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Choc fiscal Hollande : les 20 milliards cachés qui s'ajouteront aux 30 annoncés
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Effet boomerang

François Hollande a annoncé un plan d'assainissement budgétaire qui devrait porter sur 30 milliards d'euros. 20 milliards seront prélevés sur les ménages, alors que l'Etat lancera un plan de 10 milliards d'économies. Des "effets boomerang" sont toutefois à prévoir...

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Deux évènements financiers d’importance sont survenus cet été : d’une part, le vote du collectif budgétaire qui avait pour mission de parer au plus pressé et d’autre part la remise par Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes de son rapport d’audit au Premier ministre.

Depuis, nombre d’entre nous ont entendu parler du fameux chiffre de 33 milliards correspondant au solde net des économies budgétaires à effectuer en 2013.

Dès lors, peu de citoyens ont été surpris par l’entretien télévisé du chef de l’Etat qui déclarait, il y a quinze jours, qu’il fallait réaliser un effort de 30 milliards. De manière posé et pédagogue, le président a réparti en trois ses trente milliards.

Il y aura donc une ponction de 20 milliards sur les ménages et les entreprises tandis que l’Etat lancera un plan de 10 milliards d’économies.

Tout ceci semble clair, loyal et presque mathématique tant l’égalité semble respectée.

A y regarder de plus près, l’observateur se doit de relever des éléments de surprise.

La position des ménages

La modification à venir des tranches du barème de l’impôt sur le revenu et son non-gel (sauf pour les deux premières tranches) vont représenter une hausse non négligeable du taux d’imposition marginal et par conséquent de la propension à dépenser des classes supérieures mais aussi – ne nous y trompons pas – des classes moyennes.

Autrement dit, la ponction – socialement légitimée par la notion de solidarité – qui va s’opérer aura un effet de ralentisseur de la consommation des contribuables concernés.

Parallèlement, les ménages vont être symboliquement et pécuniairement marqués par l’alignement des produits du capital sur le barème de l’impôt sur le revenu. Cela ne manquera pas d’induire, notamment chez les retraités, un frein quant à certaines dépenses. Même l’économiste, proche de la majorité, Thomas Piketty n’en disconvient pas. L’Etat aura donc un risque manifeste d’évaporation d’un segment de TVA qui, là encore, pourrait se chiffrer en centaines de millions voire en milliards si l’évasion fiscale s’ajoute à cette configuration délicate ce qui est hélas probable.

D’autre part, il ne faut pas oublier le fort impact psychologique d’une mesure qui consiste à assujettir à un même barème des sommes qui sont des produits d’épargne qui ont déjà subi au préalable le mécanisme de l’impôt. Certains contribuables y verront une double peine insupportable et prendront tout type d’avis pour tenter de réduire leur exposition fiscale nette.

La position des entreprises

La France présente effectivement une anomalie : l’inégalité entre le taux d’imposition moyen des PME et celui – nettement plus modéré – des grandes entreprises. Il y a sûrement matière à réflexion mais on peut escompter des mesures d’envergure de la part de la majorité parlementaire. D’ailleurs, a réécouter attentivement les propos télévisés du Président, on a compris que les entreprises allaient être appelées pour une contribution non détaillée (à ce jour) de 10 milliards d’euros. Or, chacun sait que lorsque le détail d’une future pression fiscale n’est pas explicité, cela laisse d’autant plus de marge de manœuvre au Parlement pour alourdir telle ou telle mesure. Là encore, l’équilibre devra être subtil – comme l’a démontré la courbe de Laffer – entre la hausse nominale de l’impôt (plafonnement des niches, contributions exceptionnelles, etc.) et le rendement final et concret de celui-ci.

La France ne saurait s’offrir le luxe de transferts de sièges sociaux ou de fusions transfrontalières diluant l’essentiel de l’impôt.

De surcroît, après cette description et cette mise en perspective, plusieurs points d’analyse s’imposent.

Tout d’abord, le 13 Septembre, l’Institut IFW a réduit la prévision de croissance pour l’Allemagne en 2013 de 1,7% à 1,1%.

Parallèlement, nous connaissons le contexte récessif accentué de nos voisins : Espagne, Italie.

Selon nous, il s’agit d’une tragique méprise ou d’une insulte à notre intelligence collective que d’oser avancer le chiffre de 0,8% de croissance du PIB en 2013.

Bien des économistes de banque savent que le « vrai » chiffre sera en-dessous, proche de la récession.

