Ces aberrations de consommation que l’on accepte au nom de l’agriculture biologique <!-- --> | Atlantico.fr
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Des légumes provenant de l'agriculture biologique sont en vente au marché bio du boulevard Raspail à Paris.
Des légumes provenant de l'agriculture biologique sont en vente au marché bio du boulevard Raspail à Paris.
©Jean-Pierre MULLER / AFP

Bonnes feuilles

François Grudet publie « Biogate, Pour en finir avec l'utopie du bio » chez Mareuil éditions. Que se cache-t-il derrière le « bio », et ses promesses de produits « propres » et sains ? L'univers du bio est complexe et opaque. Extrait 1/2.

François Grudet

François Grudet

François Grudet, agriculteur, inventeur et homme d'affaires, a fait reculer le désert en Lybie et dans de nombreux pays du Moyen-Orient. 

Voir la bio »

« En 2017, les producteurs antillais de bananes ont voulu faire campagne au Salon de l’Agriculture et imaginé le slogan : “La banane française mieux que bio, c’est possible !” En effet, il y avait de la marge : les bananes bio en provenance de la zone dollar contenaient 14 pesticides de synthèse interdits en zone euro. Pour ne pas entacher sa réputation, le syndicat Synabio a enclenché une procédure en référé, méthode qui lui est coutumière, afin de mettre un terme à cette campagne. Il a fait condamner les intéressés à 50 000 euros par jour et par infraction constatée. » La présidente de la FNAB, la Fédération nationale de l’agriculture biologique, avait affirmé à l’époque : « Travailler sans produits chimiques de synthèse et sans OGM doit être mieux reconnu. »

Les OGM, parlons-en. On le sait, ils sont interdits au-delà de 0,9 %. Mais le problème est ailleurs. Une analyse permettant de les repérer coûte entre 800 et 1 000 euros et il n’y a pas, à ma connaissance, de budget spécifique dédié à ces recherches. Aussi sont-elles peu souvent demandées. Pourtant, lorsqu’elles sont effectuées, les irrégularités peuvent atteindre 22 %, comme ce fut le cas en 2018. Avec 60  analyses annuelles portant sur 32 produits comestibles seulement, autant chercher une aiguille dans une botte de foin.

Autre aberration du bio, les élevages de saumons. Poisson préféré des Français – nous en sommes les premiers consommateurs européens –, réputé « bon pour la santé », le saumon a été au centre de plusieurs enquêtes dont les conclusions n’ont pas manqué d’étonner. Qu’elles aient été menées par les équipes de France  2, 60 millions de consommateurs ou encore Thalassa, le bio n’est pas sorti grandi de la compétition qui l’opposait, tant en Norvège qu’en Irlande, au saumon fumé classique ou au saumon frais.

En effet, les analyses ont révélé qu’il recélait deux fois plus de polluants que ses compétiteurs. Parmi eux, du mercure et de l’arsenic. « Saumon : carton rouge pour le bio » avait titré le magazine édité par l’Institut national de la consommation. Élevé dans des fermes depuis l’éclosion, évoluant dans une eau maculée par les déjections de ses congénères, la captivité du saumon bio, et c’est là son seul privilège, se déroule dans une cage recensant un nombre réduit d’occupants, et ce, afin de le protéger des parasites. Toutefois, même appelé à être vendu sous un label bio, ce saumon est nourri à l’aide de farines issues de poissons sauvages dont la qualité est altérée par la pollution des océans. Mais pas de panique ! Les teneurs retrouvées, tant pour le mercure que pour l’arsenic, restent en deçà de la limite réglementaire. Et même s’il est recommandé, notamment aux jeunes filles et aux femmes enceintes, de limiter leur consommation de ce poisson gras, il ne présente pas de danger pour la santé. Alors, encore une fois, pourquoi accepter de payer un excédent de l’ordre de 40 %, voire plus de 100 %, pour un produit bio dont la qualité se révèle inférieure à celle de ses concurrents ?

