Chute de la population en Europe : la démographie en berne, un mal pire que le dérèglement climatique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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En plus du changement climatique, le suicide démographique semble menacer aussi l’économie européenne.
En plus du changement climatique, le suicide démographique semble menacer aussi l’économie européenne.
©SAEED KHAN / AFP

Conséquences économiques

La croissance de la population mondiale a atteint son taux le plus bas depuis 1950. Elle a augmenté de moins de 1 % par an pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en 2020 et 2021. La population totale de l'Europe a diminué pendant la pandémie de Covid-19, selon un rapport des Nations Unies.

Laurent Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant, membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Eric Deschavanne

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne est professeur de philosophie.

A 48 ans, il est actuellement membre du Conseil d’analyse de la société et chargé de cours à l’université Paris IV et a récemment publié Le deuxième
humanisme – Introduction à la pensée de Luc Ferry
(Germina, 2010). Il est également l’auteur, avec Pierre-Henri Tavoillot, de Philosophie des âges de la vie (Grasset, 2007).

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Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Alors que les activistes environnementaux appellent à plus d’actions politique afin de lutter contre le changement climatique, le suicide démographique semble menacer aussi l’économie européenne. Si l’on devait comparer l’intensité de la menace, qu’est-ce qui nous déstabilisera le plus entre le vieillissement de la population et le dérèglement climatique ?

Laurent Chalard : Il faut bien comprendre que le vieillissement démographique n’est pas forcément catastrophique. Il est lié à l’augmentation de l’espérance de vie, et donc à un vieillissement de la population, ce qui est un élément positif. Ce qui est problématique, c’est que les naissances diminuent au fur et à mesure des années car le taux de fécondité est inférieur au seuil de remplacement des générations. Pour certains pays européens, ce phénomène est observable depuis plus de 50 ans. Le Vieux Continent ne renouvelle plus ses générations, ce qui signifie que sans immigration massive, il y a un déficit naturel qui augmente d’années en années. 

Pendant de nombreuses années, cette question a été perçue à l’envers. Il y avait une peur d’un surpeuplement. Une démographie européenne en berne n’est donc pas toujours perçue comme problématique puisque pour de nombreux mouvements écologistes, cela revient à une moindre pollution de l’environnement.  

Eric Deschavanne : Les deux phénomènes ont en commun de conduire à des bouleversements économiques et peut-être aussi géopolitiques qui sont difficiles à anticiper. Dans les deux cas, on a affaire à des tendances lourdes et inexorables sur lesquelles le pouvoir politique n’a que peu de prise. Le défi sera donc avant tout celui de l’adaptation nécessaire à une transformation du monde dont on ne maîtrise pas le cours. Il s’agit de se préparer à un avenir qui est à la fois certain dans ses grandes lignes (il y aura au 21ième siècle dépopulation et vieillissement de l’Europe, de même qu’il y aura un réchauffement climatique planétaire) et incertain dans le détail des conséquences. Nous savons qu’il faudra changer de modèle économique, mais nous n’avons pas clairement conscience du modèle qu’il conviendrait de faire advenir. Ce sera évidemment un enjeu à la fois intellectuel et politique des décennies à venir que de définir le possible et le souhaitable en matière d’adaptation au vieillissement et au réchauffement.

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Les enjeux de la transformation démographique sont en effet sous-estimés, alors même que celle-ci déstabilise pour l’heure davantage la société que le changement climatique. Il n’y a pas et il n’y aura pas de lutte des âges, mais la sociologie électorale fait le constat d’un clivage générationnel assez net, voire d’un clivage actifs/inactifs. Le poids des partis protestataires est plus important chez les actifs que chez les retraités. Dans une société où la part des inactifs augmente aux dépends de celle des actifs, du fait des effets conjugués de la baisse de la natalité, de l’allongement de la durée des études et de l’augmentation de l’espérance de vie, la pression économique s’accroît nécessairement sur les actifs. On entre ainsi un cercle vicieux en fabriquant une trappe à basse natalité, car cette pression dissuade les jeunes adultes de faire des enfants en trop grand nombre. Nous ne sommes cependant qu’à l’orée de la grande déstabilisation : d’une part, parce que nous avons fait le choix non durable de différer le traitement du problème par la dette ; d’autre part et surtout parce que la France est encore épargnée par la dépopulation, un phénomène qui ne nous menace pas aussi directement qu’il menace l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne, par exemple, dans la mesure où le taux de natalité n’est pas tombé chez nous en dessous du niveau du taux nécessaire au remplacement des générations.

