France et les États-Unis depuis plus d’un an déjà, et qui concerne l’application de la fameuse taxe GAFA, c’est à dire une taxe française sur les entreprises du numérique (touchant entre autres Google, Facebook etc…), en attendant qu’une taxe soit négociée au niveau mondial. 

En riposte, Trump menace lui de taxer des produits français exportés aux États-Unis, principalement des biens de luxe. Une bataille entre les deux pays sur des enjeux économiques de poids :  la technologie digitale américaine contre le luxe français.

Cela dit, la vraie question est de savoir pourquoi Bernard Arnault serait rentré dans ce jeu politique, lui qui s’entend plutôt bien avec Donald Trump, et qui de façon très pragmatique, a réussi à ce que le champagne, soit exclu des sanctions. Le champagne un segment du marché où LVMH est leader, avec des marques phares connues dans le monde entier.  Et pourquoi LVMH s’appuierait sur cette lettre du ministre pour abandonner le rachat de Tiffany ou du moins obtenir une modification des modalités, alors que rien, dans le droit français, n’obligerait l’entreprise à répondre aux désirs d’un ministre français. 

Les observateurs y voient deux séries dexplications

Soit la lettre de Le Drian n’est qu’une coïncidence au moment où le groupe décide de reprendre le dossier et essaie de gagner du temps pour obtenir une révision du prix. Parce que Tiffany l’intéresse toujours, forcément, compte tenu de l’enjeu que représente le marché américain de la joaillerie. Mais il trouve que, du fait du coronavirus, de la baisse de la demande pour les biens de luxe et de la gestion de crise de l’entreprise jusqu’alors, le prix fixé l’an dernier (16 milliards de dollars), est sans doute trop cher. L’entreprise, comme toutes les entreprises qui vivent avec une clientèle étrangère a forcément perdu de la valeur. Bernard Arnault fait là le pari d’un négociateur qui a la réputation d’être plutôt habile. 

2ème explication, LVMH peut aussi être rentré dans le jeu du gouvernement et abandonnerait ainsi, temporairement ou non, l’opération pour défendre la position française face aux Américains. Il considère à ce moment-là que les menaces pesant sur le luxe sont sérieuses et finiront par le toucher sérieusement. Il espère que, lors des négociations diplomatiques, le rachat de Tiffany jouera dans la balance pour éviter une nouvelle salve de droits de douane sur ses produits. 

Sans compter sur l’élection présidentielle qui arrive à grand pas et qui peut rebattre toute les cartes, ce qui pourrait aider à désamorcer le débat. Si Joe Biden arrive au pouvoir, les choses devraient tourner en faveur d’une taxation des géants du numérique et servir, à terme, les intérêts français.

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