Carnage à Bruxelles : les politiques français entre malaise et retenue <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Marc Ayrault, François Hollande et Vincent Mertens de Wilmars, l'ambassadeur belge à Paris, se sont recueillis ce mardi 22 mars.
Jean-Marc Ayrault, François Hollande et Vincent Mertens de Wilmars, l'ambassadeur belge à Paris, se sont recueillis ce mardi 22 mars.
©Reuters

Déchéance de nationalité

La gêne, voire le malaise, était palpable dans les couloirs du Sénat où la majorité de Droite a confirmé par 176 voix contre 161, son refus de voter un texte sur la déchéance de nationalité conforme à celui qui avait été laborieusement adopté à l'Assemblée, privant François Hollande et le gouvernement des trois cinquièmes de voix nécessaires pour la révision constitutionnelle.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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En politique, il existe des coïncidences particulièrement malheureuses et la programmation du vote (-et son résultat négatif), sur la déchéance de nationalité pour actes terroristes au Sénat le jour où des attentats meurtriers ensanglantaient la Belgique, en était une. Le fait que le président du groupe socialiste de l'Assemblée Nationale, Bruno Le Roux balance un tweet assassin sur "l'irresponsabilité de la droite sénatoriale "ce jour-là (avant les attentats, plaide-t-il) , en était une autre. Cette initiative pour le moins malheureuse a fait bondir l'opposition qui a dans un premier temps, surjoué l'indignation, bien contente de trouver un prétexte de s'en prendre à la majorité, mais la polémique a rapidement tourné court, car tout le monde avait conscience que la gravité de la situation n'autorisait pas les excès . Et les députés ont su éviter les invectives et autres broncas qui avaient beaucoup choqué au lendemain du Congrès de Versailles en novembre dernier. En l'absence de Marine Le Pen, le Front National a demandé le rétablissement des frontières en Europe. Rien d'excessif : au FN on ne voulait pas non plus en rajouter après les déclarations de Marion Maréchal Le Pen qui avait dit qu'avec" le FN au pouvoir, il n'y aurait pas eu les attentats du 13 novembre !"

En revanche, la gêne, voire le malaise, était palpable dans les couloirs du Sénat où la majorité de Droite a confirmé par 176 voix contre 161, son refus de voter un texte sur la déchéance de nationalité conforme à celui qui avait été laborieusement adopté à l'Assemblée, privant  François Hollande et le gouvernement des trois cinquièmes de voix nécessaires pour la révision constitutionnelle. Ne ménageant pas sa peine, le président du groupe L.R. ( Les Républicains), Bruno Retailleau a multiplié les déclarations pour justifier ce vote en avançant que "la déchéance n'est pas une arme de dissuasion" ou encore en avançant que c'est la majorité sénatoriale qui est fidèle au souhait exprimé par le président de République (à savoir la déchéance pour les binationaux) . Mais il existe une explication beaucoup plus politique à ce refus. En réalité ce vote marque la victoire des Fillonistes (majoritaires au sein de la droite sénatoriale), sur les Sarkozystes. François Fillon est contre la déchéance pour les binationaux et Nicolas Sarkozy est, depuis le départ, favorable à l'adoption de ce texte, en cohérence avec ce qu'il préconise depuis 2010. Un incident s'était d'ailleurs produit entre les deux hommes, lors de la réunion du groupe LR à l'Assemblée il y a trois semaines. Cette division n'avait du reste pas échappé à Manuel Valls qui, il y a quelques jours, avait pointé le débat "interne à la droite", en regrettant que le vote sur la déchéance "soit pris en otage par la primaire à droite". Ce refus de voter un texte conforme à celui de l'Assemblée  contrecarre aussi l'engagement pris il y a quelques semaines par Gérard Larcher, le président de la Haute Assemblée de parvenir à un compromis avec l'Assemblée sur la déchéance. Si l'ensemble des sénateurs faisaient plutôt profil bas, bien conscients que leur position était difficile à justifier un jour où le terrorisme provoque la mort de 35 personnes à Bruxelles, il s'est trouvé quelques voix dissonantes pour fustiger cette attitude comme celle du sénateur centriste de la Haute-Vienne, Jean-Marc Gabouty, qui a déploré " nous discutions du sexe des anges alors qu'il y a des morts à Bruxelles".

Dans la majorité, son collègue socialiste, le très modéré sénateur maire de Lyon, Gérard Collomb renchérissait "nous ne sommes pas à la hauteur des évènements des évènements du 13 novembre et de Bruxelles. Dans ce genre de circonstances nous devons nous mettre d'accord". Aujourd'hui tout le monde est à la recherche d'une porte de sortie," à cause des circonstances". Bien sûr, que ce n'est pas uniquement la déchéance de nationalité qui dissuaderait des apprentis terroristes de passer à l'acte. Mais ce n'est plus tant de son efficacité qu'il s'agit que du refus des politiques de se doter d'une arme de plus. Et parmi des armes, il y a justement celle, avancée par Nathalie Kosciusko-Morizet, défendue par des nombreux élus, et déjà sur la table de la commission des Lois du Sénat, de voter une peine de " perpétuité réelle" pour les terroristes. Cette disposition empêcherait tout réexamen d'un condamné pour terrorisme avant 30 années d'emprisonnement." Nous n'avons aucun problème à examiner des mesures qui soient efficaces", a déclaré le Premier Ministre, manifestement soucieux de parvenir à une solution. Manuel Valls veut prendre les Français à témoin : ils "ne comprendraient pas que l'Assemblée Nationale et le Sénat, la majorité et l'opposition ne puissent pas se mettre d'accord ". Quant au Président du Sénat, il a demandé et aussitôt obtenu un rendez vous en tête à François Hollande. La lumière jaillira-t-elle de cet entretien, en raison des circonstances invoquées ?

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