On pourrait cependant considérer que les questions liées à l’immigration doivent être traitées à la lumière de la transition démographique. Si la France, comme la Grande-Bretagne, maintient sa population et le renouvellement des générations, c’est essentiellement grâce à l’immigration. Mais l’immigration, comme chacun sait, pose toute une série de problèmes, de sorte qu’il paraît aujourd’hui aussi déraisonnable de vouloir maintenir le flux migratoire que de vouloir le stopper complètement. De fait, l’immigration est nécessaire à la lutte contre le déclin démographique mais contribue en même temps fortement à la déstabilisation de la société. En conséquence de quoi on peut sans se tromper affirmer que la maîtrise de l’immigration, la question de la sélection et de l’assimilation des immigrés, constituera l’un des grands enjeux de la politique française et européenne au 21ième siècle. 

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Michel Ruimy : Selon un rapport des Nations Unies, la population mondiale a enregistré, pendant la crise sanitaire (2020-2021), son taux annuel de croissance le plus faible depuis 1950. Sa progression a été inférieure à 1%, pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale. Malgré ce ralentissement, elle devrait atteindre, cette année, 8 milliards d’habitants et culminer, dans les années 2080, à 10,4 milliards avant de commencer à diminuer. À l’échelle mondiale, plus d’1 milliard de personnes seront âgées, en 2030, de plus de 65 ans et 210 millions, de plus de 80 ans, soit environ le double du nombre de personnes âgées en 2010. Le vieillissement de la population est donc général.

Au plan géographique, l’Afrique a dépassé, en 2020, l’Asie pour devenir la principale source de croissance démographique et, selon l’ONU, plus de la moitié de la hausse de la population mondiale envisagée jusqu’en 2050 sera concentrée dans 8 pays seulement, principalement en Afrique. Au cours de ces 2 années, la population européenne a diminué, au total, de près de 2,2 millions - baisse la plus importante enregistrée sur un continent depuis 1950 - en raison d’une vive progression du nombre de décès, d’une diminution des naissances et d’une réduction du solde migratoire liée à la pandémie.

De leurs côtés, le dernier rapport annuel du GIEC conclue que la moitié de la population mondiale était d’ores et déjà vulnérable aux impacts croissants du changement climatique. Selon une étude scientifique publiée, en 2021, dans la revue Nature Climate Change, 37% des décès dans le monde dus aux vagues de chaleur chaque année sont attribuables aux conséquences du réchauffement de la planète. Les conséquences du réchauffement provoqué par les activités humaines ne se conjuguent donc pas seulement au futur.

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Nous risquons de devoir, à l’avenir, conjuguer de plus en plus ces deux phénomènes d’autant que si la canicule met chacun de nous à rude épreuve, nous ne sommes pas tous égaux face aux effets de la chaleur. Plus les individus vieillissent, plus ils consomment d’énergie notamment pour leur logement, aggravant le réchauffement climatique (tant que cette énergie produit des gaz à effet de serre), lequel va provoquer des vagues de chaleur plus nombreuses dans les régions les plus chaudes, qui vont augmenter l’utilisation de climatiseurs, lesquels vont encore aggraver le changement climatique, et ainsi de suite. Ainsi, plus qu’un « ou » exclusif, il s’agit d’un « ou » inclusif.

A quel point les conséquences du vieillissement de la population vont-elles être fortes économiquement et socialement comparativement aux conséquences climatiques ?

Laurent Chalard : Il faut bien comprendre qu’une population ou il y a beaucoup de personnes âgées et peu de jeunes est moins innovante, moins productive, et a des comportements anti-économiques. La crise de Covid-19 a, dans une optique de protection des aînés, incité les autorités à prendre des décisions liberticides pour les jeunes générations et les actifs, ce qui a altéré leur qualité de vie et la qualité de leur travail. Si la population avait été plus jeune, ce genre de décision n’aurait peut-être pas été pris. Ces mesures liberticides ont d’ailleurs été les plus soutenues dans les pays les « plus vieux » d’Europe, à savoir l’Allemagne ou l’Italie.  

