Après la big affaire Bygmalion à l’UMP, une mini affaire Bygmalion du côté du PS ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Plusieurs membres de la famille Kader Arif, le secrétaire d’Etat aux Anciens combattants et à la Mémoire (ici en photo), sont inquiétés dans cette affaire.
Plusieurs membres de la famille Kader Arif, le secrétaire d’Etat aux Anciens combattants et à la Mémoire (ici en photo), sont inquiétés dans cette affaire.
©Reuters

Tous les mêmes ?

Alors que l'affaire Bygmalion continue de provoquer des remous chez l'ancienne équipe de campagne de Nicolas Sarkozy, la Police Judiciaire s'intéresse depuis quelques jours à AWF Music, un prestataire de scénographie de meetings, soupçonné d'avoir été avantagé par le Conseil Régional Midi-Pyrénées et dont les liens remonteraient jusqu'au Parti socialiste et à l'entourage de François Hollande.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Le Parquet national financier a été saisi des marchés passés entre AWF Music, entreprise spécialisée dans la sonorisation et l’éclairage de meetings, de spectacles ou d’autres manifestations, et le Conseil régional de Midi-Pyrénées.
  • A la tête d'AWF Music se trouve Aïssa Arif, le frère de Kader Arif, secrétaire d’Etat aux Anciens combattants et proche de François Hollande. Après l'arrivée de leur autre frère, Ali, à la communication du Conseil régional de Midi-Pyrénées, tous les contrats événementiels de la région iront à AWF Music.
  • AWF Music s’est par ailleurs occupée des divers meetings de l’ancien premier secrétaire du PS, soit à l’occasion de la primaire pour désigner le candidat du Parti à la présidentielle, soit pour la campagne à la conquête de l’Elysée.
  • AWF Music, qui  réduisait au maximum les coûts de ces événements sur le terrain mais pas forcément sur les factures, a engrangé de substantiels bénéfices.
  • En 2013, malgré un marché indicatif de 2,8 millions d'euros avec le Conseil régional de Midi-Pyrénées, AWF Music se retrouve en quasi liquidation judiciaire. Liquidation qui interviendra finalement en 2014. Plus aucune trace de la comptabilité d’AWF Music ne subsisterait.
  • Comment expliquer  qu’une entreprise qui réalise un chiffre d’affaires de 899 000 euros en 2013  puisse se retrouver avec un déficit de 245 000 euros ? Où est passé l'argent ? C'est ce que cherche à savoir la PJ.

Une autre affaire Bygmalion, qui toucherait le PS est-elle en train de couver ? Pour l’heure, supputations … Au centre de ces interrogations, l’entreprise AWF Music qui semble avoir été choyée en région Midi-Pyrénées et lors des meetings du candidat à la présidentielle, François Hollande. La PJ enquête sous le contrôle, depuis quelques jours, du Parquet financier national à Paris.

Y aurait-il un remake de l’affaire Bygmalion (sans commune mesure quant aux montants) qui atteindrait cette fois le PS et le financement de François Hollande à l’occasion de sa campagne pour la primaire puis pour la présidentielle de mai 2012 ?  Pour l’heure, il ne s’agit là que de supputations et d’interrogations qui reposent sur quelques indices. Au centre de ces interrogations, une entreprise spécialisée dans la sonorisation et l’éclairage de meetings, de spectacles ou d’autres manifestations. Son nom : AWF Music. Cette entreprise s’est occupée des divers meetings de l’ancien premier secrétaire du PS, soit à l’occasion de la primaire pour désigner le candidat du Parti à la présidentielle, soit pour la campagne à la conquête de l’Elysée. A ce titre, c’est AWF Music qui devait organiser la logistique pour 30 meetings. Tel était le contrat passé avec le PS qui avait obtenu des conditions  financières extrêmement avantageuses…Une sorte de prix de gros. Or, au bout de 22 meetings, le PS a dit stop, mettant évidemment AWF Music dans l’embarras.

C’est ainsi que le 5 mars 2012, cette entreprise réalisait son dernier meeting au Parc des expositions de Nancy pour le compte de François Hollande. Que  s’est-il passé ? Pourquoi le PS a-t-il stoppé sa collaboration avec AWF Music ? Lors de ces meetings, AWF Music, qui réduisait au maximum les coûts – celui de Nancy n’a eu recours qu’à  9 techniciens alors qu’il en aurait fallu plus du double- a  tout de même engrangé de substantiels bénéfices. C’était "une véritable cash machine"  nous confirme-t-on ici et là…  Or, nous le verrons, elle va aller à la catastrophe. En substance, la liquidation judiciaire. Ce qui parait incompréhensible. De l’argent se serait-il envolé ? Vers quelles directions ? La campagne du candidat Hollande aurait-elle pu être sous-évaluée ? La réponse à cette question parait difficile. Plus aucune trace de la comptabilité d’AWF Music ne subsisterait. Et pour cause : elle aurait été passée au broyeur. Faux, nous a répondu Patrick Roumagnac, l’avocat d’AWF Music avant d’ajouter : "Vous verrez que l’enquête de la police ne révélera aucune anomalie dans la gestion de la société. Je suis très content qu’elle ait été délocalisée de Toulouse à Paris. Nous retrouverons le climat serein que l’on perd à Toulouse. Je vous signale que les ordinateurs d’AWF Music ont été saisis, ce qui devrait permettre aux enquêteurs de démêler cette affaire… qui n’en n’est pas une, car jamais cette société n’a été favorisée en quoique ce soit par le conseil régional de Midi-Pyrénées". 

