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"On sait si Jean Tigana n’a pas été choisi comme sélectionneur de l’équipe de France de football lorsqu’il était en concurrence avec Raymond Domenech, c’est parce qu’il était noir".
"On sait si Jean Tigana n’a pas été choisi comme sélectionneur de l’équipe de France de football lorsqu’il était en concurrence avec Raymond Domenech, c’est parce qu’il était noir".
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Fin de partie

Laurent Blanc n'a pas été inquiété par les conclusions des deux commissions d'enquête sur l'"affaire des quotas". Pascal Perri tire lui-aussi le coup de sifflet final de ce dossier. Selon lui, la polémique est "l'enfant illégitime du débat sur l'identité nationale" qui démontre que la France de 2011 ne sait pas se regarder en face.

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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Atlantico : Que pensez-vous du débat sur l’affaire des "quotas dans le football français" ?

Pascal Perri : Cette affaire est, selon moi, l’enfant illégitime du débat sur l’identité nationale ; comme si l’enjeu avait été de prétendre qu’il y a des "Français de première catégorie" et des "Français d’occasion". Qu’il y ait aujourd’hui ce débat dans le football ne m’étonne donc pas.
Cela dit, il faut replacer les choses dans leur contexte : ce n’est pas un débat sur les quotas en équipe de France, c’est un débat sur la bi-nationalité. Il ne s’agit pas tout à fait de la même chose : un débat sur les quotas consisterait à dire : "il existe en France 7,5 millions et demi de Français d’origine africaine (nord africaine ou Afrique sub saharienne) et il ne faut pas que la part des joueurs issus de ces territoire soit supérieure à celle qui existe dans la population française". Ce serait un débat à la libanaise. Au Liban, on formait l’équipe nationale en tenant compte des communautés : comme il y avait une répartition communautaire du pouvoir politique dans le pays, il fallait qu’il y ait x % de musulmans sunnites, x % de chiites, x % de chrétiens dans l'équipe nationale… Ça, c’est un vrai débat communautaire, mais ce n’est pas celui qui est engagé en France. On a donc été un peu rapide dans la qualification de ce débat qui est finalement plutôt technique sur la présence de nombreux bi-nationaux.

Après, il faut savoir si le débat reste dans le périmètre des questions liées à la bi-nationalité ou s’il va au-delà. S’il dépasse ce simple cadre, et ce n'est pas exclu, il faut être vigilant. Les langues se délient : on sait par exemple que si Jean Tigana, qui avait toutes les qualifications, n’a pas été choisi comme sélectionneur de l’équipe de France de football lorsqu’il était en concurrence avec Raymond Domenech, c’est parce qu’il était noir.


Vous avez des preuves de cela ?

C’est en tout cas ce qu’affirme Jean Tigana et cela n’a pas été démenti par la Fédération française de football.
Pour revenir au débat sur les propos de Laurent Blanc et des membres de la FFF, je ris tout de même un peu du chant des vierges, notamment de la gauche bobo qui se scandalise. Quand je vois la représentation de l’Assemblée Nationale - 58 ans de moyenne d’âge, blanche, masculine… - ça ne représente pas vraiment le pays… Or, on sait très bien que ce sont les partis politiques qui distribuent les investitures. Les forces politiques sont responsables de cette situation, notamment celles de gauche dont l’antiracisme a été un fond de commerce. Ces responsables politiques sont mal placés pour donner des leçons : ils feraient mieux d’investir les Français issus de la "diversité" qu’ils courtisent depuis la marche pour l’égalité de 1982. Qu'ils les présentent dans des circonscriptions gagnables. Ils seront alors plus crédibles pour prendre la parole.


Que penser de la défense de la FFF face aux accusations dont elle a fait l’objet ?

L’équipe de France de football est l’émanation du monde professionnel, pas du monde amateur. Or aujourd’hui c’est le monde amateur qui gère l’équipe de France. Peut-être faudrait-il professionnaliser sa gestion. Ceux qui sont à la tête de la FFF sont certes très méritants, mais ils ne se sont pas suffisamment entourés de professionnels compétents. Quand on voit la gestion du dernier Mondial avec des déclarations plus catastrophiques les unes que les autres… c’est de la gestion à la papa !


Et Laurent Blanc ? Doit-il démissionner ?

Laurent Blanc est l’héritier d’une génération d’entraineurs qui a été marqué par la victoire de l’équipe de France en 1998. Or, techniquement, la victoire à cette coupe du monde est le résultat d'une stratégie fondée sur un bloc défensif hyper solide. Depuis 98, la culture du foot français est marquée par ce choix fondateur. Forcément c’est moins spectaculaire. En France, on se dit toujours qu'il faut prendre un but de moins que l'adversaire. On pourrait à l'inverse dire qu'il faut marquer un but de plus. Le spectacle y gagnerait. La dimension de la puissance physique joue dans ce cadre un rôle particulièrement important. Ce qu’a dit Laurent Blanc, c’est qu’aujourd’hui les meilleurs athlètes sont souvent noirs. C’est vérifiable sur tous les terrains de foot du monde. Tout le monde n'a pas cette culture du rideau de fer. Prenez Barcelone, l'équipe championne d'Europe, le milieu de terrain doit faire moins d’1 mètre 70 en moyenne.
Notre culture du football est très contre-productive sur le plan du spectacle : s’il y a moins de monde dans les stades en France c’est notamment en raison de la qualité du spectacle.
Ce débat montre que la société française ne se regarde pas en face. Une partie du pays refuse de se voir tel qu’il est. La France de 2011, c'est un acquis de la mondialisation, est une France métissée. Si jamais Laurent Blanc démissionnait, ce serait d’ailleurs la démonstration que le football est aussi un terrain politique. On demande trop au football. Et on le charge inutilement, mais c'est toujours plus facile de trouver des bouc émissaires.

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