Ce qui fait réfléchir les élites politiques et économiques, c’est aussi le financement des retraites. Les populations actives sont moins nombreuses, ce qui accentue le déséquilibre avec les retraités, mettant en cause le modèle de financement existant. Un deuxième élément, plus récent, est le manque de main-d'œuvre. Dans les pays où la dénatalité est la plus avancée, les générations qui arrivent en âge de travailler sont moins nombreuses que les générations qui partent à la retraite, ce qui génère un manque de bras dans certains secteurs. 

Michel Ruimy : En 2006, un rapport, coordonné par Nicholas Stern, ancien vice-président senior de la Banque mondiale, évaluait le coût annuel de l’inaction contre le changement climatique entre 5% et 20% de la production intérieure mondiale - PIB - (5% en prenant en compte l’impact sur la production et l’exploitation des ressources naturelles, 14% en intégrant les pertes de vies humaines, les services écologiques et jusqu’à 20% en tenant compte de l’impact plus lourd et des capacités d’adaptation plus faibles dans les pays les plus pauvres) contre … 1% pour celui de l’action (réduction des émissions des gaz à effet de serre) !

En fait, plus les gouvernements tardent, plus la charge sera lourde pour les générations futures. Ne rien faire pourrait provoquer une baisse du PIB mondial de 1 à 4% en 2030, de 2 à 6% en 2050, et de 3 à 12% en 2100. Mais, il n’est pas nécessaire de se projeter aussi loin dans le temps. Dès 2013, la Banque mondiale (Integrating Climate and Disaster Risk into Development) et le réassureur Munich Re alertaient sur le coût des catastrophes naturelles, qui devraient augmenter avec le changement climatique. Selon leurs rapports respectifs, les catastrophes naturelles auraient tué 2,5 millions de personnes et coûté 3 800 milliards de dollars entre 1980 et 2012, surtout dans les pays émergents qui voient leur PIB affaibli par ces phénomènes climatiques.

Concernant le vieillissement démographique, son impact sur la croissance économique sera fonction du taux de dépendance vieillesse. Celui-ci devrait doubler en Europe et aux États-Unis d’ici 2050. Pour la Chine, l’Inde, le Japon et la planète toute entière, la hausse de ce ratio devrait être encore plus marquée. Pour autant, les sociétés vieillissantes innovent-elles davantage, ou moins ? Certains (Sauvy, Hansen) prédisent une activité moins dynamique tandis que d’autres (Irmen, Litina) constatent, au contraire, que le vieillissement de la population affecte les comportements selon une corrélation en forme de « U inversé ».

Si la partie descendante est conforme aux prévisions de Sauvy et Hansen (à mesure qu’ils vieillissent, les individus ont tendance à perpétuer les idées anciennes, à prendre moins de risques et à favoriser les biens de consommation par opposition aux biens liés à l’innovation), la partie ascendante pourrait résulter de l’idée que « nécessité est mère d’invention ». Face aux menaces (viabilité des régimes de retraite, systèmes de santé, pérennité des finances publiques, croissance…), les citoyens des pays à forte proportion de personnes âgées sont plus susceptibles de prendre le risque de l’innovation et sont plus ouverts aux idées nouvelles. D’autres déterminants potentiels d’innovation et de comportements pourraient favoriser l’innovation (type de régime de retraite, technologies visant à remédier à la pénurie de travailleurs, rôle de l'immigration internationale…). Malgré tout, la réponse à cette question est assez complexe. Il semblerait que jusqu’à un certain niveau critique de vieillissement, les sociétés vieillissantes élaborent de nouvelles idées et innovent davantage. Au-delà de ce point critique, le résultat s’inverse. Fondamentalement, le point critique au-delà duquel cette inversion se produit dépend de la taille du groupe des personnes âgées par rapport au groupe des jeunes actifs.

Pourquoi nous désintéressons-nous du vieillissement de la population et de ses conséquences par rapport au changement climatique ? Y a-t-il une menace sous-estimée et une autre surestimée ?

