Comment les juifs ultra-orthodoxes se sont retranchés au cœur de Paris<!-- --> | Atlantico.fr
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Les quartiers juifs ultra-orthodoxes actuels de Paris ne sont pas les quartiers juifs historiques de la capitale.
Les quartiers juifs ultra-orthodoxes actuels de Paris ne sont pas les quartiers juifs historiques de la capitale.
©Reuters

Bonnes feuilles

L'auteur René Guitton enquête sur certains intégristes du judaïsme, du christianisme et de l’islam pour démontrer leur négation des valeurs fondatrices de la France et leur refus du vivre ensemble. Extrait de "La France des intégristes" (1/2).

Je peux comprendre que certains musulmans, soucieux de concilier leur appartenance religieuse avec leur enracinement dans la France d’aujourd’hui, soient tentés de réécrire le passé pour revendiquer l’antériorité, plus grande qu’on ne le pense, de la présence musulmane en France. Ce faisant, ils voudraient doter l’islam du prestige que confère au judaïsme et au christianisme leur longue histoire avec notre pays. Or ils ne peuvent reconnaître qu’hormis l’Espagne, le Portugal et la Sicile, l’islam d’Europe occidentale est un phénomène très récent.

(...)

N’en déplaise à mon interlocuteur de l’esplanade Roger- Linet, il n’y a pas de ville musulmane en France aujourd’hui. En revanche, les « quartiers » existent. Il est désormais habituel de parler de « ghettos » pour désigner ces secteurs dits sensibles où vivent, majoritairement ou dans une proportion significative, des populations appauvries d’origine étrangère, souvent de religion musulmane. Ce sont ces fameuses « zones de non-droit » oubliées par les responsables politiques, ces « territoires perdus de la République » dont les habitants vivraient en marge des lois et des valeurs de la société d’accueil. Dans le même temps, il est également devenu d’usage d’évoquer les « quartiers juifs » de certaines villes, des arrondissements urbains ou des localités de banlieue caractérisés par la présence en leur sein d’importantes communautés juives, au comportement identitaire très marqué.

Cette inscription dans l’espace constitue un phénomène qui a toutes les caractéristiques d’une formidable régression. Depuis la Révolution française et l’abolition de toutes les mesures qui visaient à confiner dans certains quartiers les non-catholiques en France, habitat et religion sont fort heureusement deux notions distinctes. Même si, au début, les Juifs venus à Paris depuis l’Alsace et la Lorraine se regroupèrent dans les actuels 4e, 9e et 10e arrondissements à proximité de la gare de l’Est, cette concentration géographique ne se différenciait pas sensiblement des comportements des autres migrants. Les Bretons par exemple furent nombreux à s’installer dans les environs de la gare Montparnasse. Ce regroupement était temporaire, l’ascension sociale se traduisant, dès la seconde génération, par le départ du quartier spécifique vers des quartiers plus riches, socialement et religieusement mixtes. Les partants étaient alors remplacés par de nouveaux immigrants qui, une fois devenus plus aisés à leur tour, gagnaient d’autres parties du périmètre urbain, ou la banlieue.

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Il faut attendre le milieu de la décennie 1980 pour voir apparaître, au sein d’une communauté juive en cours de « rejudaïsation », une volonté de privilégier le regroupement choisi, dans des quartiers spécifiques caractérisés par la présence massive d’institutions communautaires, favorisant la pratique ultra-orthodoxe, avec ses synagogues, ses bains rituels, ses yeshivot, ses commerces casher, etc. Le phénomène est inséparable de l’ascension sociale des enfants.Bien intégrés dans la société environnante, ils aspirent eux aussi à quitter les localités de banlieue où vivaient leurs parents, pour s’installer en centre-ville ou dans les quartiers en voie de rénovation de l’Est parisien. Ce mouvement est accentué par l’installation, dans les banlieues, de populations plus pauvres, originaires d’Afrique du Nord ou d’Afrique subsaharienne, qui prennent la place des anciens locataires et poussent les derniers « petits Blancs » à déserter des quartiers en voie de ghettoïsation. Toutefois, contrairement à ce qui se passait auparavant, l’ascension sociale n’est plus synonyme de sortie du ghetto. C’est tout le contraire qui se produit. La mobilité géographique est, pour ces groupes passés le plus généralement par les écoles juives, un moyen d’affirmer plus ouvertement leur identité religieuse, en choisissant de s’installer dans des quartiers réputés être juifs. Une réputation d’ailleurs toute récente.

Ainsi les quartiers juifs ultra-orthodoxes actuels de Paris ne sont pas les quartiers juifs historiques de la capitale, situés alors dans les 3e, 4e, 9e, 10e, 11e et 20e arrondissements. C’était là que se trouvait jadis le coeur juif de Paris, avec ses appellations spécifiques yiddish dont nul ne se souvient plus. Il y avait la « RivkeGass », rue de Rebecca alias rue de Rivoli, le boulevard « Shabesstupel », Sébastopol, le boulevard « Rosh Hashoune », Rochechouart, ou le « Pletzl », la petite place, les rues voisines de la place du Marché-Sainte-Catherine, autant d’endroits où l’on pouvait entendre parler yiddish et déguster chez Goldenberg ou dans d’autres établissements les plats les plus typiques de la gastronomie ashkénaze.

Ces quartiers-là se sont vidés de leur population juive, partie pour les 16e et 17e arrondissements, ou pour la banlieue ouest.

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Une chose est claire. En moins de trois ou quatre décennies, le monde juif ultra-orthodoxe s’est regroupé de manière significative dans certains quartiers au cœur de la cité. Il tend à y imposer son mode de vie, favorisant l’apparition d’immeubles quasi confessionnels organisés sur un repliement communautariste assumé. Une évolution qu’on est en droit de ne pas considérer comme un progrès.

Extrait de "La France des intégristes : Extrémistes juifs, chrétiens, musulmans, le refus de la République" (Editions Flammarion), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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