Au rayon des légumes, le bio est tout aussi susceptible de réserver des désillusions. Après le saumon, des journalistes, de France 3 cette fois, ont décidé de mettre les carottes sur la sellette et ont fait procéder à des analyses portant sur huit marques, dont quatre arborant le label AB en 2018. Aucune trace de pesticide n’a été relevée dans les légumes que proposaient les enseignes Carrefour et Leader Price. Chez Lidl, les relevés ont révélé la présence de substances inférieures aux limites maximales de résidus (LMR). Voilà pour ce qui avait été cultivé selon les méthodes « conventionnelles ». Côté bio, les marques Carrefour, Naturalia et La Vie Claire se sont distinguées : aucun pesticide n’était à déclarer. En revanche, c’est chez Bio c’Bon que cela s’est gâté, puisque trois produits phytosanitaires, strictement prohibés par l’agriculture biologique, ont été décelés. Plutôt embarrassant : les carottes les moins chères (0,89 centime d’euro le kilo) contenaient moins de résidus que celles à 2,10 euros !

« Ce n’est pas forcément connu du grand public, mais il y a quelques produits phytosanitaires autorisés en agriculture biologique », a communiqué officiellement l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

Pour cette agence, que le bio ait recours aux produits chimiques de synthèse n’a rien de perturbant. Reste que les molécules identifiées – l’azoxystrobine, le diféconazole, le prosulfocarbe – ne figurent pas sur la liste des produits admis.

Bien évidemment, les journalistes de France 3 se sont mis en quête des raisons pour lesquelles ces légumes réputés bio avaient été contaminés. L’hypothèse d’un épandage hasardeux effectué dans un champ voisin a été avancée. Autre supposition : les carottes auraient séjourné avec un ou des produits exposés à ces pesticides lors de leur stockage, ou alors, pendant leur transport. Pour François Veillerette, directeur de l’association Générations Futures, il s’agissait ni plus ni moins d’une fraude : « La triche émane peut-être du producteur, qui n’aurait pas respecté le cahier des charges de l’agriculture bio », devait-il déclarer à l’AFP. Mais elle peut aussi avoir eu lieu au niveau du distributeur, qui aurait étiqueté délibérément des carottes issues de l’agriculture conventionnelle en carottes bio. »

De l’art de botter en touche…

Bien évidemment, la chaîne Bio c’Bon s’est empressée de démentir toute fraude.

Mais le bio draine tant de profits que les fraudes se multiplient. Je citerai pour l’exemple cet agriculteur du Rhône ayant vendu de faux légumes bio pendant plus de deux ans sur les marchés, ainsi qu’à 350 familles qui lui commandaient des paniers hebdomadaires. La supercherie a été mise au jour lorsque l’association de consommateurs qu’il approvisionnait s’est demandé comment autant de légumes bio pouvaient pousser sur 2 hectares de terre seulement. L’agriculteur, plus pragmatique, s’était procuré un faux certificat d’agriculture biologique. Et il proposait ainsi ses produits jusque dans le département de l’Isère.

« Certainement que ce monsieur n’a pas été contrôlé », devait déplorer Dominique Marion, président de la FNAB, la Fédération nationale des agriculteurs biologiques. Selon lui, ce « trou dans la raquette » serait lié au manque de moyens du service en charge de contrôler les fraudes. Et d’ajouter : « C’est à ceux qui achètent les produits de se montrer vigilants »… En d’autres termes, la FNAB se défausse sur le consommateur. C’est à lui qu’il incomberait de contrôler les produits bio. Quel est alors le rôle des structures de contrôle ?

Mais il est impossible de tout contrôler – et d’ailleurs, est-ce vraiment le rôle du consommateur ? À une autre échelle, un trafic entre l’Italie et la Roumanie, portant sur 700 000 tonnes de produits contrefaits, a été démantelé en 2012. Il portait sur plus de 2 500 tonnes de farine, soja, froment et fruits secs, qui ont été saisis. Le prix mentionné sur l’étiquette, qui les garantissait bio, était quatre fois supérieur à un produit conventionnel. Gil Rivière Wekstein, rédacteur en chef de la revue Agriculture et Environnement, auteur de Bio, fausses promesses et vrai marketing, estime que la confiance absolue est impossible. Mais il imagine mal comment chacun serait à même de vérifier « que le paysan, une fois ou deux, ne va pas nourrir son bétail avec du fourrage non bio ».

Extrait du livre de François Grudet, « Biogate, Pour en finir avec l'utopie du bio », publié chez Mareuil éditions

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