Laurent Chalard : La question du réchauffement climatique est un phénomène planétaire. Le déclin démographique européen ne concerne que le Vieux Continent. Dans une perspective écologique, le dérèglement climatique concerne l’ensemble de notre modèle de société alors que le déclin démographique n’est qu’un épiphénomène européen. La problématique démographique européenne n’est perçue que par quelques personnes, à savoir des experts qui travaillent sur la question des retraites, les démographes ou les personnes sensibles aux questions migratoires. En effet, certaines personnes considèrent que si on n’arrive pas à remonter le taux de naissance en Europe, ce n’est pas grave puisqu’on peut avoir recours à l’immigration.  

Eric Deschavanne : Je suis d’abord tenté de répondre que la réponse est dans la question. Du poids idéologique de l’écologie résulte non seulement le fait qu’on parle beaucoup du réchauffement climatique, mais aussi l’inclination à se réjouir du déclin démographique. L’écologie politique est malthusienne par essence. L’un des grands thèmes de l’écologie est en effet la critique de la surpopulation, la réduction de la biodiversité, la surexploitation des ressources naturelles, la pollution et les émissions de carbone dans l’atmosphère étant imputables, selon les écologistes, à l’envahissement de la planète par les humains.

De manière plus profonde, le problème est celui de la crise de l’avenir au sein des démocraties contemporaines. Il suffit pour s’en faire une idée de considérer la vacuité des débats qui ont accompagné la séquence électorale qui vient de se clore. Un seul thème surnage, le pouvoir d’achat, autrement dit le problème des « fins de mois », qui enferme le débat public dans les limites étroites du présent. Il n’y a plus aucune place pour le souci de l’avenir, pour l’évocation du destin de l’éducation en France, de l’investissement et de l’industrie, du problème de la dette ou de celui du déclin démographique et de ses conséquences sur le modèle économique.

On pourrait objecter qu’on parle beaucoup du changement climatique et de l’avenir de la planète. Mais en réalité le problème n’est pas abordé sérieusement, de manière réaliste et responsable. Ce thème ne doit son succès qu’à la nécessité pour l’intelligentsia de gauche de recycler l’idéologie de la rupture avec le capitalisme, après que celle-ci a été dévaluée par l’effondrement du communisme. La preuve en est que le discours « effondriste » préexistait idéologiquement aux prévisions du GIEC relatives au réchauffement climatique. Auparavant, les écologistes annonçaient la catastrophe nucléaire ou l’effondrement résultant de l’expansion démographique. Ils enfourchent aujourd’hui le cheval de la lutte contre le réchauffement, parce que ce sujet permet de donner un habillage scientifique au millénarisme et à la critique radicale de la société. Il existe un phénomène du même ordre à droite avec la théorie du grand remplacement. L’immigration et l’intégration de l’islam à la République sont de réels problèmes, mais l’idéologie de la décadence préexistait à ces problèmes, qui trouvait auparavant à s’exprimer à travers la déploration du délitement de la tradition, de la famille et de la religion.

Michel Ruimy : Vaste question ! L’approche catastrophiste du changement climatique est, dans une certaine mesure, autodestructrice en risquant de nous éloigner d’autres questions importantes. Si un grand nombre problèmes liés au changement climatique (élévation du niveau de la mer, mauvaises récoltes…) ont déjà un impact sur des vies, il est également vrai que le développement économique nous a rendus moins vulnérables.

Le vieillissement de la population résulte de deux grands facteurs : l’allongement de la durée de vie et la baisse de la fécondité. Or, le mode de vie, la santé et le rôle des sexagénaires d’aujourd’hui ne sont pas comparables à ceux des années 1950. L’ensemble de l’échelle de la vie s’est étiré et les temps de la vie évoluent. Depuis 2020, les décès des premières générations du baby-boom nées dans les années 1940, plus nombreuses, ont commencé à jouer dans le sens du rajeunissement de la population ou au moins d’une stabilisation de la structure par âge. En revanche, la baisse de la fécondité a un effet de sens inverse. Nous devons nous adapter à cette évolution. A l’avenir, nos sociétés verront un nombre croissant de générations coexister, des arrières grands-parents aux petits-enfants.

