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Baisse du moral chez les patrons allemands : faut-il s’en inquiéter ?
©Flickr

Coup de blues

Selon l’Institut Ifo, le moral des entreprises allemandes a chuté au mois d’octobre pour la première fois depuis six mois, mettant en relief la fragilité de la reprise économique dans la région. Cette baisse de moral se justifie par l'appréciation de l'euro ainsi que par le shutdown américain qui a eu des conséquences sur l'économie mondiale.

Francesco Saraceno

Francesco Saraceno

Francesco Saraceno est économiste senior au sein du département Innovation et concurrence de l'OFCE. Il est également signataire de la tribune : The economist warningVous pouvez le suivre sur son compte twitter : Francesco Saraceno.

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Atlantico : L'indice du climat des affaires de l’Ifo Institut économique, mesure clef du moral des patrons dans les secteurs commerciaux et industriels de la plus grande économie de l’Europe, est tombé à 107,4 points, contre 107,7 en septembre. C'est la première baisse de cet indice depuis six mois. Faut-il s’inquiéter de cette situation ? A quoi ces baisses de moral sont-elles dues ?

Francesco Saraceno : Tout dabord, je crois qu'il faut relativiser la baisse de moral, qui est de quelques décimales de point. Cependant, il est vrai qu'elle est inattendue. Elle s'explique par deux facteurs. Le premier est l'appréciation de l'euro (qui a gagné 8% par rapport au dollar depuis juillet dernier). Le deuxième est le shutdown aux Etats Unis, qui a montré les effets que le blocage du système politique américain pouvait avoir sur la croissance mondiale.

Ces facteurs laissent les entreprises craindre pour leurs exportations, qui sont le moteur principal de la croissance.

Quels sont les signaux qui montrent que la reprise est fragile ? Cela remet-il en compte l’invulnérabilité de l’Allemagne ?

La reprise est là et elle est durable. Dans ses prévisions de mercredi dernier, l'OFCE estime qu’après deux années de récession en 2012 et 2013, la croissance s’établirait à 1,1 % en 2014. Mais les taux de croissance qu’on peut prévoir pour les prochaines années ne seront pas suffisants à renverser la courbe du chômage, qui pour la zone euro atteint aujourd’hui le niveau record de 12%. En outre, cette reprise est très inégale et portée par une poignée de pays.

Des grands pays comme l’Italie et l’Espagne ne renoueront avec la croissance qu’en 2014, après une année 2013 désastreuse. Dans plusieurs pays du sud, la déflation salariale et le fardeau de la consolidation budgétaire ont amputé le pouvoir d’achat des ménages, ce qui fragilise la reprise à moyen terme en la rendant dépendante des exportations. Les écarts entre le « centre » et la « périphérie » se creusent au lieu de se resserrer. Nous sortons de la crise plus fragiles qu'avant d'y entrer.

Quelles sont les principales inquiétudes concernant l'Allemagne à moyen terme ?

Il y en a plusieurs. La première est liée à sa spécialisation dans la production d’outils et de biens d’investissement, principalement pour le marché de l’exportation. Or les dépenses d’investissement sont au minimum dans les pays de l’OCDE (et en particulier dans la zone euro), mais elles reculent aussi en Chine, qui tente de rééquilibrer son modèle de croissance vers plus de consommation et moins d’exportations et d’investissement. La demande pour les biens d’investissement produits en Allemagne risque de stagner.

Une deuxième inquiétude est liée au fait qu'une partie de la compétitivité allemande dans la décennie passée s’est faite par la modération salariale. Or la déflation salariale des pays du sud de la zone euro risque de réduire cet avantage.

Enfin, la dernière source potentielle de soucis pour l’économie allemande est l’état de ses infrastructures. La compression de la demande interne au profit des exportations a comporté une réduction importante des investissements en infrastructures et en recherche. Ceci se traduira à moyen terme en coûts de production plus importants, et en une moindre compétitivité.

Comparé à ses voisins, l'Allemagne reste-t-elle néanmoins solide ?

A court terme certainement car, comme déjà dit, la crise est en train de frapper davantage les pays du sud. Mais à moyen terme, pour les raisons déjà évoquées, l’avantage allemand risque de disparaître s’il n’y a pas un vrai changement de cap.

Propos recueillis par Karen Holcman

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