"A votre écoute" : France Inter joue l’impertinence authentique, les auditeurs décrochent<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
"A votre écoute" : France Inter joue l’impertinence authentique, les auditeurs décrochent
©

Zone franche

Effectivement, il est toujours aussi impossible de rire de tout avec n’importe qui. Mais c’est bien plus rigolo comme ça, à vrai dire…

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

Voir la bio »

Une curieuse petite émission met les auditeurs de France Inter en pétard depuis quelques jours. C'est que la « généraliste » de Radio France ― qui est aux enseignants à collier de barbe et aux militants de RESF ce que Sud Radio est aux bouchers-charcutiers et aux fans de Marine Le Pen ―, lorsqu’elle fait dans l’humour, évite généralement d’être trop ambiguë.

Un billet de Sophia Aram à la fin d’une interview d’Éric Besson ou de Nadine Morano, par exemple, c’est la garantie d’une bonne tranche de rigolade 100% progressiste à écouter les neurones en pilotage automatique. On sait qui est le méchant, on sait qui sont les gentils, et même les enfants en bas âge peuvent être abandonnés sans supervision devant la TSF : aucun risque pour leurs petites esgourdes délicates.

Ce n’est pas exactement la même chose avec « A votre écoute coûte que coûte », parodie désopilante de ces émissions de libre-antenne où le bon docteur Machin prodigue conseils et opinions éclairés. Chaque jour à 12h20, le duo « Philippe et Margaret de Beaulieu » (des pseudos ; ne faites pas comme Téléramaqui les traque sans succès dans les pages jaunes depuis une semaine) reçoit ainsi les appels de quidams en détresse et les enfonce un peu plus dans leur malheur à coups de recommandations surréalistes proférées avec le plus grand des sérieux.

A ce travailleur immigré se plaignant de vivre avec sa nombreuse progéniture dans un logement insalubre, on suggère benoîtement de déménager fissa (« Vous savez, le plomb sur les murs, c’est pas très bon pour les enfants »), même si on le félicite chaudement pour l’efficacité de ses gonades.

A cette mère de famille tabassant son gamin, on rappelle que c’est malheureusement interdit, qu’elle pourrait avoir des ennuis et que, si le mioche se plaint d’être « tripoté dans le pantalon par son tonton », c’est sans doute qu’il est un vilain affabulateur qu’il faut bien vite remettre à sa place.

Le reste est à l’avenant et, à l’exception de François Rollin sur France Culture, c’est un ton décalé que l’on n'a effectivement plus l’habitude d’entendre sur le service public. A fortiori dans la foulée immédiate des « Affranchis », l’émission la plus mièvre et la plus loupée jamais imposée à la tranche 11h00/12h00 d'Inter.

S’il était mort ― ce que je ne lui souhaite pas parce que je le respecte comme on respecte un mentor ―, Claude Villers (« Le tribunal des flagrants délires » entre mille autres merveilles mises en ondes) se retournerait sans doute dans tous les sens dans sa tombe en grommelant à l’écoute du fiasco cucul-la-praline d'Isabelle Giordano. Enfin, s’il était mort et qu’on captait la FM six pieds sous terre, évidemment…

"Il est scandaleux que ces personnages soient rémunérés avec l'argent du contribuable"

Le gros souci des auditeurs qui font le siège du standard depuis une semaine et s'indignent à qui mieux-mieux sur le mini-site d' « A votre écoute », c’est qu’ils ont du mal avec le second degré. Et que, lorsqu’ils finissent par saisir que, non, on ne conseille pas vraiment à cette épouse maladivement jalouse de faire chier son mari encore davantage et qu’il s’agit surtout de s’en payer une bonne tranche, c’est la « qualité de l'humour » qu’ils se mettent à débiner.

L’e-mail courroucé d’une auditrice vaut d’ailleurs à ce point son pesant de cacahouètes que je le reproduis ici (j’espère qu’elle ne nous demandera pas de droits d’auteurs et qu'elle me pardonnera d'avoir corrigé ses fautes d'orthographe mais d'avoir laissé la syntaxe en l'état) :

« Ce jour le 18 janvier 2012, j'ai été scandalisée par les propos indécents des deux personnes qui animent la nouvelle émission après celle des affranchis entre 12h20 et 12h30.  Une personne ayant un accent africain a été moquée d'une façon inadmissible. Ces deux personnes ont tenu des propos indignes à ce monsieur leur expliquant qu'il logeait dans une chambre d’hôtel de 9m2 pour 7 personnes et signalant la présence de plomb. La présentatrice lui a répondu, je cite, " ha ! vous êtes en vacances, profitez en bien et ne donnez pas de plomb à vos enfants" et le présentateur lui a parlé dans le langage "petit nègre", je cite, "moi pas avoir compris".

D'autre part il est scandaleux que ces personnages soient rémunérés avec L'ARGENT DU CONTRIBUABLE [NDLR : les capitales figurent dans l’original du courrier].  Une émission sans intérêt, vivement qu(elle capote, et qu'on remette les affranchis. Copie à M. le Président de RADIO FRANCE et envoi par mail à M. le médiateur. »

Étonnant, non ? Pas autant que l’émission proprement-dite, d'accord, mais un courrier pareil lui vaudrait effectivement d’être recrutée comme gagwoman par la production.

Autrement, j’ai encore loupé Sophia Aram ce matin parce que j'étais à la salle de gym. Elle a dit des trucs marrants sur Sarkozy ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !