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Apprendre à gérer ses émotions au travail et gagner en efficacité et en épanouissement au bureau
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Bien travailler

Deuxième épisode de notre série sur les émotions. Ne pas être capable de gérer ses crises d'angoisse, de stress au bureau peut être mal vécu. Dans la mesure où les émotions ne peuvent être ignorées indéfiniment, apprenons à mieux connaitre celles qui nous font défaut pour ensuite être capable de les gérer.

François Baumann

François Baumann

François Baumann est médecin généraliste, fondateur de la Société de Formation Thérapeutique du médecin Généraliste (SFTG). Intéressé par toutes les dimensions des Sciences Humaines et Sociales qui participent à une meilleure santé des hommes, il a publié de nombreux ouvrages sur ces thèmes. Il est également enseignant à l'Université Paris V et membre du comité Scientifique International de l'UNESCO (département de Bioéthique).

Il est auteur de Burn Out : quand le travail rend malade, L'après burn-out et Le Bore-out, quand l'ennui au travail rend malade aux éditions Josette Lyon. 

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Catherine Berliet

Catherine Berliet

Catherine Berliet intervient depuis 15 ans en conseil, formation, coaching de cadres et dirigeants pour le compte de grandes entreprises françaises. Diplômée en communication, elle est également thérapeute, praticien en Rêve Eveillé libre. Elle est co-auteur de : Et si je choisissais d’être heureux  ! : Le bonheur mode d’emploi  paru en juillet 2014 aux Editions Eyrolles, Manager au quotidien et Les outils de développement personnel du manager aux Editions Eyrolles. Elle est auteur de Et si je prenais mon temps aux Editions Eyrolles et co-auteur de "Et si je choisissais d'être heureux" avec Capucine Berliet toujours aux éditions Eyrolles

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Atlantico : En 2014, les risques de Burn Out concernent 12% de la population active française, selon une étude réalisée par Technologia, un cabinet d'évaluation et de prévention des risques au travail. Dans quelle mesure peut-il s'agir des conséquences d'une mauvaise gestion de ses émotions au travail ?

François Baumann : Le Burn Out n'est pas uniquement en rapport avec une mauvaise gestion des émotions au travail. Mal gérer ses émotions signifie laisser celles-ci s'exprimer, en positif comme en négatif, au mauvais moment. C'est certainement un handicap remettant en cause la personne, qui s'est exprimée parfois un peu vite, et ses relations avec les autres en général. L'exemple de la colère qui est globalement une émotion négative est très significatif. On peut regretter après coup une colère subite qui peut se traduire, pour les collègues, par un manque de contrôle de soi et peut être le début d'une souffrance au travail ou d'un Burn Out.

Mais il existe bien d'autres raisons de développer un Burn Out dans la mesure ou la bonne ou la mauvaise conduite de ses émotions n'étant qu'une partie du problème. Cette gestion difficile s'associe plus généralement à un caractère perfectionniste qui, précisément, peut empêcher de relativiser les événements bons ou mauvais de la vie. Ceci entraine irrémédiablement des réactions inconsidérées et donc l'expression d'émotions déplacées ou inadéquates. Ainsi les remarques de collègues ou de supérieurs hiérarchiques, même si elles ne supposent pas toujours une agressivité importante ou menaçante pour la personne, peuvent entraîner des réactions vives, dépressives, comme, par exemple, des crises de larmes , des insomnies, de la tristesse; tout cela n'étant sans rapport avec la gravité de la cause initiale.

Le Burn Out est généralement dû à l'accumulation d'un surmenage important qui est, dans tous les cas, mal toléré par la personne. Sur cinq personnes soumises au même stress, deux ou trois pourront développer un Burn Out, alors que les autres, mieux défendus ou probablement préparés émotionnellement, n'iront pas jusqu'à cette maladie grave .

Catherine Berliet : Personnellement, mon expérience au cœur des entreprises m’oblige à apporter un bémol en évitant d’associer exclusivement le Burn Out au facteur de la mauvaise gestion des émotions au travail.  L’homme étant traité comme « une ressource humaine » et, utilisée en tant que telle, les conditions de son exploitation deviennent aujourd’hui bien souvent inhumaines. N’en déplaise aux diktats Corporate brandissant des valeurs de façade érigées en totems et viatiques pour préfigurer un univers professionnel conforme, normalisé, pasteurisé et à priori dénué de risques psycho-sociaux. Vœux pieux et propositions dévoyées. L’incertitude grandissante, les contraintes incessantes, la pression du rendement, la nécessité de la performance, exercent un joug qui pourrait être structurant et motivant s’il était associé à une reconnaissance, à une loyauté, à un véritable respect. Or il n’en est rien, les dés sont pipés, les règles du jeu bafouées,  ceux qui managent sont eux-mêmes livrés aux fluctuations et aux errances d’un marché mondial devenu incontrôlable et imprévisible, laissant libre cours à tous les contournements.

