+ 100 % de ventes en 2014 en Europe : l’eau de coco s’envole mais n’a aucun intérêt autre que marketing

Atlantico : Les ventes d'eau de coco sont en constante progression aux Etats-Unis comme en Europe, et la France ne fait pas exception. Pourquoi un tel engouement ?

Reginald Allouche : C'est effectivement une boisson très à la mode. L'offre explose, mais il convient de scinder cette dernière en deux catégories : d’un côté on trouve l’eau de coco fraîche, à boire immédiatement, et de l’autre celle dans laquelle des conservateurs sont ajoutés. Je recommande la consommation d’eau de coco fraîche, mais bien entendu elle est beaucoup plus chère. Le phénomène d’engouement s’apparente à celui autour du jus de grenade : ce dernier présente des vertus antioxydantes, tant que la fraîcheur est là. C’est pour cette raison que beaucoup de jus vendus, comme le jus d’orange, ont moins de vitamines C que le jus pressé. Il est important, entre autres, que la bouteille soit opaque, et l’eau de coco ne fait pas exception.

La population s’enthousiasme car cette eau a beaucoup été utilisée dans les îles, comme la Polynésie, pour ses vertus. Comme elle sert à la maturation de la noix de coco, on y trouve des minéraux, du potassium, des vitamines et des phytohormones. On l’utilisait même en intraveineuse dans les années 60 dans les îles Salomon car elle est isotonique, c’est-à-dire proche de la constitution du plasma. C’est pourquoi jusqu’à cette époque-là, l’utilisation était surtout médicale.

On a tenté de s’en servir pour lutter contre l'hypertension artérielle, et des effets ont été constatés. Mais aujourd'hui la réglementation est de plus en plus dure sur les allégations concernant les propriétés des aliments, et paradoxalement le fait que l'on puisse si peu les mentionner laisse une place importante au "magique" : derrière la sobriété des indications, on s'imagine que le produit résoudra beaucoup de problèmes.

Qu’en est-il sur le plan gustatif ? Est-ce agréable à boire ?

C’est une boisson assez bonne, surtout lorsqu’elle est fraîche. On se sent bien, et le côté soyeux est intéressant. Elle réhydrate efficacement, je ne vois donc aucune raison d’émettre une contre-indication, quoi que ce soit très cher. Mais chacun est libre de se faire plaisir au prix qu’il veut.

Le fait de boire des boissons supposées anti oxydantes n’est pas mauvais, cependant pour se prémunir contre les inflammations il serait déjà bien d’arrêter de fumer, de boire beaucoup d’alcool ou de rajouter du sel ou du sucre en grande quantité dans les plats. L’effet oxydant de ces éléments est bien supérieur à l’effet antioxydant de l’eau de coco.

Que recommandez-vous, alors ?

Il vaut mieux intégrer la consommation d’eau de coco dans une démarche globale de vie plus saine. L’idéal serait que cette eau vienne couronner une hygiène de vie débarrassée du tabac de l’alcool et des plats préparés.

Si ce produit marche bien, c’est parce que les consommateurs se procurent une bonne conscience, celle qui consiste à se dire que l’on aura fait en sorte de vivre plus longtemps et en bonne santé. Seulement, on a du mal à se débarrasser de certaines mauvaises habitudes, par conséquent on s’illusionne en se disant qu’un produit miracle nous fera gagner des années. L’effet de l’eau de coco est bienvenu, donc, mais seulement si d’autres mesures sont prises. Tout est question de cohérence, et c’est pourquoi je ne veux pas entrer dans un débat sur les vertus réelles ou prétendues du produit.

A qui profite le succès de l’eau de coco ?

Aux entreprises exportatrices, bien entendu, mais aussi aux lieux de production que sont la Polynésie, la Micronésie ou les Caraïbes. L’avantage en termes d’aménagement du territoire est indéniable : alors que ces îles tendaient à être abandonnées par leurs habitants pour cause d’absence d’activité économique, cela les incite à rester, voire à revenir.