Alerte rouge : les excès de crédits immobiliers portent les risques d’une nouvelle crise mondiale des subprimes<!-- --> | Atlantico.fr
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Une femme passe devant une agence du Crédit foncier, le 19 décembre 2017 à Paris.
Une femme passe devant une agence du Crédit foncier, le 19 décembre 2017 à Paris.
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Atlantico Business

Dans le monde entier, le crédit immobilier atteint désormais des niveaux de croissance record. Les faibles taux de crédit masquent la hausse des prix, mais les marchés se retrouvent en risque de bulle qui porte en germe un risque d’explosion sociale.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les chiffres de la Banque de France publiés en fin de semaine sur l’habitat en 2021 et la production de crédits immobiliers sont extravagants. Les nouveaux crédits immobiliers ont atteint 273 milliards d’euros. Du jamais vu, surtout que 2021 suivait une année 2020 déjà record, à 252 milliards d’euros et 2019 à 246 milliards.

Bref en trois ans, et en pleine pandémie, la France a investi plus de 700 milliards d’euros dans l’habitat puisqu‘il ne s’agit que des crédits pour le logement.

La période est donc véritablement exceptionnelle, puisque si on ne retient que les transactions pures (en excluant les renégociations de crédits ou les rachats), on totalise chez les notaires plus de 1 200 000 transactions sur l’année qui auraient fait l’objet d’une ouverture de crédit. Les Français ont donc beaucoup acheté et principalement à crédit.

Pour les spécialistes du crédit, cet emballement résulte d’un climat de confiance qu’on ne perçoit pas forcément tous les jours, mais qui a beaucoup évolué avec l’arrivée des vaccins. Le vaccin a dopé les investissements long terme, en améliorant la visibilité des acquéreurs et des emprunteurs. Si le risque de pandémie s’éloigne, on peut acheter dans la pierre.

Taux en baisse et durée des crédits allongée : les Français achètent d’autant plus que les taux d’intérêt sont bas et accessibles. Le taux moyen sur l’année est tombé à 1,14%, avec un plus bas à 1,12% selon la Banque de France en décembre. Cadeau de Noël, sans doute aux derniers acquéreurs de l’année.

La plupart des banques n’ont pas hésité à baisser les taux pour continuer d’attirer les clients et compenser la hausse des prix. D’autant que les banquiers ont aussi allongé la durée des crédits pour atteindre désormais en moyenne 20 ans.

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La situation euphorique n’est pas une spécificité française. Tous les pays de l’Union européenne sont empreints de la même frénésie ; la Banque centrale européenne indique que la hausse moyenne de l’immobilier en Europe aura été de 6 % en 2021 avec un endettement des ménages qui s’accroit en moyenne européenne de 4 % annuel et c’est directement lié à la hausse des crédits à l’habitat.

Hors de l’Europe, même partition. En Grande Bretagne, malgré les difficultés cumulées du Covid et du Brexit, l’augmentation des transactions et des endettements sont du même ordre que sur le continent.

Aux États-Unis, les crédits immobiliers ont dépassé les 10 000 milliards de dollars avec plus de 6 millions de transactions de crédit. On se retrouve donc avec un niveau supérieur à celui qui avait été atteint en 2006 et 2007, époque à laquelle les premiers craquements s’étaient fait entendre sur les marchés crédit aux États-Unis, craquements prémonitoires à la catastrophe de Lehman Brothers en septembre 2009 et à la crise mondiale des subprimes.

Beaucoup de banquiers aujourd’hui, aux États Unis comme en Europe, craignent que les chiffres fous qui circulent au bilan de l’année 2021 nous préparent une nouvelle crise des subprimes, avec des conséquences sociales qui ne seraient pas supportables et gérables en pleine crise pandémique. Conséquences sociales liées au durcissement des accès au logements pour les personnes défavorisées.  

Leur analyse tient en trois points :

1e point, la croissance des crédit immobiliers est certes un marqueur de reprise et de confiance. C’est en plus un stabilisateur parce que le fait nouveau est que les crédits sont à 99 % des crédits à taux fixe. Quand vous financez votre logement avec un taux fixe sur 20 ans, ça signifie que le prix de revient du logement est garanti sur 20 ans. Ce qui n’était pas toujours le cas au moment des supprimes.

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2e point, cette croissance des crédits immobiliers masque la hausse des prix de l’immobilier et cette hausse est un facteur de bulle. La croissance des prix a beau être compensée par la baisse des taux et par la durée du crédit, il n’empêche que si les revenus du ménage ne suivent pas, les risques d’insolvabilité peuvent apparaître. Il y a donc un risque d’impayés de ce côté-là.

3e point, et il est très européen celui-là, les banques ont tiré sur les prix et sur la durée pour placer du crédit immobilier (d‘où les records en France notamment mais pas que). Les banques ont fait preuve de cette agressivité pour fidéliser des clients, lesquels sont très tentés de partir vers les néo-banques. Or, le crédit immobilier attache le client à sa banque qui pourra alors lui vendre des services plus rémunérateurs.

Pour limiter les risques, la banque veille néanmoins à ce que son client soit solvable. Paradoxalement, et alors que les conditions de crédit sont plus faciles, la banque qui octroie les crédits a tendance à durcir les conditions de solvabilité et les garanties.

Conséquence, la banque a tendance plus que d’ordinaire à trier ses clients et à éliminer les plus fragiles. Du coup, l’accès au crédit immobilier est plus compliqué et il accroit les inégalités de l’accession à la propriété, alors même que le niveau des taux devrait faciliter les opérations.

Le nombre de dossiers refusés a tendance à s’accroitre. Le nombre d’accédants refoulés aussi. Ce qui aggrave la question du logement. Puisque les prix augmentent, les loyers ont tendance à augmenter également.

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