Ce réarmement moral dont la France a besoin pour vaincre la haine, la bêtise et la médiocrité <!-- --> | Atlantico.fr
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"La France a de nouveau besoin de l’élaboration collective de règles de vie commune."
"La France a de nouveau besoin de l’élaboration collective de règles de vie commune."
©Reuters

Vivre ensemble

Pour lutter efficacement contre le racisme et pour que le vivre ensemble soit possible, le pays a besoin d'un réarmement moral au sens de l'élaboration collective de règles de vie commune.

Michel Fize

Michel Fize

Michel Fize est un sociologue, ancien chercheur au CNRS, écrivain, ancien conseiller régional d'Ile de France, ardent défenseur de la cause animale.

Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages dont La Démocratie familiale (Presses de la Renaissance, 1990), Le Livre noir de la jeunesse (Presses de la Renaissance, 2007), L'Individualisme démocratique (L'Oeuvre, 2010), Jeunesses à l'abandon (Mimésis, 2016), La Crise morale de la France et des Français (Mimésis, 2017). Son dernier livre : De l'abîme à l'espoir (Mimésis, 2021)

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J’aimerais pouvoir penser que les récents propos racistes proférés à l’encontre de Christiane Taubira expriment un fort sentiment de haine à son égard. La haine a une logique, un argumentaire à faire valoir, même primaire. Elle croit par exemple à la supériorité d’une race sur une autre. Sur ce principe (aujourd’hui définitivement anéanti par la science), la haine nazie s’est abattue sur le peuple juif avec la brutalité que l’on sait. Mais ces enfants, ces jeunes filles qui, dans la rue, lâchement dissimulés dans une foule déchaînée, traitent la garde des Sceaux de "guenon", agissent, me semble-t-il, sous l’emprise d’un sentiment plus fort que la haine, et, hélas !, hors d’atteinte de la loi : la bêtise. Comme d’autres jeunes de leur âge, imbibés de culture internet, scotchés, à longueur de journées, sur les réseaux sociaux ("sociaux", je n’en suis pas sûr) où méchanceté et médiocrité avancent insolemment, en pleine lumière, et en toute impunité, ces adolescentes ont probablement, "simplement" trouvé leur propos "marrant" (terme qui revient fréquemment notamment dans la bouche des jeunes internautes harceleurs). Qu’importe leur raison, penserez-vous, de tels propos relèvent de la sanction pénale ! Certes, mais faut-il ici rappeler qu’une sanction n’a de sens, et d’efficacité, que si elle offre au sanctionné la possibilité de comprendre la portée et la gravité de ses actes ? Or, si l’on peut lutter contre la haine grâce à de puissants antidotes, comme une meilleure connaissance de l’autre, une plus grande tolérance, un meilleur accueil de la différence, comment imaginer contrarier la bêtise ? Celle-ci paraît au premier abord intouchable. Que dire en effet à ces jeunes personnes qui, sous le feu des projecteurs, et sans doute l’espoir de quelque buzz, n’ont probablement cherché qu’ "à faire les malines", comme il se disait en d’autres temps, ou "à se rendre intéressantes", c’est-à-dire à être "reconnues" dans leur individualité, comme il se dit aujourd’hui ? Peut-être faut-il leur dire que le vivre ensemble suppose, impose même, le respect inconditionnel d’autrui, qu’il n’y a de société que dans la convivialité, d’humanité que par la raison réfléchie, d’individualité acceptable que dans l’adhésion à de robustes postures généreuses et fraternelles. Oui, c’est bien d’un "réarmement moral" dont la France a besoin (au sens, non pas du retour à un ordre autoritairement imposé d’en-haut, mais de l’élaboration collective de règles de vie commune). Qui ne voit en effet que nous nageons aujourd’hui moins dans un "océan de haines" que nous ne barbotons dans un marécage de bêtises, de médiocrités et d’indignités multiformes et pluridirectionnelles ?

Le combat nécessaire contre le racisme, et toutes les discriminations, doit pour cette raison impérativement se doubler d’une lutte tout aussi acharnée contre la dérive morale (au sens défini ci-dessus) qui affecte une fraction croissante de nos concitoyens, jeunes ou moins jeunes au demeurant. C’est bien d’une nouvelle "civilisation des mœurs" que notre pays a besoin. Alors, dépassant l’"ère du vide" (de pensées), nous faut-il imaginer une nouvelle ère du progrès humain, sans argent ni "dictature de la médiocrité". L’homme ne mérite-t-il pas d’abord l’intelligence ?

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