En France, la montée du chômage a inversé le rapport de force. Ce rapport crée une pression et un cercle vicieux qui n’agit pas en faveur de la sérénité des salariés. Le ratio est déséquilibré et pousse chacun à se surpasser, souvent sans vision, avec le sentiment de ne pas avoir la main et de ne plus comprendre le sens, avec le spectre d’être interchangeable aussi.  Qu’en serait-il si le rapport de force s’inversait dans un contexte de pénurie de main d’œuvre ? Prenons l’exemple des industries à haute valeur ajoutée dans la Silicone Valley où le rapport est plus équilibré, où les horaires sont flexibles, où les salaires sont très élevés, et les avantages en nature substantiels, parle-t-on autant de Burn Out dans ce contexte là ? Et si c’était un mal français ?

Le Burn Out survient lorsque les personnes concernées ont le sentiment de ne pas disposer des ressources nécessaires pour accomplir leurs objectifs et qu’elles n’ont plus le choix. Ce qui m’amène à penser que ces mêmes personnes n’ont pas su, à un moment donné, alerter leur hiérarchie, dire non, parler d une difficulté ou d’une surcharge de travail. Il s’agirait donc plus de la non expression d’un ressenti ou d’un manque de communication. Le mutisme est de mise et vient plomber les esprits sans les délivrer.

On ne peut pas constamment cacher ce que l'on ressent. Mais nos émotions, autant positives que négatives, constituent le plus souvent une gène. Quelles méthodes peut-on donner aux salariés pour apprivoiser leurs émotions ?

François Baumann : Il n'y a pas de méthode "magique" pour apprivoiser ses émotions. Il est simplement nécessaire de réfléchir avant d'exprimer une idée ou bien de ne pas confondre émotion superficielle et sentiment profond. On peut avoir le sentiment d'une injustice et se révolter de façon logique. Par contre une réflexion déplacée de l'un ou de l'autre peut entraîner une réaction émotionnelle qu'il sera alors préférable de contenir par le fait qu'elle est plus superficielle et aussi plus passagère. Pourquoi ne pas en parler pour l'évacuer ?

Catherine Berliet : Nos sociétés fabriquent des personnages lisses, des univers  tout aussi édulcorés où chacun est soumis à la double contrainte : assurer quoiqu’il arrive et faire comme si tout allait bien, comme s'il approuvait, comme si rien n’avait prise sur lui. Le doigt sur la couture du pantalon, je suis un parfait robot… Surtout ne jamais faire de vagues,  voilà bien ce qui musèle et désespère sur le long terme. Les salariés  se donnent le rôle de l’enfant soumis au bon vouloir d’une direction qui souvent perd le sens du bien être au profit du cap financier.

La plus grande méprise réside dans le fait que les collaborateurs pensent que les émotions n’ont pas leur place dans l’entreprise. Erreur fatale, car s’il n’y a pas de place pour l’affectivité et le pathos, il reste une place immense pour le ressenti. L’émotion qui monte en nous surtout si elle est négative, comme la colère, la tristesse, la honte ou la peur sont des baromètres qui nous apprennent beaucoup sur nous mêmes et sur ce qui menace notre intégrité, nos valeurs, notre éthique. Reconnaissons ces émotions, laissons-les émerger, sans les ignorer. Et c’est en leur donnant la parole qu’elles s’exprimeront à bon escient, de façon régulée,  sans monter au cocotier.

Les méthodes sont multiples, et la psychologie humaniste nous apporte une hygiène de vie qui fait appel à la fois à l’intelligence émotionnelle,  à la mise en avant de l’attitude permanente positive, de l’optimisme, de la respiration ou de la préparation mentale. Apprivoiser ses émotions est l’apanage de l’âge et ce n’est rien d’autre qu’une approche des émotions par l’intelligence des situations. Vous pourrez utiliser la stratégie rationnelle émotive qui consiste à décortiquer toutes les étapes d’une situation anxiogène : identifier l’élément déclencheur, pointer les réactions associées, capter la pensée automatique qui vient à l’esprit, et lui opposer à postériori une pensée rationnelle. Tout ceci suppose une distanciation salutaire proche de la secondarité et bien éloignée de la spontanéité et de la primarité du jeune enfant qui n’utilise aucun filtre entre son ressenti et le monde qui l’entoure.

