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Affaire Jacqueline Sauvage : quand les médias s’érigent en juges ultimes
©FRANCOIS GUILLOT / AFP

Dangereuse dérive

Par la magie des médias, Jacqueline Sauvage serait devenue le symbole de la violence faite aux femmes.

Régis de Castelnau

Régis de Castelnau

Avocat depuis 1972, Régis de Castelnau a fondé son cabinet, en se spécialisant en droit social et économie sociale.

Membre fondateur du Syndicat des Avocats de France, il a développé une importante activité au plan international. Président de l’ONG « France Amérique latine », Il a également occupé le poste de Secrétaire Général Adjoint de l’Association Internationale des Juristes Démocrates, organisation ayant statut consultatif auprès de l’ONU.

Régis de Castelnau est président de l’Institut Droit et Gestion Locale organisme de réflexion, de recherche et de formation dédié aux rapports entre l’Action Publique et le Droit.

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L’affaire Jacqueline Sauvage avait occupé les médias pendant plus d’un an, de la deuxième condamnation en appel à la grâce accordée par François Hollande. Elle s’était révélée un étonnant révélateur de la déliquescence d’un système politique et médiatique qui qui ne cessent l’un comme l’autre d’en appeler à un fonctionnement régulier de la justice pour systématiquement en fouler aux pieds ses décisions

Nous avions déjà l’antiracisme petit-bourgeois, élevé au rang de valeur cardinale par des gens pourtant apôtres d’une société communautaire racisée, et brandi comme un signe extérieur de richesse par les bénéficiaires de la globalisation. Nous avons désormais aussi l’hégémonie du féminisme victimaire des groupuscules parisiens. Il obéit à la même logique en mettant en avant l’image d’une femme mineure et éternelle victime soumise sans pouvoir s’en émanciper à un patriarcat oppresseur. Et exactement comme pour le racisme, que l’on va le plus souvent chercher là où il n’est pas, on n’hésite pas à enfourcher de mauvaises causes au risque de dévoyer les vrais et les justes combats. Mais qu’importe le réel, la vérité, ou la morale puisqu’il ne s’agit en fait, en congédiant le réel, que de se donner bonne conscience à peu de frais et de prendre la pose. L’idéal étant quand, à l’aide du relativisme culturel comme Benoît Hamon ou Clémentine Autain, on peut faire fusionner antiracisme et féminisme en célébrant par exemple, le droit des intégristes musulmans à enfermer et bâcher leurs épouses au nom de la tradition et de la liberté de celles-ci d’accepter ce qui leur est imposé. Féministe et anti-islamophobe, coup double.

Le retour du mensonge

Le combat pour l’élargissement de Jacqueline Sauvage au nom de la lutte contre les violences faites aux femmes était une mauvaise cause. Simplement parce que l’histoire que nous a assénée jour après jour la propagande médiatique, était fausse. Jacqueline Sauvage n’a pas été la victime pendant 47 ans d’un mari violent, qu’elle n’a pas abattu froidement de trois balles dans le dos pour se protéger. Le dossier, et tous ceux qui ont eu à en connaître racontent une autre histoire, celle d’une femme de caractère qui dominait sa famille et n’a pas supporté de la voir en échec. Et c’est à partir de cette réalité-là que les juridictions ont statué. C’est la raison pour laquelle lorsque François Hollande, dans une grande première dans la vieille histoire de l’usage de ce droit régalien, a décidé après une première grâce partielle, une deuxième totale un an après, a commis une mauvaise action. Provoquant un enchaînement de réactions lamentables symptôme du délitement des institutions et du désarroi de l’opinion.

Et nous avons aujourd’hui le showbiz qui apporte son appui au mensonge. Le téléfilm dans lequel joue Muriel Robin a repris à son compte le mensonge.

François Hollande avait cédé, aux petites coteries médiatiques, mondaines et parisiennes qui manifestement le fasciné. Ce faisant, qu’il le veuille ou non, il avait validé le mensonge, consacré un permis de tuer, et last but not least insulté magistrats et jurés et tous ceux qui avait conduit la procédure avec conscience et rigueur. Cette grâce relevait de ses prérogatives mais François Hollande devait l’utiliser dans des formes dignes et en fonction du contexte. De ce point de vue, ce fut une catastrophe.

L’apogée du féminisme victimaire

Ensuite, il y a ce féminisme victimaire, celui de tous ces petits groupes qui portent leur androphobie et leurs frustrations en bandoulière et ont remplacé la raison par une hystérie braillarde, pour s’abstraire de la réalité. Chaque argument qui tente d’y ramener, est immédiatement contré par des raisonnements qui n’ont rien à envier au complotisme le plus obtus. L’ensemble de la planète est dominé par un complot patriarcal et tout ce qui s’y passe doit être lu à la lumière de ce prérequis. Jacqueline Sauvage n’a rien dit pendant 47 ans, personne n’a remarqué chez les gens qui la fréquentaient la moindre trace de coup, on vous répond : emprise, femme soumise, amnésie traumatique, mémoire retrouvée, et toutes les imbécillités issues du commerce des psychologues charlatans. Les 35 magistrats et jurés ont eu à connaître de son dossier et l’ont cependant condamnée sont des « masculinistes » pour les uns, des marionnettes manipulées pour les autres. Débat impossible, et c’est cependant à ces gens-là que le président de la République a donné raison. Comme le fait TF1 avec cet incroyable téléfilm diffusé qui comme la grâce de François Hollande n’est qu’une insulte à la réalité et à ceux qui ont eu à connaître professionnellement de cette affaire. Mais il y a plus grave, ce dévoiement est l’occasion d’une énième pétition lancée par les privilégiés du showbiz pour remettre en avant l’incroyable revendication de « la légitime défense différée », qui n’est que l’instauration d’un permis de tuer. Avec l’Assemblée nationale telle qu’elle est actuellement composée et compte tenu de la façon dont elle fonctionne, le pire est à craindre dans la recherche d’une démagogie sans frein.

Des médias irresponsables

On finira enfin par les journalistes qui, par facilité et commodité, ont véhiculé la fable de Jacqueline Sauvage victime pendant 47 ans d’un mari violent. Tous les débats, toutes les interventions tous les éditoriaux en ont fait un postulat. Dire d’abord que « cet homme était une ordure », discuter ensuite. La responsabilité des médias, dans la pérennisation du mensonge et le discrédit jeté sur les décisions de justice rendue après des procédures régulières, est de ce point de vue écrasante. Deux journalistes se sont livrés à un remarquable travail d’enquête et ont publié un ouvrage qui rétablit la vérité. « La vérité sur l’affaire Sauvage » d’Hélène Mathieu et Daniel GrandClément a bénéficié d’une très faible couverture de presse, la promotion du mensonge ayant dû être jugé plus profitable.

Je disais à propos de ce nouvel épisode du feuilleton Sauvage, qu’il était révélateur des contradictions qui travaillent la société française. Une promenade attentive sur les réseaux, la lecture des commentaires sous les articles de la presse mainstream démontrent qu’une grande partie de l’opinion française n’est pas dupe. Et supporte mal la façon à la fois arrogante et désinvolte dont elle est traitée.

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