Le manque à gagner

La croissance pour 2013 est actuellement surestimée du double par les pouvoirs publics, au minimum. Nous n’avons aucun avantage sectoriel avéré suffisant nous permettant de pouvoir tabler sur une croissance tirée par les exportations ( voir le solde de notre balance des paiements...) et la récession est sérieusement là, en Europe.

Quant à la demande intérieure, l’effort de « redressement juste » demandé va étioler sa vigueur.

Dès lors, il faut reprendre les textes incontestables tels que le collectif estival de 7 milliards de pression fiscale additionnelle. Ainsi le compte-rendu du Conseil des ministres du 4 Juillet 2012 (voir dans Assemblée Nationale : budget : loi de finances rectificative 2012 ) énonce sous la section « Assurer la réduction du déficit public » : « Le Gouvernement prend en compte une révision à la baisse de 7,1 milliards des prévisions de recettes des administrations publiques pour 2012, dont 5,1 milliards pour l’Etat. Cette réduction est essentiellement due à la correction des prévisions exagérément optimistes des recettes retenues par le précédent Gouvernement, indépendamment de la croissance. »

Il y a donc un double chemin de difficultés : les exagérations liées à la future évolution du PIB et les exagérations liées aux recettes escomptées de la structure votée de la fiscalité.

Dans le cas de 2013, le réajustement – qui viendra – du taux de croissance pourrait conduire à dégrader le solde des finances publiques de près de 8 milliards.

Parallèlement, le comportement vertueux des consommateurs qui vont se restreindre du fait de la hausse des impôts sur les personnes physiques conduira à un manque à gagner de 2% de rentrées de TVA soit 2,2 milliards rapportées aux 137,829 milliards de TVA escomptée pour 2012 : article 64 de le Loi de finances initiale pour 2012.

De même, la crise économique va affecter les revenus professionnels et on peut sérieusement douter du chiffrage actuel de l’IRPP. Ainsi, proche de 60 milliards dans la Loi de finances initiale, il ne serait pas improbable que le tassement d’activité (voire l’entrée en récession que laissent augurer certains documents de la Banque de France) n’atteigne ces perspectives de recettes d’au moins 3 milliards.

S’agissant des entreprises, l’Etat ne pourra qu’avoir une déconvenue. Il est connu que l’impôt sur les sociétés est le plus sensible à la conjoncture et des effondrements de plus de 10% ont déjà été enregistrés par le passé entre l’escompté et le réel.

Dès lors que la Loi de finances tablait sur 44,876 milliards de produit net et qu’il faut inclure certaines mesures du collectif de 2012, on sait que les recettes 2013 ne seront pas de 48 milliards mais probablement de 44 milliards, soit un manque à gagner de 4 milliards.

La notion de rétro-action

L’économie politique n’est pas une matière inerte : elle est dynamisme et ajustements incessants.

Les grandes variables listées ci-dessus sont parfaitement intégrées aux raisonnements tenus à Bercy à l’exception de l’ampleur de l’effondrement de la croissance du PIB qui semble encore sous-estimée par posture politique ou espoir un peu hasardeux.

A côté de ces quatre variables, il y a longtemps que des courants économiques incontestables ont démontré qu’en période de crise, la demande anticipée ( de type keynésienne ) est d’autant plus réduite que les perspectives de croissance sont aléatoires. Dès lors, par effet de rétroaction la contraction relative de la demande des ménages va croiser la réponse des entreprises (faiblesse de l’investissement) et autoalimenter une dégradation additionnelle du PIB (manque à gagner de 2 milliards). C’est très exactement ce qui se passe en Italie malgré la gestion soi-disant remarquable de Monsieur Monti, ex commissaire européen qui refusa la fusion tri-nationale de l’aluminium qui amena, après, au démantèlement de Péchiney.

Feu le Professeur Pierre Lalumière avait eu l’occasion de démontrer le point supra à ces étudiants en Sorbonne. Un de ces condisciples, le Président Michel Bouvier (Association pour la fondation internationale de finances publiques) a insisté sur la redéfinition du rôle du Parlement en matière de finances publiques. Pour notre part, sensible à la rédaction de l’article 24 de la Constitution, estimons que les deux Assemblées ont certes un rôle de « contrôle » mais aussi un rôle d’ » évaluation » des politiques publiques.

Derrière des contrôles souvent incomplets compte-tenu des lourdeurs administratives, on gâche un temps qui permettrait d’évaluer l’opportunité, la consistance de telle ou telle politique publique.

Les comptes sociaux

La France présente une situation financière préoccupante, comptes sociaux inclus. Or, la semaine dernière, la Cour des comptes a eu l’occasion d’écrire que le déficit ne semblait pas tenu d’où le dérapage de près d’un milliard sur un total de 14,7 milliards.

