Seule une forte baisse du prix du pétrole pourrait faire repartir l'économie mondiale<!-- --> | Atlantico.fr
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Une forte baisse du prix du pétrole de l’ordre de 50% permettrait à l'économie de repartir.
Une forte baisse du prix du pétrole de l’ordre de 50% permettrait à l'économie de repartir.
©Reuters

Revue d'analyses financières

Dans l'œil des marchés : Jean-Jacques Netter, vice-président de l'Institut des Libertés, dresse, chaque mardi, un panorama de ce qu'écrivent les analystes financiers et politiques les plus en vue du marché.

Jean-Jacques Netter

Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est vice-président de l’Institut des Libertés, un think tank fondé avec Charles Gave en janvier 2012.

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Deux fois par an, Charles Gave, président de GaveKal, invite ses clients pour leur faire part de sa vision de l’économie mondiale et des marchés financiers. C’est toujours un moment important, car il fait partie des rares stratégistes qui peuvent s’offrir le luxe de dire ce qu’il pense, car il est totalement indépendant et ne fait partie d’aucune chapelle subventionnée par les pouvoirs publics d’une façon ou d’une autre.

Voilà les principales idées qu’il a développées :  

Les banques centrales manipulent plus que jamais les taux d’intérêt et les parités de change. Aux Etats-Unis, en Europe, au Japon. Cela a pour conséquence que la volatilité des marchés est devenue artificielle. Le fait que les taux courts, au plus bas depuis 3 mois, soient maintenus trop bas depuis cinq ans et que le rendement du Bon du trésor à 10 ans soit à 2,50% a trois effets :

1/ Des taux artificiels trop bas ne poussent pas les gouvernements à diminuer rapidement le niveau de leurs dépenses publiques. Le gouvernement français aime à répéter que le fait que l’Agence France Trésor ait pu réaliser, depuis le début de l’année, tous ses refinancements au taux de 1,49% serait le signe de l’hommage rendu par les investisseurs internationaux à la grande sagesse de la politique économique française !

2/ Ils amènent une baisse structurelle de la croissance. Toutes les périodes de laxisme monétaire excessif entrainent une croissance de la sphère de l’Etat au détriment du secteur privé.

3/ Ils provoquent une très mauvaise allocation du capital. Quand la bulle keynésienne éclate, elle se produit sur des actifs improductifs comme l’immobilier. Les systèmes complexes dont on a supprimé artificiellement l’instabilité deviennent très fragiles. Ces systèmes artificiellement contraints sont enclins à ce que Nassim Taleb économiste appelle les « cygnes noirs »…

Les montants spectaculaires de liquidités mis par les banques centrales à la disposition des banques pour faire baisser les taux d’intérêts ont très peu servi à financer l’économie réelle et beaucoup à provoquer des bulles dans de nombreuses classes d’actif comme les actions, l’immobilier et les œuvres d’art. Il existe curieusement un consensus parmi les différentes cercles d’économistes (les économistes de Gauche, les économistes du Front de Gauche, les économistes progressistes, les économistes atterrés, les économistes déconomistes etc…) pour penser que les taux d’intérêts proches de zéro permettent de relancer la croissance. L’examen de la réalité montre que depuis cinq ans, ce n’est absolument pas le cas, comme on peut le constater.  

Une forte baisse du prix du pétrole de l’ordre de 50% serait une des routes qui pourrait permettre à l’économie mondiale de repartir. Le développement du gaz et du pétrole de schiste aux Etats Unis, en diminuant leur dépendance par rapport au Moyen Orient, fait partie de cette stratégie.

Quand le rendement des obligationsaméricaines (notés BAA ) émises par les entreprises est supérieur de 250 points de base à celui de la croissance de l’économie, ce qui est presque le cas en ce moment, on a peu de temps après une récession. C’est ce qui s’est produit depuis 60 ans, chaque fois que l’événement s’est produit. Une récession peut se transformer en dépression si la Fed  baisse ses interventions trop rapidement. C’est tout le problème du fameux « tapering », l’ajustement auquel doit procéder la banque centrale américaine.

L’avalanche de liquiditésprocurées par la Federal Reserve américaine fait baisser le dollar qui est la monnaie de réserve du commerce mondial. La balance des paiements courants des Etats-Unis est excédentaire avec le monde entier sauf avec la Chine et les pays qui lui fournissent du pétrole. Plus cette balance va s’améliorer, avec le retour de la compétitivité de l’industrie américaine, plus cela constituera une mauvaise nouvelle pour l’économie mondiale. En effet, les Etats-Unis sont le premier fournisseur de la liquidité internationale. Chaque fois que cet événement s’est produit dans le passé, il s’est produit des crises financières en dehors des Etats-Unis. Même si le Renminbi progresse, sa montée en puissance prendra de nombreuses années.

L’Euro est surévalué, surtout par rapport au dollar, après le remboursement des LTRO par les banques. Ces "Long Term Refinancing Operations” sont le dispositif qui avait permis à la BCE d’apporter des liquidités aux banques qui n’étaient plus en position d’emprunter sur les marchés. L’Euro reste un système bancal qui ne peut fonctionner dans la durée puisqu’il n’existe pas de mécanisme d’ajustement des différences de productivité des pays membres. Autrefois, ces différences étaient réglées par des dévaluations ponctuelles devenues impossibles. Ce qui ne peut s’ajuster a vocation à exploser dans un cadre où des pays qui ont des stratégies économiques et fiscales totalement différentes partagent la même monnaie.