Pour l’heure, pourtant,  ce sont précisément les marchés attribués à AWF Music par le conseil régional, présidé par Martin Malvy (PS) qui posent problème. Tellement que les élus du groupe d’opposition Osons Midi Pyrénées ont décidé de saisir la justice par l’intermédiaire de leur président Jacques Thouroude. Pour vérifier les anomalies soulevées par ces élus, le Procureur  de Toulouse a décidé il y a peu, d’ouvrir une enquête préliminaire. Une décision qui a été le dernier acte du magistrat, puisque trois jours plus tard, ce dernier partait en retraite. Quelques semaines après l’ouverture de cette enquête préliminaire, qui  se déroule depuis quelques jours sous la direction du parquet national financier dirigé  par Eliane Houlette, les limiers de la PJ toulousaine menaient une perquisition au service comptabilité du conseil régional de Midi-Pyrénées. Une initiative très discrète qui ne semble pas avoir dépassé les limites de l’Assemblée régionale… Mais qui a tout de même sinon inquiété, tout du mois intrigué le président Malvy. Qu’est- ce donc que AWF Music ? Qui étaient ses dirigeants réels ? Pourquoi a-t-elle obtenu une part si  belle du gâteau ? Comment était-elle gérée ? Comment expliquer  qu’une entreprise qui réalise un chiffre d’affaires de 899 000 euros en 2013  peut se retrouver avec un déficit de 245 000 euros ? A toutes ses questions, la PJ commence à avoir quelques réponses.  Pour comprendre les liens privilégiés tissés entre AWF Music et le conseil régional, un peu d’histoire…

Depuis des lustres, le conseil régional de Midi-Pyrénées organise toute une série d’évènements, ici pour la remise de trophées, là, pour les vœux, là encore pour une remise de décoration. Bien évidemment, toute une logistique est nécessaire : installation d’estrades, éclairage, sonorisation, décor, Jusqu’en 2007, tout se passe bien. Diverses entreprises, chargées de mettre sur pied cette scénographie, obtiennent des marchés sans que personne n’y trouve à redire. Jusqu’à ce qu’en 2007, survienne un évènement qui va tout bousculer. Il s’agit de l’entrée au service de la communication institutionnelle et opérationnelle d’Ali Arif, le frère de Kader Arif, futur secrétaire d’Etat aux anciens combattants et très proche du futur président de la République. Sur Ali Arif, Me Roumagnac en rirait presque : "Il n’a aucun poids, pas la moindre influence. Comment voulez-vous qu’il en est ? C’est un fonctionnaire de catégorie C". Fermez le ban. Ali Arif ou pas, toujours est-il que c’est à partir de 2007, nous ont confié quelques patrons locaux d’entreprises d’Evénementiel, d’éclairage ou de décor,  que plus aucun marché ne leur a été accordé. Ils ont été systématiquement écartés.

A cette date, ils ont tout simplement décidé de ne plus concourir à un appel d’offres où AWF Music se portait candidat. Tellement que l’un d’entre eux envisage de déposer plainte au Parquet de Toulouse. Devinette : qui obtient désormais les marchés pour les diverses manifestations ? Eh bien, un membre de la famille Arif qui n’est autre qu’Aissa  le frère d’Ali et de Kader. C’est lui, Aissa le gérant d’AWF Music, une société spécialisée dans la sonorisation et la mise en scène d’évènements. Il faut dire qu’il sait y faire lui qui a été le régisseur de la Star Academy au cours des années 2006-2007. Question mise en scène, pas de doute : c’est un as. Et un malin. Sous sa houlette, les marchés ne sont plus décomposés en trois lots : un pour l’éclairage, un second pour les décors et un troisième pour le son. Désormais, on concourt pour un seul lot. Une façon d’éliminer les concurrents. Aussi, nous a-t'on précisé, les entreprises d’éclairage n’ont plus que leurs yeux pour pleurer… C’est ainsi qu’après l’arrivée d’Ali Arif au service com’ du conseil régional et d’Aïssa Arif à la tête d’AWF Music, qui pour l’anecdote est immatriculée au Tribunal  de commerce de Pontoise, avec des gérants de paille, cette dernière rafle tout. L’autre concurrent, GL Events numéro mondial dans ce domaine- c’est lui qui a décroché le marché de "la mise en scène des Jeux Olympiques" (Londres 2012 et bientôt Rio de Janeiro)- est d’emblée éliminé. On comprend pourquoi : ses prix sont 40% supérieurs à ceux d’AWF Music…  Donc après avoir éliminé ses concurrents, AWF Music remporte  un marché juteux au conseil régional.

