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Automobile, train, avion, électroménager : les objets connectés vont sauver les industries traditionnelles
La digitalisation était nécessaire mais la connectivité des objets va devenir incontournable, elle va sauver les industries traditionnelles de la menace d‘emprise des géants de la tech.
Jean-Marc Sylvestre
Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.
Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.
Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.
Ce qui se passe dans l‘industrie automobile, le ferroviaire, l’aéronautique et même dans l’électroménager est absolument extraordinaire. Il y a très peu de temps, on croyait que ces industries étaient complètement condamnées. On pensait que leur avenir ne pourrait se jouer que dans les pays émergents et que, quoi qu’on fasse ou quoi qu‘on dise, les délocalisations industrielles allaient continuer de vider les pays développés de leurs industries. Pourquoi ? Eh bien parce qu’on pensait que les seuls gisements de développement n’existaient que dans les marchés nouveaux comme la Chine, l’Inde ou l’Afrique (ce qui n’était pas faux), mais aussi, plus grave, parce qu’on prédisait que l’essentiel de la valeur sur ces produits serait apporté par les composants digitaux.
Au bout du compte, on ne prédisait aucun avenir aux industriels qui avaient fait leur fortune au siècle dernier et qui étaient désormais ravalés au rang d’assembleurs gérants de chaines de montage, dépendants des Gafam, fournisseurs de softwares ou gérants de marketplaces dans le E-commerce.
En d’autres termes, puisque la valeur allait se déplacer, les emplois et les investissements allaient se concentrer sur les Google, Microsoft, Amazon, Alibaba et les tous les grands du digital. Dans le même temps, les industries traditionnelles s’organisaient pour continuer de fermer leurs usines les unes après les autres, donnant raison à Joseph Schumpeter et à sa théorie de destruction créatrice.
En réalité, s’il existe bien une évolution dans la chaine de valeur, ça n’est pas pour autant que les industries traditionnelles vont perdre la main et le pouvoir sur l’évolution de leur activité. Ce qui se passe dans l’automobile, le train, l’avion, l’électroménager et même la confection prouve qu’il y a une vie et un avenir après le digital.
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Dans l’automobile, l’évolution qui se prépare chez Stellantis (Peugeot-Citroën-Fiat) va bien au-delà du passage au tout électrique, qui est désormais acté et programmé. La vraie révolution sera sur la connectique. Carlos Tavares a rendu publique très récemment une stratégie logicielle très ambitieuse.
D’abord, toutes les voitures livrées seront connectées dès cette année à Internet, mais il estime que les 34 millions de véhicules connectés qui composeront son parc de voitures vendues en 2030 génèreront plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, avec une marge équivalente à celles des plus riches entreprises de la tech.
Le modèle consistera à vendre aux conducteurs et usagers de la voiture, des services par abonnement, des mises à jour à distance et l’exploitation des données de comportement. Dès l’année prochaine, Stellantis proposera de services d’assurance adaptés et individualisés. En bref, la voiture, au-delà de sa valeur d’actifs, sera monétisable grâce aux services qu‘elle permettra de vendre. Du coup, l’activité se protège et s’affranchit de la pression des groupes de tech.
Dans le ferroviaire, quand la SNCF lance SNCF Connect, une super application qui va regrouper tous les services existants actuellement et qui partaient un peu dans tous les sens (billetterie, horaires etc), elle répond à la même évolution mise en œuvre dans l‘automobile, à savoir connaître son client et rester en contact permanent avec lui, donc la SNCF pourra lui offrir quantités de services marchands.
Les compagnies aériennes et les constructeurs de l’aéronautique l’ont compris. Les avions doivent être connectés à Internet pour que les voyageurs, eux-mêmes, soient connectés, non seulement pour travailler et communiquer, mais aussi pour recevoir des bouquets d’offre de services et de produits.
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Dans l’électroménager, le groupe Seb est déjà très en avance avec les produits et des appareils qui sont tous désormais connectés à Internet, ce qui permet de gérer les approvisionnements, de passer les commandes et des quantités de services.
Le secteur de la santé est actuellement, lui aussi, en pleine révolution et la principale innovation est moins la digitalisation que la connectique, qui permet de mettre sous surveillance les patients, ceux qui sont malades pour optimiser les soins mais aussi pour prévenir et protéger les bien portants. On ne le répètera jamais assez, mais une entreprise comme Doctolib a bouleversé la médecine libérale, elle a aussi sauvé son développement tout en amélioration la gestion de l’assurance maladie.
Dans le secteur de la confection, par exemple, dont la production a été très rapidement et presque totalement délocalisée, la connectique peut faire remonter très vite à partir de chaque lieu de vente les informations clients, et ainsi permettre à des grandes chaines internationales de réagir et de répondre aux besoins. Elle lui permet aussi de rapprocher la production du lieu de distribution donc d’individualiser ou de relocaliser la production grâce aux robots.
Cette révolution de la connectivité, qui ne fait que commencer, a deux conséquences.
D’une part, elle permet de rééquilibrer la répartition de valeur entre les différents composants. Le gérant de la marque a une chance de récupérer une grande partie de la valeur qui est préemptée par les fournisseurs de software et ainsi de relocaliser la production.
Mais d’autre part, revers de la médaille, la connectivité met le client final en surveillance permanente, au risque d’hypothéquer sa liberté individuelle. C’est évidemment le danger, sauf que la captation des data personnelles n’est plus récupérée que par quelques géants mondiaux, qui peuvent parfaitement les exploiter, sous des « marques » très différentes dont l’intérêt aussi est de ne pas gêner leurs clients.
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