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Comment freiner la machine qui nous mène à la récession ?
Comment freiner la machine qui nous mène à la récession ?
©Philippe HUGUEN / AFP

Croissance en berne

Non seulement les hausses de taux risquent de précipiter une récession dans les économies occidentales mais contrairement aux décennies précédentes, c’est la planète toute entière qui pourrait être à court de croissance. Une perspective d’autant plus importante que les risques de crise financière sont remontés en flèche.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Un tête-à-queue mondial

C’est ce qui se passe partout, même si on a prévenu « les deux chauffeurs » des grandes économies, Etats-Unis et zone euro. Mais chacun a répondu qu’il n’avait pas le choix. Le chauffeur (ou les chauffeurs, ce qui revient au même) de la machine budgétaire entraîne l’activité avec, aux Etats-Unis et en zone euro, des déficits croissants. Pas de surprise donc si l’inflation atteint 8,2% aux Etats-Unis, 10% en zone euro (mais 5,6% seulement, en France). Mais ces taux d’inflation sont évidemment insupportables pour les deux autres chauffeurs, ceux des banques centrales, Fed pour les Etats-Unis et BCE pour la zone euro. Ils ne doivent pas dépasser 2% à moyen terme. Le résultat obtenu est aujourd’hui 4 ou 5 fois la limite imposée, celle du mandat que tous deux ont accepté ! Les deux banques centrales doivent donc freiner plus, en montant leurs taux d’intérêt. Conséquence : la machine économique mondiale accélère par le budget et freine par la monnaie ! Tête à queue !

Comment décélérer sans embardée, face à une inflation qui résiste aux taux ?

La réponse est d’autant plus complexe que la résurgence de l’inflation vient de loin. Elle vient d’abord d’une crainte de dépression en 2007 aux Etats-Unis et en 2012 en zone euro, qui a conduit les banques centrales à acheter énormément de bons du trésor (quantitative easing). Il s’agissait d’éviter un autre 1929 : baisse du PIB et baisse des prix. Cette politique fait baisser les taux longs, soutient l’activité, donc les prix des maisons et les cours boursiers. Mais cette inflation vient ensuite du Covid-19, qui arrête l’activité, fait revenir la crainte de 1929, donc redémarrer les programmes d’achats de bons du trésor, avec des soutiens aux ménages qui, bloqués, sur-épargnent.

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Quand repart l’économie, elle est ainsi stimulée par des taux bas, avec des entreprises qui réagissent très vite, bénéficiant notamment de la désépargne des ménages. Le taux de chômage baisse et l’inflation monte, tous deux rapidement, face au choc de demande. Devant une situation aussi vite changeante, les banques centrales ne peuvent que monter leurs taux : encore deux fois 0,75% pour la Fed et pour la BCE avant la fin de l’année. Mais avec ces taux qui pèseront sur la croissance, 4,75% et 2,75% aux Etats-Unis et en zone euro, nous sommes loin derrière l’inflation : 8,2% et 10%. Alors, réduire le déficit et monter les taux ? Tête à queue !

Crédit Suisse, banques américaines, Italie, Royaume-Uni : les marchés à la recherche des points faibles en cas de crise

Crédit Suisse : la deuxième banque du pays inquiète de plus en plus ces derniers jours, après une longue série d’enquêtes et d’amendes, américaines et suisses. Suivent des vagues de licenciements et de réorganisations, en attendant un plan promis pour la fin du mois, Goldman Sachs calculant un manque de capitaux de 8 milliards de francs suisses ! Pas de surprise si une action Crédit Suisse cote actuellement 4,5 Francs suisses, ce qui n'est plus tout à fait 88, comme en début 2007. Et Crédit Suisse, c’est 800 milliards de crédits et1800 sous gestion, autrement dit : systémique.

Les banques américaines vont annoncer aussi de moins bons résultats, dus à des provisions sur crédits liées aux premiers effets du ralentissement. La nervosité va gagner l’Italie, avec des taux à long terme à 4,8% contre 3% en août et des taux britanniques, à 4,4% contre 1,9% à la même date. La crise des bons du trésor britannique, largement politique et liée aux débuts chaotiques de Lizz Truss comme Première ministre, est la dernière illustration en date de cette nervosité globale, qui trouve un point où s’exercer. Elle force au départ précipité de son ministre des Finances, Kwasi Kwarten, 38 jours après sa nomination. Le plan qui devait tout changer est oublié dans sa partie libertarienne, restent les aides ! Les points de fragilité ne manquent donc pas. Tête à queue !

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Pierre-Olivier Gourinchas, son Chef économiste a annoncé un ralentissement pour 2023 et surtout 2024, avec la nécessité pour les banques centrales de continuer les hausses des taux qu’elles avaient annoncées. Pas de pause donc : il s’agit de lutter contre l’inflation. Mais Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fond manifeste aussi son inquiétude devant la transition en cours, depuis une économie où l’inflation et les taux étaient trop bas, vers une autre, où ils seraient « normaux ». Avant, ce n’était pas normal, mais la « nouvelle normalité » n'est pas stable : 2% de croissance pour l’économie mondiale, c’est très peu. Tête à queue !

Décrire la nouvelle phase de croissance, avec des coussins monétaires et budgétaires pour amortir les chocs et baliser les anticipations est donc indispensable

Une phase qui sera plus verte, plus dépendante des énergies renouvelables et moins des énergies fossiles, plus économe en énergie, notamment par le télétravail et des logements plus efficaces, plus productive avec moins de gâchis et une meilleure utilisation du temps de travail. Paradis ! C’est effectivement savoir là où nous allons qui fera la différence dans les productions, les organisations donc dans les formations et les têtes.

Nous vivons depuis plus de dix ans un profond changement des rapports de force mondiaux, avec la montée de la Chine, en pleine révolution technologique et un retissage des chaînes mondiales de production. Évidemment, ces nouvelles organisations ne sont écrites nulle part dans la phase, d’autant plus incertaine qu’elle est guerrière, que nous traversons. Il faut donc la dessiner, avec ses avantages et surtout ses exigences, donc ses conditions de faisabilité.

2% d’inflation en 2 ans c’est impossible, sauf tête-à-queue géant : il faut des paliers monétaires de décompression

Le « moyen terme » est une notion variable, pas calendaire. Elle dépend d’un ensemble de conditions sociales, politiques, économiques et financières, liées à l’efficacité des politiques de normalisation. 

Voilà donc notre conseil  aux deux chauffeurs monétaires du monde, Christine Lagarde et Jay Powell : faire les deux hausses annoncées en annonçant une pause, pour en voir les effets, puis, en fonction des résultats, amorcer une autre phase de hausses, sans doute plus modérées, 0,5%, et attendre ensuite les résultats.

Pour éviter l’embardée, il faut dire que l’on va avancer plus doucement dans la hausse des taux, façon polie de dire que, pour atteindre 2%, il faut vivre quelque temps avec 4%. Autrement : tête à queue ! 

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