Toutefois, coexister ne signe pas vivre ensemble. Les besoins des personnes âgées ne sont pas identiques aux nôtres et en vieillissant, ils s’amenuisent. Avec l’avancée en âge, beaucoup de personnes se sentent de plus en plus isolées, notamment les plus de 75 ans. Cet isolement résulte notamment de la perte d’autonomie, de l’exclusion numérique, de l’éclatement de la cellule familiale. Il conviendrait aussi que, devant l’urgence climatique, le décalage des générations dû à un sentiment d’incompréhension par les générations plus jeunes d’un mode de vie différent, puisse entraîner des discriminations et affecter l’élaboration des politiques de santé publique et leur évolution future.

Qu’est-ce qui dans la forme que prend la menace lié à notre démographie peut expliquer qu’elle ne suscite pas les mêmes alarmes, quand bien même ses conséquences sont tout aussi fortes ? Et qu’elle soit sous-estimée ?

Eric Deschavanne : Il y a me semble-t-il trois raisons à cela. La raison principale est qu’il est difficile d’alerter sur le problème politique du déclin démographique sans paraître empiéter sur le domaine de la vie privée. La « transition démographique » est un destin en ce sens qu’elle résulte principalement de l’irrésistible montée des valeurs individualistes, notamment de l’autonomisation des femmes, lesquelles revendiquent légitimement leur droit à maîtriser leur fécondité, plus particulièrement à différer l’arrivée du premier enfant en vue de poursuivre leurs études et de commencer une carrière professionnelle. Il n’est donc pas simple de concevoir aujourd’hui une politique nataliste. S’il existe sans doute des marges de manœuvre politiques, elles ne peuvent être en la matière que limitées.

La deuxième grande raison expliquant l’absence d’alarmisme sur le thème du déclin démographique tient au fait que la menace de dépopulation, en France, n’est pas immédiate. Le déclin démographique européen est certain mais il n’est pas identique partout. Il est particulièrement marqué dans les pays d’Europe de l’Est, lesquels pâtissent de l’émigration de leurs jeunes en plus du vieillissement et de la baisse de la natalité. Plus près de nous, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne ont de sérieuses raisons de s’inquiéter : La population italienne pourrait passer de 61 à 30 millions d’ici la fin du siècle, celle de l’Espagne de 46 à 23 millions. En France du fait que le taux de natalité correspond approximativement à celui du renouvellement des générations, on peut avoir le sentiment de maintenir un niveau de population optimum. Au milieu du 20ième siècle, alors que la population française comptait 40 millions d’habitants, Alfred Sauvy considérait que le niveau optimum de la population française se situait entre 50 et 75 millions. Nous y sommes.

Par ailleurs, c’est la troisième raison de l’absence d’alarme, le malthusianisme en France, par-delà l’écologie politique, s’est toujours bien porté. L’idée selon laquelle être moins nombreux permet à chacun d’avoir une part de gâteau plus importante, bien qu’économiquement stupide, est néanmoins assez répandu. Les Français inclinent par conséquent davantage à craindre le trop-plein que le vide.

Est-il encore possible d’agir pour éviter un tel déclin ?

Laurent Chalard : Concernant la natalité, il n’y a pas de remède miracle. Il faut comprendre que la tendance est à la baisse sur l’ensemble de la planète et que tous les pays, lorsqu’ils deviennent riches, ont un indice de fécondité inférieur au taux de remplacement de population. Quand on est à 1 ou 1,5 enfant par femme, le déséquilibre dans la pyramide des âges est très important. Dans les pays riches, la procréation est perçue comme une charge à cause de son coût économique. Dans les sociétés traditionnelles, on fait des enfants, peu importe le prix à payer. Pour remonter la natalité dans les pays d’Europe occidentale, il faudrait que la procréation ne soit plus perçue comme une charge financière, ce qui n’est pas facile à mettre en œuvre. Les indices de fécondité devraient donc rester bas.  

En revanche, dans les pays où il y a des politiques natalistes actives, comme en France, l’indice de fécondité est moins dégradé que dans les autres pays. Cette politique nataliste a donc des effets positifs, même s’ils ne sont pas suffisants. L’Union européenne devrait donc promouvoir une politique nataliste à l’échelle de l’ensemble de ses États membres, même si cela ne réglera pas tous les problèmes. 

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