La crise économique, par exemple chez PSA Aulnay, va d’abord impacter le pouvoir d’achat des futurs licenciés et parallèlement les comptes paritaires de l’UNEDIC. Puis, lorsque le chômage frictionnel (durée de la longueur de passage au chômage) aura fait sa triste besogne, c’est bien l’Etat et le département (RSA et autres aides locales) qui viendront matérialiser la notion d’Etat-providence.

Autrement dit, alors que les projections en termes de chômage conduisent à estimer une augmentation de 350 000 personnes de septembre 2012 à septembre 2013, il faut intégrer le coût de cette variable sociale dans le glissement négatif des comptes publics.

Compte-tenu de l’étendue de la crise productive qui s’annonce, un chiffrage est complexe mais retenir le montant de 2 milliards (sur les 9 que coûte actuellement le RSA) parait fondé et réaliste.

Sur ce sujet, il est possible de s'en référer à une étude de Pôle Emploi ( « Repères & Analyses » n°47 de Juillet 2012 ) qui montre, statistiques à l’appui, que l’ICDC (indicateur conjoncturel de durée au chômage) qui « consiste à évaluer la durée moyenne de chômage » est passé de 292 jours en 2008 (quatrième trimestre) à 359 jours en 2011.

Cet allongement du chômage frictionnel (délai nécessaire pour qu'une personne retrouve un emploi)  est une donnée absolument essentielle qui est une mine dérivante pour les comptes sociaux. Certains de nos calculs aboutissent à plus de 3,5 milliards de coût pour l'Etat.

Dans ce domaine, il est urgent que les Pouvoirs publics affecte une équipe-commando à un suivi digne de la VACMA de la SNCF : veille automatique à contrôle de maintien d’appui ( « dispositif de l’homme mort »). A défaut de vérifier que le train des surcoûts sociaux est piloté, il est clair que les sages de la Rue Cambon ne pourront qu’être censeurs de la gestion ainsi dérivante.

Pour résumer...

En économie politique, nous estimons qu’il y a des principes de causalité : pas forcément celui qui consiste à dire que trop d’impôt tue l’impôt, mais en revanche celui qui consiste à penser que trop d’impôt dans une économie ouverte engendre de multiples stratégies de réponse de la part des agents économiques.

Le Gouvernement de Monsieur Ayrault n’avait pas le choix pour la trentaine de milliards à percevoir : en revanche, il a assumé des choix  (un panachage) qui semble porteur d’effet-boomerang.

Le total des différentes variables économiques posément suggérées ce jour au lecteur sera peut-être démentie : rien n’est moins sûr tant la crise est sévère.

L'ensemble de ces variables représentent un total de 21,2 milliards d’euros ce qui paraitra – sans aucun doute – frappé d’exagération à certains lecteurs.

Il faut rappeler que cette grave dérive vient du chiffre actuel du PIB retenu dans les hypothèses budgétaires qui va voler en éclat contre le mur de la réalité sous six mois et peut-être même avant. Posture ne saurait durer.

Les autres hypothèses ne sont alors qu’itératives.

Pour conclure, on sait – tel le bouillant député socialiste René Dosière – que l’Etat pourrait s’atteler à un effort supérieur aux 10 milliards à comparer aux 294 milliards de charges nettes votées pour 2012. Il suffit de feuilleter le récent rapport de l’Inspection générale des Finances sur le coût des multiples « Agences ».

Comme l’a écrit notre regretté ami le Préfet de Région ( et Trésorier-Payeur Général ) Claudius Brosse dans « L’Etat dinosaure » : « Mais si, sous la IIIème République, l’Etat absorbait un quart des revenus des Français, sous la IVème République, c’est le tiers qu’il prélevait, aujourd’hui, c’est la moitié qu’il retire au revenu national. Or à l’évidence, les Français n’ont pas envie de vivre sous un régime politique ressemblant à l’Egypte pharaonique ou à l’Empire des Incas. »

Effectivement, la répartition tripartite (10 milliards d’efforts pour chacun) laisse pantois quant à l’effort étatique d’autant que la crise va augmenter le coût des amortisseurs sociaux et éroder les rentrées fiscales.

Moins d’une dizaine de hautes personnalités ont décidé de ce qui précède : formons vivement le vœu – pour tant de nos concitoyens que la crise affecte - que les calculs d’impact macro-économique de niveau 2 aient été réalisés avec minutie et démarche accorte.

Sinon, la situation financière et sociale sera complexe. Pour ne pas dire plus.

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