Le cahier des charges de ces marchés est rédigé par la direction de la communication. Un document surréaliste qui bien souvent exige des quantités de matériel largement supérieures aux besoins "classiques"  d’une collectivité locale. Pensez donc ! On est allé jusqu’à 228 projecteurs exigés sur certaines manifestations avec foison de projecteurs dernier cri : un véritable show de lumière digne des Zeniths, même si à travers les photos et vidéos de ces manifestations, on peine à voir cette débauche de moyens. Autre bizarrerie :  tous les marchés passés entre AWF Music et le conseil régional de Midi-Pyrénées sont des marchés à bon de commande sans maximum dont le montant initial n’est que purement indicatif. Une technique qui permet à la Région d’augmenter en cours de route le montant des prestations commandées à AWF Music. C’est ainsi qu’en 2009, le marché conclu pour quatre ans avec l’assemblée régionale s’élève à 345 000 euros… pour atteindre en bout de course – en 2013 - 1,7 million euros. En août 2013, l’opération se répète… Mais plus juteuse encore, puisque le marché indicatif a grimpé désormais à  2,8 millions euros… 2013 : une date-clé dans la vie d’AWF. Elle se trouve en quasi liquidation judiciaire.

En toute logique, grâce à ce nouveau contrat, elle pourrait sortir la tête de l’eau. Eh bien non, ce sont deux autres sociétés, l’une dénommée AWF immatriculée au registre du commerce à Castres, l’autre All Access qui prennent  la suite avec comme gérant officiel, un certain Jérôme Legras. En réalité, les deux patrons de ces entreprises ne sont autres que Nassim et Idriss Arif, les deux neveux de Kader Arif. Visiblement, ces derniers –comme Aissa- sont un peu chez eux au Conseil régional. Il est vrai que Nassim y compte un très bon ami. Il s’appelle Philippe Joachim, a occupé jusqu’à ces derniers temps, le poste de directeur du cabinet de Martin Malvy. Il y a peu encore, il assurait la présidence du club de rugby de Blagnac, dont Nassim Arif était demi de mêlée… Naturellement ça entretient des liens !  En avril 2014, Philippe Joachim a quitté Martin Malvy pour devenir directeur de la communication du conseil régional…Il a été  remplacé par Ugo Douard qui n’est autre que le beau-frère de Thomas Thevenoud, l’ancien secrétaire d’Etat au commerce extérieur de Manuel Valls, contraint de démissionner il y a peu pour cause de "phobie administrative" !

Avril 2014. La tempête s’apprête à souffler sur AWF Music. Etrangement l’entreprise est exsangue alors qu’elle n’a cessé de travailler, d’obtenir depuis trois ans de coquets marchés. Témoin, on l’a vu, l’organisation des meetings pour Hollande ou les marchés passés avec la région Midi-Pyrénées. Eh bien non ! Plus rien ne va. Il est vrai qu’ AWF Music néglige de payer ses fournisseurs, leur laissant des ardoises de 8 voire 10 000 euros. De plus elle doit faire face à des avis à tiers détenteur en raison d’impôt sur le revenu et taxe d’habitation non acquittés pour les années 2011 et 2012, par Nathalie, l’épouse d’Aïssa Arif, également salariée d’AWF Music. Résultat : l’inspecteur divisionnaire des Finances publiques de Colomiers Haute-Garonne réclame 9127 euros pénalité de 10% incluse. Prudents, les dirigeants de l’entreprise auraient pris la précaution de délocaliser la quasi-totalité du matériel dans deux locaux à usage professionnel situés sur  une commune de la proche banlieue toulousaine.

La fin approche. Elle survient le 29 avril 2014 lorsque la SARL AWF Music écrit au tribunal de commerce de Pontoise pour se déclarer en cessation de paiement. Incapable de  présenter un plan de redressement judiciaire, elle demande l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire. Quelques jours plus tard, en chambre du conseil, se déroulent les débats en présence d’un représentant du cabinet  de Me Patrick Roumagnac, avocat au barreau de Toulouse et conseil de la SARL AWF Music. Verdict (pas surprenant) : liquidation judiciaire.  Avec quelques chiffre qui laissent pantois : 887 999 euros de chiffre d’affaires en 2013 ;  245 717 euros de passif et un actif disponible de 4 963 euros… Tout cela avec 3 salariés seulement….Disons-le franchement : on est impatient de connaître le résultat des investigations de la PJ  sur cette bien curieuse société AWF Music, devenue aujourd’hui AWF. Tout court….

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