Le mal-être au travail entraîne-t-il souvent un Burn Out? Comment en arrive-t-on jusque là ?

François Baumann : Le mal-être au travail est facteur de stress quotidien et, comme le Burn Out, il peut être considéré comme l'aboutissement d'un stress chronique. Il faut à tout prix repérer la cause de ce stress et essayer de l'éradiquer , sous peine d'un enkystement de la situation et de l'arrivée à terme d'un Burn Out plus grave. Il est donc impératif de repérer les "stresseurs " en cause et de s'arranger pour les éviter ; exemples : l'accumulation des mails , le portable branché en permanence etc.

Catherine Berliet : Le mal-être persistant entraîne à plus ou moins long terme le Burn Out. La culture du résultat, le culte de la performance et l’accélération du temps, favorisent le surinvestissement au travail, renforcent le sentiment diffus de ne pas être à la hauteur, ou de ne pas disposer des moyens nécessaires pour faire face à une demande exponentielle. Le monde du travail et le poids de ses enjeux suscitent des injonctions auxquelles il est difficile de se soustraire. Ce syndrome vient d’un épuisement professionnel ou personnel, dû à une accumulation de stress et se traduit par des manifestations physiques : céphalées, maladies de peau, troubles du sommeil,  des manifestations émotionnelles : découragement, tristesse, idées noires, et des manifestations cognitives : surchauffe cérébrale, perte de mémoire,  troubles de la concentration. Frustration, désillusion, perte d’enthousiasme, idéal mis à mal, tel est le cortège  prémonitoire d’une descente aux enfers qui peut aller jusqu’au suicide.

Quelles sont les émotions positives (ou négatives...) bénéfiques pour notre travail ? Comment les mettre en valeur ?

François Baumann : Certaines émotions sont néfastes lorsqu'on les laisse s'exprimer dans le milieu du travail qui ne permet pas toujours une écoute bienveillante. Je pense notamment à la colère et à la tristesse : on vit dans un monde d'efficacité et toute faiblesse de caractère peut être rapidement mal interprétée. Au contraire l'enthousiasme, la joie, la bonne humeur et toutes les émotions positives peuvent traduire un courage et une assurance qui seront interprétées positivement par son environnement de travail.

Catherine Berliet : J’en retiendrai deux : la joie et la fierté. Tout d'abord, travailler dans la joie et la bonne humeur avec pour unique credo : « Enjoy ! ». La joie nous donne des ailes, de l’élan vital, de la créativité. Pourquoi associer le travail à la difficulté et au sérieux. Et si c’était le nouveau paradigme porteur de sens et créateur de valeur. Deuxièmement, il faut se sentir fier d’appartenir à une entité qui nous fait confiance et en qui nous pouvons avoir confiance. Se sentir fier de notre travail individuel, fier du travail de l’équipe, voilà ce qui génère confiance en soi et estime de soi et qui nous grandit.

En quoi les compétences émotionnelles peuvent-elles amener une meilleure gestion de l'efficacité ?

François Baumann : Pour mieux gérer ses émotions il est préférable de faire preuve d'une prise de distance et de réflexion, plutôt que d'agir dans la précipitation et le stress de l'anxiété. Tourner 7 fois sa langue dans la bouche, respirer 7 fois avant de prendre la parole, peut permettre ce recul. Mais plus simplement ne pas exprimer immédiatement et par des paroles définitives une émotion que rapidement on regrettera d'avoir exprimé, est tout aussi efficace en soi. Mieux se connaître dans les situations de stress et de conflit est également bénéfique et peut s'apprendre et se décider...

Catherine Berliet : Nous savons que derrière toute émotion se dessine un besoin. A nous de le comprendre pour mieux le satisfaire. Par exemple, derrière la peur, vous trouverez le besoin d’être rassuré(e). Si je détecte ce besoin, je saurai trouver en moi les ressources nécessaires pour prendre rendez-vous avec la personne concernée et poser enfin les questions que je m’interdisais de poser. Je lèverai ainsi la crainte qui m’habite. La parole délivre, le verbe en se déliant apporte une expression légère qui facilite l’échange en le libérant de l’affect,  de sa lourdeur castratrice et culpabilisante.

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