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Condamnation d'un conseiller en gestion de patrimoine : l'affaire Natixis peut-elle faire jurisprudence ?
©Reuters

Banque (im)populaire

Le groupe BPCE (ex-Banque Populaire) vient d'être condamné à l'indemnisation d'un de ses clients mal conseillé en 2006 lors de l'introduction en Bourse de la banque Natixis appartenant au même groupe.

Bernard Grelon

Bernard Grelon

Bernard Grelon est cofondateur de UGGC Avocats et est depuis juillet 2014 fondateur et associé gérant de Libra-Avocats. Agrégé de faculté de droit et professeur honoraire à l’Université Paris IX-Dauphine, il est également membre du conseil d’administration de l’Union internationale des avocats (UIA) en qualité de directeur des thèmes des congrès, membre de la Commission juridique de l’Institut français des administrateurs (IFA) et ancien rédacteur en chef du Juriste International. 

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Atlantico : Le groupe BPCE (ex Banque Populaire) vient d'être condamné à l'indemnisation d'un de ses clients mal conseillé en 2006 lors de l'introduction en Bourse de la Banque Natixis. Si cette décision est d'une sévérité sans précédent en la matière, peut-on imaginer qu'elle déclenche une petite révolution dans le monde du droit bancaire ?

Bernard Grelon : Il est difficile de se prononcer tant que l’on n’aura pas interprété l’intégralité de l’arrêt en question ; la prudence reste donc de mise dans l’analyse des conséquences d’une telle affaire. S’il est vrai que les affaires de conflits d’intérêts n’ont pas donné lieu à une jurisprudence abondante, ce n’est certainement pas la première fois que l’on s’intéresse aux questions de transparence et de confiance quant aux pratiques bancaires. Les banques se doivent ainsi déjà de justifier un certain nombre de relations qu’elles peuvent entretenir, tant au niveau des particuliers que des entreprises.

On peut donc difficilement imaginer, à mon avis, une jurisprudence "révolutionnaire" en la matière. Cela est d’autant plus vrai lorsque l’on sait que cette affaire a démarré au lendemain de la crise de 2008, ce qui laisse penser que le conseil donné par la BPCE en 2006 n’est pas forcément aussi critiquable que ce que l’on pourrait penser à première vue. Cette décision n’annonce donc pas de profonds changements, mais il est évident qu’elle s’inscrit dans une tendance où les affaires de conflits d’intérêt sont à l’ordre du jour. Il n’est donc pas étonnant que les tribunaux en tiennent compte. 

Me Lecoq-Vallon, avocat du plaignant dans cette affaire, évoque une claire possibilité de jurisprudence. Qu’en est-il d’après vous ? 

Certains confrères sont parfois tentés de mettre la charrue avant les bœufs. Tout d’abord, pour que cette décision fasse éventuellement jurisprudence, il est nécessaire qu’elle soit maintenue par un arrêt de principe émanant de la Cour de Cassation. Or, il me semble que cette affaire devrait, en toute logique, être suivie d’un pourvoi.

Il m’apparaît ensuite peu probable que ce cas débouche réellement sur une généralisation des plaintes. Il s’agit certainement ici d’une décision d’espèce (inverse d’une décision de principe, Ndlr) reposant sur le reproche de ne pas avoir donné aux clients une information complète des intérêts et des motivations de la BPCE par rapport à Natixis. Je ne suis donc pas sûr que cela remette pour autant en cause le fait que plusieurs structures placent régulièrement des "produits maisons" dans le circuit. La décision pourra éventuellement, à l’avenir, avoir une portée importante, mais il est impossible de dire en l’état si elle fera oui ou non jurisprudence. Il ne s’agit, encore une fois, que d’un arrêt isolé d’une Cour d’Appel pour l’instant. Il apparaît toutefois que cet arrêt devrait être étudié de très près par la Cour de Cassation puisqu’il représente en soi un cas assez rare. 

En quoi cette nouvelle donne peut-elle modifier la pratique du conseil bancaire à l’avenir ?

Les établissements bancaires se sont parfois abrités derrière l’idée qu’il existait au sein de leurs différentes entités des "murailles de Chine" qui les mettaient à l’abri de potentiels conflits d’intérêts. Les dirigeants se rendent bien compte néanmoins que cette protection faite de règles internes (notamment la séparation des clients) qu’ils croyaient avoir mis en place ne suffit plus. Les volontés de transparence font et feront désormais bouger les lignes en la matière, en incitant notamment les banques à déclarer leurs liens et à justifier leurs produits ainsi, bien sûr, que leurs investissements. Je reste sceptique quant à l’efficacité de cette mouvance, mais il est clair qu’elle sera amenée à se développer à l’avenir.

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