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A Davos, Macron triomphe et Valls fait un fiasco, à Paris, François Hollande, lui, s’amuse du spectacle
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L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

Alors que les dirigeants économiques de la planète sont réunis à Davos, la rivalité entre Manuel Valls et Emmanuel Macron s’est exportée aussi dans la station Suisse. Ce fut sportif.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La rivalité entre Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie et Manuel Valls, le Premier ministre, s’est étalée au grand jour devant le gratin du business international. Pour les organisateurs qui ont pourtant assisté à beaucoup de querelles d’ego, le spectacle donné par les deux représentants de la France a été grandiose pour qui sait décoder les coulisses du symposium.

Davos, c’est chaque année le rendez-vous annuel des "global leaders". En bref, une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement, et près de 2000 dirigeants des plus grandes entreprises mondiales. Un lieu d’échange et d’affaires. C’est donc le lieu du vrai pouvoir d’influence. Là où se préparent les grandes décisions géopolitiques et sortent les grandes tendances d’innovation. Mais pour tout le monde, c’est aussi une manifestation des plus mondaines. En gros Davos, c’est un jardin des vanités dans lequel on aurait organisé le festival de Cannes.

Manuel Valls est donc arrivé à Davos pour la première fois de sa vie, mercredi soir. Soyons précis. Avant, il n’était pas question qu’un responsable socialiste mette les pieds dans "cette réserve de capitalistes sauvages". C’était tabou. Le seul homme de gauche à être venu régulièrement à Davos et à l’assumer était Dominique Strauss-Kahn. Les électeurs de Sarcelles comprenaient mal, mais ils pardonnaient tout à DSK. A Evry, le fief de Valls c’était différent.

Mais cette résistance, c’était avant !  Manuel Valls a donc accepté "d’être invité" à débattre avec d’autres responsables politiques dont Matteo Renzi, Jean-Claude Junker et Alexis Tsipras.

Ce n’était pas forcément un cadeau. Il a fait une communication sur l’Europe, assez convenue, insistant sur la nécessité de renforcer la cohésion européenne, pour lutter contre le terrorisme. Bref, les participants avaient plus de curiosité pour la conversion au capitalisme européen d’un Alexis Tsipras qui lui a demandé plus, que des grands principes, des aides pour empêcher le flux de migrants qui passent par la Grèce. Là, on était dans le concret.

Alors, pour quelles vraies raisons Manuel Valls est-il venu à Davos ? That is the question ! A priori, pour vendre l’attractivité de la France et sa modernité. Très bien sauf, qu'il ne l’a pas fait. Se consacrant plutôt à prouver qu'entre la gauche française et l’entreprise, il n’y avait pas de malentendus notamment de sa part et à expliquer qu'il avait été dès le début de sa carrière très ouvert à l’économie de marché et aux entreprises. La démarche est classique et marque une fois de plus l’ambition  de Manuel Valls.

Cela dit Manuel Valls est surtout venu à Davos pour que les caméras de la télévision française le voit. Ne pas laisser le champ libre à son ministre de l'Economie. Et on a vu Emmanuel Macron, habitué du lieu, au milieu de tous les membres de cette tribu : il parle leur langue et connait tous les codes. La détermination du Premier ministre était telle qu'il a retardé son départ pour pouvoir assister à un diner de chefs d’entreprise organisé pour Macron. Du coup, jamais la France n’a eu autant d’ambassadeurs et de représentants du gouvernement aussi hauts placés.

Le problème, c’est que les "Davoisiens" ne connaissent pas Valls. Ils ne l’attendaient pas forcement, alors qu'ils connaissent bien Emmanuel Macron et qu'il est considéré comme le responsable politique français le plus intéressant, avec le potentiel de responsabilité le plus important. Le plus jeune aussi.

Il faut dire que depuis mercredi soir, Emmanuel Macron n’a pas chômé pour vendre l’économie française, les chefs d’entreprises français, et toutes les raisons qu'auraient les investisseurs à venir s’installer dans l’hexagone. Le ministre français de l’Economie a donc enchainé les rendez-vous avec des patrons internationaux, celui de Facebook, Coca cola, Cisco, Nokia, Google, Microsoft. Il a surtout répondu à toutes les invitations de la presse internationale et participé à des débats sur BBC, CNBC, CNN et Bloomberg. Tout cela dans un anglais parfait ce qui n’est pas le cas de tous les Français.

Mais ce qui a surtout frappé tous ses interlocuteurs, c’est le contenu de ses propos. En bref, tout s’est passé comme si Emmanuel Macron avait décliné le plan de tout un programme de gouvernement. Ou de présidence. Sur les 35 heures, il faudra autoriser la renégociation, sur les licenciements il faut assouplir les procédures, sur le code du travail, sur le fiscalité et l'ISF. Macron a un avis sur tout et surtout, la France n’en fait pas assez. Sur le stress des chefs d'entreprise la petite phrase qui a soulevé un tollé à gauche en France, il assume tout.

Il n'y a pas de réforme de gauche ou de réforme de droite, il n'y a que des réformes efficaces pour créer de l'activité, de la valeur et des emplois. "Peu importe que le chat soit gris ou noir, ce qu'on lui demande, c’est d’attraper des souris, reprenant la phrase de Mao Tsé-Toung, et ajoutant, mon job c’est de dynamiser la France, favoriser la révolution numérique et les innovateurs. Du Schumpeter pur sucre. Ce qui n’était pas pour déplaire au monde de l’entreprise qui a le sentiment d’avoir découvert son héros.

Emmanuel Macron a donc fait un triomphe, faisant oublier très rapidement les propos de Manuel Valls, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Triomphe pour l’un, fiasco pour l’autre. Maintenant, l’épisode de Davos qui vient après une semaine très controversée où il a été remis en place, repose la question du rôle qu’il joue dans le dispositif politique français.

Les chefs d’entreprise ne sont pas dupes. Concrètement, en terme de résultats, le discours nécessaire, pragmatique d’Emmanuel Macron ne débouche pas sur des réformes d’envergures qui seraient nécessaires. Rien sur la dépense publique, rien sur les prélèvements, rien sur la complexité de l’administratif, rien sur le coût du modèle social. Alors à quoi sert-il ?  Pour les analystes politiques, c'est très simple : il sert à trois choses dans le dispositif Hollande.

Il sert de tête de gondole à la gauche. François Hollande l’utilise, lui, son look, son discours pour marquer la modernité de la gauche française. L’ouverture sur le monde et sur les nouvelles technologies. François Hollande peut dire : "Macron parle de modernité, donc je suis moderne".

Mais en même temps, François Hollande le sert aux frondeurs de sa majorité comme une tête de turc. Macron sert à cristalliser toutes les critiques de la gauche de la gauche et croit de ce fait être personnellement épargné. François Hollande peut dire, "ne vous inquiétez pas, je veille au dogme de gauche, Macron occupe les marchés mais ne fait rien".

Mais ce n’est pas tout, François Hollande a très bien compris que Macron était le plus sérieux concurrent à Manuel Valls. Donc ça l’amuse. Il laisse se développer cette guerre des egos entre les deux personnalités les plus populaires en France. En espérant que ce choc des va les neutraliser, où même qu’ils s’entretuent.

Un chef d’entreprise revenant de Davos me confiait, "Manuel Valls sera vraiment à la hauteur de la fonction à laquelle il aspire quand il aura compris qu'il lui faudrait mieux faire alliance avec Macron. S’il n’est pas trop tard !" La politique nous offre à gauche des moments formidables ! Pour l’instant, parce qu' à droite, la conquête du pouvoir ne s’annonce pas moins triste.

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