Le marché américain n’est plus bon marché, surtout après sa surperformance des derniers mois. Son Price/Earning Ratio (rapport Cours de bourse/Bénéfices) se trouve autour de 16X, soit sa moyenne historique. Malgré ce niveau de valorisation, peu d’investisseurs ont le courage de ne plus être exposés aux valeurs américaines. Il faut faire attention, car les marges des entreprises sont proches de leur plus haut niveau et les bénéfices ne sont pas sur une trajectoire très dynamique, comme le démontrent les nombreux avertissements sur résultat.

En Asie, les marchés attractifs sont le Japon et la Chine

Pour Louis Gave de GaveKal à Hong Kong, la Chine enregistre en ce moment des chiffres économiques meilleurs que prévus. L’inflation est sous contrôle et on assiste à une montée régulière du Renminbi. C’est la seule devise asiatique à être en hausse. Près de 18% du commerce extérieur chinois est réalisé maintenant en Renminbi.

Sur les marchés financiers en Asie, l’acheteur final qui détermine les flux est soit le particulier, soit l’investisseur étranger. Cela donne des vagues de marché très puissantes.

Aujourd’hui, les marchés en Asie sont sous évalués.

Le Japon est probablement le marché le plus intéressant, à condition de se couvrir contre la baisse du Yen. L’épargne des ménages japonais représente 8000Md$  qui, pour le moment, ne leur rapporte pratiquement rien. Acheter les actifs que les épargnants japonais vont acheter semble être un des thèmes d’investissement forts pour les prochaines années, comme cela avait été le cas il y a dix ans avec la Chine. Il faut être prudent sur les pays qui sont très dépendants de la liquidité dollar comme l’Australie et la Nouvelle Zélande. La Corée, Taiwan et Singapour offrent aussi des opportunités.

Le Japon va concurrencer l’Allemagne. Ils en ont les moyens avec les 8000Md$ d’épargne des ménages japonais qui ne rapportent quasiment rien. Les investisseurs avisés essaieront d’acheter les classes d’actif qui seront attractives pour Madame Watanabe, l’épargnante japonaise type. Curieusement, depuis le début de l’année, elle a acheté pour 65Md$  d’obligations du Trésor émises par le gouvernement français, car elle apprécie beaucoup le rendement.

En Europe, le « keynésianisme thatchérien » est en marche partout sauf en France

L’Europe était une zone instable. Il fallait stopper son agonie politique.

Un armistice a été signé sur les plans budgétaire (moins d’austérité...) et monétaire (la BCE a mis en place l’OMT avec l’accord de l’Allemagne). L’Europe est donc devenue une zone moins restrictive que le reste du monde. Tous les pays qui se redressent pratiquent comme le décrit François-Xavier Chauchat de GaveKal un « keynésianisme thatchérien » qui consiste à piloter plus intelligemment l’économie. Après les élections allemandes, cet armistice a peu de chances d’être rompu. Les actifs européens sont historiquement encore sous évalués en absolu et en relatif. C’est le secteur considéré comme « value » qui devrait encore monter (banques, télécoms, énergie).

La France était au bord de la dépression. François Hollande n’a visiblement pas encore assimilé les parcours de Gerard Schröder et de Tony Blair. L’Allemagne avec son nouveau gouvernement devrait s’engager dans une relance budgétaire pour stimuler la consommation intérieure au moment où les exportations allemandes vont souffrir de la baisse du yen. La Grande Bretagne crée des emplois. L’Italie est sortie de la procédure de déficit excessive,

Le gouvernement français continue semaines après semaines à envoyer de très mauvais signes envoyés à l’économie française. Ilssont si nombreux cette semaine qu’il devient presque impossible de les commenter tous :

L’attaque sur les prélèvements sociaux, déclenchée par le gouvernement pour boucler son budget, se solde par un recul du gouvernement. Il a voulu augmenter la taxation des gains réalisés lors du rachat de produits de placement comme le PEA, le PEL et les contrats d’assurance vie. Il s’agissait d’appliquer un taux de prélèvement uniforme de 15,5% sur l’ensemble des gains réalisés depuis 1997, année qui correspond à l’entrée de ces produits dans l’assiette de la CSG…

Pour les contrats d’assurance vie, qui prévoit d’ajouter aux revenus de l’année la valorisation latente de l’épargne placée en assurance vie, André Lévy Lang, ancien président de Paribas, a montré dans un article des Echos que si le dispositif envisagé par le gouvernement était mis en place on arriverait, pour un contribuable qui a acheté un appartement à Paris et constitué un portefeuille d’actions avec de l’épargne qui a déjà payé l’impôt, à un taux effectif d’imposition de 98% (75%+15,5%+7,5%).

La super taxe sur le capital, soit une imposition automatique de 10% sur tous les ménages disposant d’une épargne positive, pourrait enfin être mise en place par les brillants esprits en charge de la fiscalité. Ce serait probablement l’apothéose de la période de répression financière que nous sommes en train de vivre…

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